[Critique] LE BONHOMME DE NEIGE de Tomas Alfredson

Vive le vent... !

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Comme annoncé, les premiers flocons de neige tombent sur les pavés lillois, procurant ce sentiment d’euphorie hivernale d’avant Noël. C’est donc tout de blanc vêtu que j’entre dans le cinéma. L’homme au guichet ne peut alors pas s’empêcher d’esquisser un sourire quand je lui annonce que je vais voir Le Bonhomme de Neige. Loin d’être un film de Noël bon à regarder près du sapin, le sixième film de Tomas Alfredson (Morse, La Taupe) est en fait un thriller policier très enneigé puisqu’il se situe à Oslo. On suit les traces de Harry Hole (Michael Fassbender), un inspecteur de police dépressif chargé d’enquêter sur un tueur à gage fan de… bonhomme de neige. Dit comme ça, le film prête à sourire, mais c’est n’est pas du tout un nanar que je suis allé voir. Des disparitions suspectes de femmes ayant des enfants, ou sur le point d’en avoir, toujours accompagnées par la figure d’un bonhomme de neige peu amicale, suffisent à Harry Hole pour se pencher sur l’affaire que sa collègue Katrine a commencé. Le film est adapté du roman du même nom de l’auteur Jo Nesbø.

Une réa’ qui se fait plaisir !

On entame le film par une scène d’introduction pré-générique révélant la jeunesse du tueur que nous suivrons. À la réalisation, Tomas Alfredson se fait clairement plaisir, notamment avec la poursuite en voitures à travers les étendues enneigées de Norvège. C’est surtout un aspect du montage qui marque dès le début. En effet, dans les moments de mise en place, le film « surcut » un maximum. Le cut sur le plan suivant se fait un chouïa juste avant le moment auquel on s’y attend, ce qui crée un effet de surprise voir de rebond quand il est utilisé à la suite. Ainsi, les scènes d’exposition présentent une dynamique atypique. À cela, on peut ajouter un gros travail sur les transitions et les ellipses. Sous formes de plans séquences, ces ellipses permettent au spectateur de rester dans le film, même lorsqu’il y a un changement d’espace ou de temps.
En étant très dynamique sur le montage et l’exposition du récit, le film arrive à installer une ambiance grâce à la mise en scène. Des plans des montagnes enneigées à ceux des parcs et des résidences norvégiennes pendant l’hiver, tout est là pour établir une atmosphère ! La réalisation réussir à faire rentrer le spectateur dans le film très vite, mais c’est là que les choses sérieuses commencent.

À qui jouera le mieux l’ivrogne

La dernière fois que j’avais vu Michael Fassbender sur grand écran, c’était au choix, en gitan irlandais dans À ceux qui nous ont offensés ou en Magneto dans les X-Men. Autant dire que le voir camper un flic dépressif va limite de soi. Plus que d’être un flic dépressif, c’est surtout un inspecteur connu et reconnu, en perte de vitesse et en recherche active d’une enquête croustillante. Le seul défaut du personnage de Harry Hole est son problème avec l’alcool, souligné à plusieurs reprises par lui-même et par le film comme une des raisons de sa dépression. Cependant, lors de l’enquête, il semble peu affecté par ces problèmes d’alcoolisme (ou seulement lorsqu’il doit penser à Oleg). Surtout en comparaison de l’inspecteur Rafto, autre personnage qui, sous les traits de Val Kilmer, est l’archétype même du flic raté, ivrogne et un peu taré sur les bords mais qui reste attaché et prévoyant envers sa petite fille. Il impose à l’écran, bien plus que Fassbender, son aspect au bord du gouffre. Il est même sublimé par une scène digne d’un western lors de la découverte d’un corps en pleine montagne. Un acteur avec une “gueule” qui n’aurait, à mon sens, pas démérité dans Sin City.  

“Des bonhommes de neige tueurs ?”

Alors que le récit avance, la réalisation se fait plus simple, factuelle et fonctionnelle, ce qui est dommage à mon sens parce qu’on perd le côté atmosphère et ambiant du film. L’histoire et l’intrigue prennent donc le pas sur la mise en scène qui proposera malgré tout, quelques rebonds par instants. Indice par indice, meurtre par meurtre, les fils du thriller et du polar s’emmêlent plutôt bien, créant un constant sentiment de recherche. Alors que les filets du tueur se resserrent, les bonhomme de neige apparaissent de plus en plus, les rendant encore plus « creepy » à mes yeux. Voir le film en VF, aurait surement désamorcé cette peur. Il faut dire qu’entendre parler de “Bonhomme de neige tueur” m’aurait fait éclater de rire tandis que “Snowman’s killer” est tout de suite plus sérieux.
Le film amène très bien la figure du tueur parfois massif et brutal mais aussi méthodique et minutieux, en restant très attaché à la figure des bonhommes de neige. Mais finalement, le film déconstruit un peu cette image vers la fin. D’où, un sentiment d’incohérence qui m’a envahit à ce moment. En fait, tout ce qui découle après la découverte de l’identité du tueur ne fonctionne plus vraiment. Si le film arrive à faire monter la tension, il ne parvient pas à prendre un nouvel élan pour nous amener à son issue. Je pense que ce sentiment vient du fait que le film s’axe beaucoup sur le personnage de Harry Hole (évidemment) mais à mon avis, peut être trop. On suit plus l’histoire d’un inspecteur qui veut se relancer que celui d’un enfant traumatisé qui deviendra le tueur au bonhomme de neige. Ceci est surement dû au fait que le roman s’inscrit dans une série où l’on suit Harry Hole. D’où le problème. Ici, c’est un film, et à moins qu’il ait l’ambition d’en faire une série, la dernière scène ne sert strictement à rien ! Ainsi, le film trouble par son manque d’équilibre entre ses personnages.

Incohérence et climax qui tombe à l’eau

De fait, le tueur n’est pas assez exploité en tant que personnage, il est juste là en antagoniste, alors que l’on aurait pu s’attendre à le voir prendre une place beaucoup plus centrale dans le récit. C’est une des raisons qui font que je n’ai pas aimé la fin de Le Bonhomme de Neige. Il y a évidemment certaines incohérences et décisions incongrues, mais même en ne se focalisant pas dessus, le film m’a déplu. Pourtant, le fond du personnage du tueur était intéressant, les meurtres qu’il commet ont un sens (“pour lui”). Malheureusement, la scène climax tombe à l’eau (sans mauvais jeu de mot puisqu’elle se passe sur un lac gelé). La fin est beaucoup trop expéditive, alors que tout le film avait un bon rythme qu’il gérait pourtant bien.
Le Bonhomme de Neige est un bon polar agrémenté de petites touches de thriller qui se laisse regarder, où l’on peut s’immerger sans mal pour peu quand on se laisse prendre. Le film fait de bonnes choses, surprend, mais se plante complètement sur la fin en ne sachant pas quelle réelle direction prendre. Oubliée la belle neige de Norvège, pour ma part, je rentre chez moi non pas sous un grand manteau blanc mais en pataugeant dans une neige qui s’apparente plus à de la soupe qu’à autre chose…

Note : 2.5 sur 5.

LE BONHOMME DE NEIGE. De Tomas Alfredson (Royaume-Uni/Suède/USA – 2017).
Genre : Thriller. Scénario : Hossein Amini, Peter Straughan et Søren Sveistrup, d’après le roman Le Bonhomme de neige de Jo Nesbø. Interprétation : Michael Fassbender, Rebecca Ferguson, Charlotte Gainsbourg… Musique : John Carpenter et Alan Howarth. Musique : Marco Beltrami. Durée 119 minutes. Distribué par Universal Pictures (5 décembre 2017).

Par François Hamelin

Rédacteur sur Obsession B. « S’il ne devait y avoir qu’une règle pour me séduire ?… Surprenez moi ! » Voilà comment caractériser ma passion pour le cinéma ! Des films indépendants aux thrillers sombres en passant par les films de science fiction purs et durs et les polars sous acides. C’est simple, tout ce qui a de l’intérêt m’intéresse ! Sur Obsession B, je viendrais parler des pépites comme des blockbusters. Si j’avais un film de chevet ça serait THE THING de John Carpenter, pour m’évader je lance SWISS ARMY MAN sans tarder, j’ai failli arrêter l’école après avoir vu BATTLE ROYALE et oui, j’ai pleuré devant JODOROWSKY’S DUNE !
Contact : fohamelin@gmail.com

2 Comments on [Critique] LE BONHOMME DE NEIGE de Tomas Alfredson

  1. Il faut toujours se méfier des adaptations au cinéma des grands romans. On l’a vu avec Da Vinci Code et bien d’autres. À l’inverse, Harry Potter est, à mon humble avis, une série de réussites. L’adaptation suédoise de Millenium est un régal, alors que la version américaine est plus que décevante.
    Grand fan de Jo Nesbo, et à la lecture de votre commentaire, je n’irai certainement pas le voir. J’attendrai éventuellement qu’il arrive sur le petit écran.
    Une dernière chose : le film, comme le livre, se nomme « Le Bonhomme de Neige » et non « Bonhomme de Neige », comme vous ne cessez de le répéter.

    Aimé par 1 personne

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