[Critique] THE LAST GIRL – CELLE QUI A TOUS LES DONS de Colm McCarthy
Et encore un film de zombie, un ! Mine de rien, le zombie-flick est l’un des sous-genres les plus représentés depuis ces vingt dernières années. Que ce soit au cinéma, à la télévision, dans les bande-dessinées, les jeux vidéos, les romans… La mythologie du mort-vivant (ou de l’infecté, c’est selon) n’a pas fini d’être déclinée à toutes les sauces. Compliqué dès lors de proposer une variation un temps soit peu originale/intéressante, et surtout, de maintenir l’intérêt d’un public quelque peu gavé et connaissant désormais tout d’une créature largement démocratisée.
Avec The Last Girl – Celle qui a tous les dons, le britannique Colm McCarthy tente une approche relativement différente en se basant sur un roman écrit par M. R. Carey. Dans un monde post-apocalyptique où les infectés se sont répandus sur l’ensemble du globe, un groupuscule militaire tente de survivre retranché dans une base de l’armée. Retenant en captivités un groupe d’enfants contaminés, ils tentent de trouver une explication à l’épidémie et une solution pour éviter l’extinction de l’homme. Rien de trépidant ni de très original à première vue. Sauf que The Last Girl, a cela de particulier qu’il se place à hauteur d’enfant. Le personnage principal, Melanie, est une jeune fille qui, parmi d’autres adolescents, pourrait bien détenir en elle l’agent pathogène contaminant. Autre argument du film, les jeunes en question présentent la particularité d’être à la fois des infectés et des humains. Un état ambivalent qui donne tout son sel au film.
Zombie mais pas trop
Dans The Last Girl, Colm McCarthy montre dans un premier temps les terribles conditions de détention de ces jeunes prisonniers à qui l’ont fait passer des tests scientifiques et cérébraux, à l’image des mutants de la saga X-Men. Une première partie étouffante, anxiogène, dans laquelle le cinéaste dévoile progressivement et avec beaucoup d’intelligence, les tenants et aboutissants de son intrigue.
Puis, le récit s’aère et se transforme en survival alors que les protagonistes sont contraints de quitter la base militaire pour partir explorer une Angleterre dévastée. L’économie de moyens qui a précédé laisse alors place à des visions de villes dévastées, où les zombies pullulent et où la nature reprend ses droits. La direction artistique est soignée et donne à voir une cité crédible, qui, plus qu’à d’autres œuvres cinématographiques du genre, renvoie davantage vers le jeu vidéo (et chef d’oeuvre du genre) The Last of Us du studio Naughty Dog, au même titre que la nature de l’infection et le look des contaminés. A cet égard, le film ose, se démarquant du tout venant en se parant d’une réflexion (modeste mais bien présente) sur la place de l’humain dans le milieu naturel.
Une réflexion qui s’accompagne d’un questionnement pertinent de son héroïne. Libérée, la jeune Melanie se trouve alors confrontée à la dualité de sa condition, la plupart du temps humaine, mais en proie à de fréquentes crises de cannibalisme (excellente idée du gel répulsif), elle doit se partager entre sa volonté d’aider ses compagnons et celle de contenter ses accès de violence, refréner des pulsions de plus en plus incontrôlables. En faisant des enfants de véritables monstres, Colm McCarthy n’hésite pas à bousculer, voire à provoquer des idées reçues, allant jusqu’à montrer une bande de jeunes infectés ayant régressé à l’état sauvage, déchiqueter un adulte, affichant plein cadre le résultat de l’agression.
Rapports de force
Même si The Last Girl n’échappe pas toujours aux écueils inhérents au genre, que certains personnages ne s’élèvent pas plus haut que de simples faire-valoirs caricaturaux, que la charmante Gemma Arterton apporte une sensibilité assez juste dans ses scènes avec Melanie, mais se retrouve reléguée aux utilités dans le deuxième acte, que certains rebondissements sont attendus… le film révèle surtout une jeune comédienne, Sennia Nanua. Avec une palette d’émotions étonnantes et toujours crédibles, elle porte littéralement le film sur ses épaules. Jusqu’à une séquence audacieuse, où Melanie est contrainte de faire un choix crucial et fondamental pour l’avenir de l’humanité. L’ultime scène vient intelligemment inverser les rapports de force et de domination précédemment mis en place, un choix que l’on pourra trouver fortement pessimiste ou au contraire empli d’espoir suivant comment on l’interprète, mais qui vient boucler avec cohérence The Last Girl, film d’infectés paradoxal qui ne révolutionne rien, qui donne même le sentiment d’avoir été déjà vu mille fois, mais qui par petites touches, réussit à se démarquer du tout venant et à se forger une identité. Et c’est déjà beaucoup…
THE LAST GIRL – CELLE QUI A TOUS LES DONS
Colm McCarthy (Royaume Uni – 2016)
Genre Horreur Post-apocalyptique – Interprétation Sennia Nanua, Gemma Arterton, Glenn Close, Paddy Considine, Dominique Tipper… – Musique Cristobal Tapia de Veer – Durée 111 minutes – Disponible en blu-ray chez Universal (2 novembre 2017).
L’histoire : Au fin fond de la campagne anglaise, une base militaire héberge et retient prisonniers un groupe d’enfants peu ordinaires qui, malgré le fait d’avoir été infectés par un agent pathogène «zombie» qui a décimé la planète, demeurent capables de penser et de ressentir des émotions. Lorsque la base est attaquée, Melanie, qui semble être la plus surdouée d’entre eux, réussit à s’échapper en compagnie de son professeur, de deux soldats et d’une biologiste qui ne voit en elle qu’un cobaye indispensable à la découverte d’un vaccin…
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