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Le silence est d’or. Le réalisateur John Krasinski a fait de ce proverbe le cœur-même de son film Sans un bruit. Il fait même mieux en explorant toutes les possibilités de son prometteur postulat de base pour ce qui apparaît comme un film de genre pur jus et assumé de bout en bout.
Si le silence est d’or, il est surtout synonyme de survie. Dans un monde quasi post-apocalyptique, le cinéaste/acteur expose le quotidien d’une famille tâchant de (sur)vivre au jour le jour dans un silence absolu, sous peine de se faire salement désosser par d’immondes créatures aveugles mais disposant d’une ouïe sur-développée. Un concept totalement excitant en cela qu’il embrasse la notion même de cinéma et de jeu sur le son. Si l’idée initiale n’est pas de Krasinski et que le scénario a été développé par une flopée d’intervenants, on voit aujourd’hui tout ce que le cinéaste a souhaité infiltrer dans ce projet. Car c’est l’une des grandes réussites de Sans un bruit : parvenir à se focaliser sur l’image et par extension sur l’absence du son, pour raconter son histoire et faire passer les informations et émotions nécessaires à la progression du récit.

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Muet comme une tombe

Un travail payant puisque Sans un bruit est une vraie réussite, un film d’horreur de très haute tenue, aussi maîtrisé que jouissif. Krasinski a tout compris (ou presque) et dès sa scène introductive, le film accroche immédiatement. Les cinq membres de la famille évoluent dans un silence presque total dans une épicerie afin de se ravitailler, puis regagnent leur refuge en traversant une forêt. En quelques minutes et autant d’astuces visuelles (les personnages se déplacent pieds nus et communiquent par le langage des signes), Krasinski plante les grandes lignes de son projet : son décor, son concept, son suspense, mais aussi le dispositif cinématographique dont il ne s’éloignera (quasi) jamais ensuite et distille une ambiance de désespoir très particulière. Avec, premier uppercut, la disparition d’un des membres du groupe, histoire de bien faire comprendre au spectateur le danger et l’inéluctabilité qui guettent. On l’a dit, l’intrigue et le concept épousent le dispositif cinématographique mis en place. Et le cinéaste, pourtant guère amateur de films de genre selon ses dires, vient en remontrer à toute une palanquée de réalisateurs frappés du bulbe du jump-scare facile et d’une absence de recul sur les outils du film d’horreur…

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L’exploitation du hors-champ sonore

On est habitué à être désarçonné par le hors-champs visuel, mais Sans un bruit exploite le hors-champs sonore avec beaucoup d’à propos et un sens aigu de la trouvaille visuelle. Dépourvu de dialogue pour l’essentiel, le film communique ses informations par l’image, et dote sa mise en scène d’une ampleur et d’une rigueur surprenantes et bienvenues. Sans un bruit est un petit délice de survival, aux idées pertinentes (l’accouchement programmé, la déficience auditive de la fillette) qui sait se montrer cruel quand il le faut, et pas avare en moments de tension.
Mais parce que l’on est tout de même exigeant, on saura reconnaître malgré tout quelques défauts venant entacher le tableau. En premier lieu, l’usage d’une bande originale signée Marco Beltrami qui, sans être mauvaise en soi, appuie un peu trop les effets et surtout, entre en totale contradiction avec le concept du film et son silence pesant, ce qui a pour conséquence d’éroder d’autant l’ambiance anxiogène créée jusque là. Une incohérence vraiment dommageable. Par ailleurs, quelques raccourcis scénaristiques et grosses ficelles laissent dubitatifs (l’accouchement expédié, le final un peu trop dépourvue d’émotion et badass).
De menus défauts pour une œuvre extrêmement solide qui sait ce qu’elle veut faire passer et qui y parvient admirablement, proposant une tension extrême (la scène du clou), qui prend le spectateur par le col pour ne plus le lâcher. Rarement aura-t-on vu une salle de cinéma aussi silencieuse, en adéquation avec le propos du film. Et rien que pour ça : Thank you John Krasinski !

Note : 4 sur 5.
SANS UN BRUIT de John Krasinski

SANS UN BRUIT (A Quiet Place). De John Krasinski (USA – 2018).
Genre : Survival/horreur. Scénario : Scott Beck, John Krasinski, Bryan Woods. Photographie : Charlotte Bruus Christensen. Interprétation : John Krasinski, Emily Blunt, Noah Jupe, Millicent Simmonds… Musique : Marco Beltrami. Durée : 90 minutes. Distribué par Paramount Pictures.

4 réponses à « [Critique] SANS UN BRUIT de John Krasinski »

  1. Je partage ton enthousiasme. C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes et j’adore le coté oldschool de l’ensemble. Et je partage ton bémol concernant le score pompier de Beltrami, pas très subtil sur ce coup là…

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  2. […] l’obscurité, avec une bande-son pour le moins évocatrice. Pour autant, ce parti-pris évoquant Sans un Bruit et sa suite reste trop timide. C’est l’autre souci d’Ogre, cette incapacité à faire […]

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  3. […] premier opus de et avec John Krasinski sortie en 2018, et une suite qui avait divisé les fans, Sans un bruit est de retour en salles avec un nouveau chapitre faisant office de préquelle. Un retour aux […]

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  4. […] Depuis moins de dix ans, ils se sont fait connaître pour avoir notamment co-scénarisé le premier Sans Un Bruit avec son réalisateur, John Krasinski. Mais, c’est depuis 2006 et leur The Bride Wore Blood […]

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