[Critique] RAGE de Rustam Mosafir
Le cinéma russe peine à se frayer un chemin jusqu’en France. Pas simple de découvrir ces blockbusters débridés tentant de rivaliser avec Hollywood sur le plan du spectaculaire. Quand certaines œuvres comme Rage parviennent jusqu’à nous, qu’il s’agit en plus d’une promesse de mixe entre Heroïc-Fantasy et folklore russe, on ne peut qu’y jeter un regard curieux. Et on a bien raison.
Décomplexé, le film de Rustam Mosafir affiche une générosité qui fait plaisir et ne trompe pas sur la marchandise. Le plan séquence inaugural donne le ton : de la castagne brutale dans des paysages désolés, avec des personnages tatoués et bur(i)nés.
Avec sa caméra portée en permanence, ses combats sauvages et bestiaux chorégraphiés avec savoir-faire, et en évitant tout surdécoupage excessif, Rage fait plutôt bonne impression sur un plan visuel. Car ce n’est pas dans son intrigue que le film de Mosafir tire son épingle du jeu. Une trame réduite à la portion congrue, avec des enjeux relativement basiques : Lutobor, un guerrier aguerri, doit retrouver femme et nouveau-né enlevés par un clan ennemi, et doit s’allier pour cela à un combattant prisonnier. Le réalisateur/scénariste saupoudre l’ensemble de quelques pincées de jeux de pouvoir, de complots et de trahisons, histoire de relever la sauce. Mais rien de très original au final. Même si ce n’est pas ce qu’on lui demande.
De l’odre dans le chaos ambiant
Bourrin à souhait, Rage s’appuie en tout état de cause sur une mise en scène efficace et bourrée d’énergie, des plans léchés et esthétisés à fond, avec poses iconiques, ralentis, éclairages et filtres colorés à l’avenant. Le rendu un peu « too much » n’est pas loin, d’autant que la bande-son accueille un mixe de score lyrique et de métal. Rage ne fait pas forcément dans le bon goût mais dans l’efficace à tout prix. Et sur ce terrain, force est de reconnaître qu’il atteint son but. Rustam Mosafir pioche allègrement dans ce qui se fait ailleurs, et ses choix sont les bons. On pense notamment à John McTiernan et son sauvage 13e Guerrier, au détour de quelques plans iconiques, et de sa tribu nécrophage dissimulée dans la forêt. Des emprunts qui apportent une plus-value au projet, mais qui soulignent également la distance qui sépare Rage de ses modèles. Car l’ensemble finit pourtant par n’être plus qu’une succession d’affrontements de plus en plus violents et sanguinaires, aux frontières du psychédélisme et de l’abstraction totale. Une orientation qui pourra diviser : on aime ou on rejette, c’est selon.
Le final, au cours duquel le héros retrouve femme et enfant, et dans un même élan dévoile un complot contre son prince et réunifie du même coup les clans ennemis, apparaît comme une conclusion quelque peu édulcorée. Le film brutal et sans concession du début semble s’achever sur une note un peu trop policée pour être honnête. Avant un ultime rebondissement venant paradoxalement remettre de l’ordre dans le chaos ambiant…
RAGE
Rustam Mosafir (Russie – 2018)
Genre Aventure/action – Interprétation Aleksey Faddeev, Rustam Mosafir, Vitaly Kravchenko, Yuri Tsurilo… – Durée 100 minutes. Distribué en Blu-ray et DVD par Wild Side – Facebook (4 juillet 2018).
L’histoire : Alors qu’une civilisation est en train d’en remplacer une autre, les Scythes ont quasiment tous disparu. Les quelques descendants restants s’affrontent entre eux. Lutobor, un vaillant guerrier, est impliqué dans un conflit fratricide et doit s’engager dans un périlleux périple pour sauver sa famille. Accompagné de Weasel, un prisonnier de la tribu ennemie, ils vont devoir mener cette quête ensemble…
Chronique réalisée en partenariat avec Cinetrafic, qui propose les films d’action récents et les films à regarder à tout prix.
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