[Critique] ROSEVILLE de Martin Makariev
Au fond des bois


Ce n’est pas tous les jours que l’on a accès à un film d’horreur bulgare. C’est donc avec curiosité que l’on aborde ce Roseville, premier long-métrage de Martin Makariev, ayant reçu une ribambelle de prix dans son pays. Une curiosité renforcée par le cadre dans lequel se situe l’action : un chalet perdu au fin fond de la forêt dans les Balkans, une légende liée à un chêne pluricentenaire, un site où les forces du mal rôdent, et vont se manifester auprès des cinq occupants du lieu. Comme l’indique une introduction présentant des images d’archives, le scénario s’inspire d’un fait réel sordide, au cours duquel plusieurs amis ont été retrouvés morts dans la maison et qui a défrayé la chronique en 1985. Le film est pavé de bonnes intentions. Et s’il y a un vrai bon point à lui attribuer, c’est d’avoir accordé soin tout particulier à l’atmosphère qui y est distillée. En dépit d’une photographie grisâtre un peu laide et clichée (la Bulgarie, c’est tout gris), on peut reconnaître à Martin Makariev un talent certain pour offrir des cadres léchés, et quelques belles idées de plans iconiques. Rien de révolutionnaire (et c’est bien l’un des soucis), mais le réalisateur reprend à son compte les codes visuels du film de maison hantée et de possession. Du strict point de vue de la forme, Roseville tient la route. Ce qui est fort dommage en revanche, c’est que son scénario et surtout son rythme sont inversement proportionnels à son aspect visuel. On sent dès l’exposition une volonté de proposer des personnages fouillés (au final, des clichés), mais le film se perd progressivement dans un mystère qui s’épaissit jusqu’à en devenir purement et simplement inintéressant. Le rythme languissant n’aide évidemment pas, l’ensemble des scènes se succédant les unes aux autres, dans des longs couloirs dialogués au coin du feu.

Rendez-vous manqué…
Le principal problème de Roseville est bien là : le film est ultra bavard, et met en scène des comédiens volontaires mais pas toujours très inspirés, quand ils ne sont pas en roue libre de jeu caricatural (Vassil en mode Jack Torrance, le protagoniste américain en surjeu total)… Le film fait deux heures et on les sent, ses problèmes d’écriture n’aidant vraiment pas à maintenir l’attention du spectateur le plus endurci. Une scène choc par ci, un jump scare par là histoire de réveiller l’auditoire, ne dissimulent pas le manque d’intérêt croissant que provoque Roseville. A tel point que l’on se moque assez rapidement des tenants et aboutissants d’une intrigue qui ne sait pas sur quel pied danser : Surnaturel ? Satanisme ? Paranoïa ? Conspiration ? Martin Makariev ne semble jamais vouloir assumer le postulat fantastique de base, se servant des codes du genre pour mieux les remettre en cause ensuite. Et l’absence presque totale d’éléments induits et promis par le script (où est le sexe, où est le sang ? Bordel !), paraît au final presque malhonnête de la part du cinéaste.
Ne proposant rien de bien nouveau sous la grisaille du film de maison hantée, Roseville empile les lieux communs tout en les enfouissant sous des trombes de dialogues un peu aberrants et soporifiques et une musique sursignifiante et omniprésente. A tel point que son final (enfin ! est-on tenté de dire…) fait pshitt… On attendait un film de genre porté par les spécificités et le folklore bulgares. La volonté était là mais la concrétisation à l’écran est laborieuse. C’est ce qui s’appelle un rendez-vous manqué !
ROSEVILLE. De Martin Makariev (Bulgarie – 2013).
Genre : Horreur. Scénario : Martin Makariev. Interprétation : Kalin Vrachanski, Lydia Indjova, Plamen Manassiev, Elena Petrova, David Chokachi. Musique : Victor Stoyanov. Durée : 117 minutes. Distribué par Rimini Editions (20 août 2018).
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