[Be Kind Rewind] AU SERVICE DU DIABLE de Jean Brismée (1971)

La Belgique n’est pas une terre de cinéma d’exploitation et rares sont les films du genre à avoir marqué les esprits. L’une des rares oeuvres fantastiques à éveiller l’attention reste Au Service du Diable (originellement La Plus longue nuit du Diable et une floppée d’autres titres ensuite…) réalisée par Jean Brismée.
La période (début des années 70) s’y prêtait fort bien, alors que le déclin de la Hammer s’engage, que Mario Bava et le cinéma de genre italien (pays coproducteur du film) a livré quelques pièces maîtresses, le fantastique belge a alors une place à prendre. C’est à l’inattendu Jean Brismée, réalisateur de télévision, que revient la tâche de mettre en image cette histoire de succube malveillante et de malédiction familiale. Rien de bien original au demeurant, puisque l’on y suit un groupe de voyageurs contraints de faire halte dans un château perdu au fin fond de la Forêt Noire. Le lieu abrite de bien étranges secrets, dont on dispose d’un aperçu dès le prologue, une séquence en noir et blanc prenant place dans le Berlin de 1944 et au cours de laquelle on assiste à l’assassinat d’un nouveau-né par un notable allemand. Passé cette introduction déjà énigmatique et plutôt stimulante, Au Service du Diable nous propose un menu aux airs de déjà-vu, mais suffisamment bien ficelé pour provoquer l’intérêt… Le déroulé qui voit chaque personnage passer l’arme à gauche au contact de la succube est un rien mécanique, mais une fois encore, un certain charme opère. Car chacune des victimes périe là où elle a fauté, suivant la logique des sept péchés capitaux : luxure, gourmandise, envie… Seven avant l’heure…

Emballé c’est pesé
L’une des plus belles qualités d’Au Service du Diable est la manière très professionnelle dont Jean Brismée emballe son film, techniquement très soigné, et qui expose ses éléments fantasmagoriques avec beaucoup d’honnêteté, de respect et, il faut le reconnaître, une certaine dose de talent. Les décors du château, bien que minimalistes, sont fort bien exploités, et les idées de mise en scène (ces gros plans répugnants sur une future victime dévorant son repas, les apparitions de la succube ou de la mort) plutôt bien vues. On y trouve évidemment les ingrédients de tout film d’exploitation qui se respecte : une bonne pincée d’érotisme, avec notamment une Erika Blanc (Opération Peur de Mario Bava), à la fois inquiétante et sexy à souhait, des meurtres en série, une figure du Mal grandiose en la personne de Daniel Emilfork et son physique hors-norme. A cela s’ajoute également la musique très à propos d’Alessandro Alessandroni.
Au final, Au Service du Diable est suffisamment rigoureux et habité pour convaincre, il distille par ailleurs un charme indéniable et redécouvrir le film aujourd’hui est une vraie petite gourmandise. Qui le place incontestablement comme l’un des tous meilleurs films d’exploitation ayant vu le jour sous pavillon belge.
AU SERVICE DU DIABLE
Jean Brismée (Belgique/Italie – 1971)


Genre Fantastique – Avec Erika Blanc, Daniel Emilfork, Jean Servais, Jacques Monseau… – Musique Alessandro Alessandroni – Durée 95 minutes. Distribué par Artus Films (4 juin 2019).
Synopsis : Berlin, 1944. Son épouse morte en couches, le baron von Rhoneberg tue son enfant, espérant mettre un terme à l’antique malédiction familiale, qui veut que chaque fille devienne une succube au service du diable. 25 ans plus tard, sept personnes voyagent dans la Forêt-Noire. Ils vont frapper à la porte du château du baron pour demander asile.
L’édition d’Artus Films

TECHNIQUE ★★★☆☆
Voilà une belle édition proposée par Artus Films, qui se sort fort bien d’un master qu’on imaginait abîmé, mais dont la restauration livre aujourd’hui une très belle image, à la colorimétrie équilibrée et aux contrastes corrects. Même si on perçoit une utilisation poussée du réducteur de bruit à certains instants, et que l’image n’est pas exempte de défauts (rayures, tâches), ce disque reste de très bonne qualité.
Côté son, cette édition se voit dotée d’une seule piste, la version française. Mais les dialogues sont clairs et dynamiques, sans souffle exagéré.
INTERACTIVITÉ ★★★☆☆
Artus fait de nouveau appel à Alain Petit, historien du cinéma bis, mine d’informations, qui replace le film dans son contexte et livre évidemment nombre d’anecdotes intéressantes. Un court mais amusant entretien avec le réalisateur Jean Brismée complète une section bonus par ailleurs dominée par la présence d’Erika Blanc, qui se livre dans un entretien sur le tournage et sa carrière. Des scènes alternatives dispensables, une bande-annonce et un diaporama d’affiches et de photos complètent l’interactivité. A noter, la présence d’un livre de 64 pages rédigé par Christophe Bier, “La Nuit des pétrifiés”, que nous n’avons pas eu en notre possession.
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