[Critique] LA DERNIERE VIE DE SIMON de Léo Karmann

Face à un cinéma d’auteur français sclérosé et à une industrie hexagonale qui ne voit que par la comédie grasse et velue, la proposition d’un cinéma différent, qui ose le populaire sans oublier d’être ambitieux et audacieux, empruntant aux œuvres hollywoodiennes au même titre qu’il puise dans ses racines françaises, fait l’effet d’un phare appréciable dans l’obscurité de l’inspiration cinématographique « à la française ».
La Dernière Vie de Simon apparaît comme une bouffée d’oxygène encourageante et bienvenue dans un cinéma hexagonal un peu trop binaire pour son propre bien. Le réalisateur, Léo Karmann, porte le projet depuis de nombreuses années avec sa scénariste Sabrina B. Karine. Il faut dire que le film, dont le scripte a sensiblement évolué depuis ses débuts, charrie avec lui une imagerie et des intentions le rapprochant du cinéma populaire autant qu’exigeant de Steven Spielberg ou Robert Zemeckis, ce qui peut dérouter et/ou repousser le producteur académique français. Des influences qui se retrouvent ici autant dans son histoire, sa quête d’identité et de l’unité familiale que dans un traitement formel aussi soigné qu’emplit de sens. Léo Karmann et Sabrina B. Karine prêtent à leur premier long-métrage l’ambition d’une œuvre qui avancerait avec une puissance d’évocation formelle susceptible de conter une histoire forte, tout en ménageant une émotion puissante et digne.

L’amour impossible

L’histoire du jeune Simon, porteur d’un pouvoir lui permettant de prendre l’apparence de n’importe quel individu qu’il touche, lance le film comme un conte fantastique suivant de jeunes enfants pas épargnés par la vie : Simon est orphelin, Madeleine souffre d’un cœur malade… La rencontre de ces personnages offre au spectateur un moment de cinéma léger, coloré et acidulé, bien que porté par une mise en scène ultra léchée et toujours signifiante, jamais gratuite. Un tragique événement va néanmoins rebattre les cartes, et servir de moment pivot au film, lorsque le jeune Simon intègre une cellule familiale joyeuse et équilibrée. Se substituant à un autre enfant, mais amoureux de la sœur de ce-dernier, il se retrouve dans une situation moralement inconfortable. Un nœud dramatique fort, qui ausculte avec un regard aussi bienveillant que sincère le cheminement de ces enfants évoluant dans leur univers fait de naïveté et de sincérité, le passage à l’adolescence et l’évolution de l’amour impossible… Jusqu’à ce que la pression du mensonge ne fasse voler en éclat les apparences et les rapports humains.

Il y a un signe qui ne trompe pas sur le grand mérite de La Dernière vie de Simon, ses qualités font passer ses inévitables maladresses de premier long-métrage au second plan : un rythme qui s’essouffle sur la durée, des références ultra visibles, une musique un peu envahissante et un final qui lorgne vers le thriller, plutôt bien vu en l’état, mais moins abouti que ce qui a précédé.
La Dernière Vie de Simon étonne et séduit autant par la cohérence de son traitement, de sa mise en scène audacieuse et pleine de sens, qui permet à Karmann et Karine de faire l’économie de dialogues sur-signifiants, que par son interprétation extrêmement juste et touchante, notamment au sein du casting des enfants, tous au diapason. Le film dit plus par l’image que par les mots, et l’alchimie de ses choix de réalisation et de ses comédiens vise juste. Certains plans sont magnifiques d’évocation (le premier baiser dans la grotte) et les paysages littoraux bretons sublimés par la caméra de Karman et la photographie de Julien Poupard. Surtout, le film de Léo Karmann transpire la passion du cinéma de tous les pores de ses plans. Même si on pourra le taxer de naïf, La Dernière Vie de Simon laisse un agréable goût de cinéma sensible et intelligent dans son traitement et puissant dans son ambition formelle. Une belle proposition de cinéma de genre populaire et incarnée. A encourager !

Note : 4 sur 5.
LA DERNIERE VIE DE SIMON
Léo Karmann (France/Belgique- 2019)
Genre Fantastique – Avec Benjamin Voisin, Martin Karmann, Camille Claris, Nicolas Wanczycki, Julie-Anne Roth, Albert Geffrier… – Musique Erwann Chandon – Durée 103 minutes. Distribué par Jour2Fête (5 février 2020).

Synopsis : Simon a 8 ans, il est orphelin. Son rêve est de trouver une famille prête à l’accueillir. Mais Simon n’est pas un enfant comme les autres, il a un pouvoir secret : il est capable de prendre l’apparence de chaque personne qu’il a déjà touchée…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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