[Be Kind Rewind] INCUBUS de John Hough (1981)


Réalisateur marquant du cinéma indépendant new-yorkais des années 60 à 80, John Cassavetes n’a jamais œuvré dans les genres fantastique et horrifique, derrière la caméra tout du moins. Car le cinéaste a également marqué les esprits en tenant la vedette dans des films de genre aussi importants que Rosemary’s Baby (Roman Polanski), The Fury (Brian De Palma) ou encore Incubus de John Hough. Sortie en 1981, alors que les films de possession avaient le vent en poupe sur les écrans, cette production canadienne embarque Cassavetes dans un rôle de chirurgien enquêtant sur les exactions d’un mystérieux violeur et assassin dans une petite ville américaine. A mesure que les crimes plus atroces les uns que les autres se succèdent, l’hypothèse d’une force surnaturelle commence à germer…
Si l’entrée en matière d’Incubus s’inscrit dans son époque et lorgne vers le slasher, voire le giallo, avec son tueur observant en vue subjective ses futures proies avant de les massacrer, le film s’embarque peu à peu vers autre chose, le film de possession évidemment, mais pervertit ses propres règles, pour aboutir à un résultat à la fois étrange et fascinant. Il faut dire qu’à la baguette, John Hough est un brillant artisan qui a œuvré notamment à la Hammer et présentant une belle carte de visite dans le domaine du fantastique. Les Sévices de Dracula (1971), La Maison des Damnés (1973), Les Yeux de la forêt (1980), autant de petits films solides et dignes représentants du genre. Le cinéaste britannique apporte ici tout son savoir-faire à ce récit de traque du démon, multipliant les cadrages suggestifs et dépeignant une atmosphère oppressante. C’est de toute évidence la mise en scène et le jeu des comédiens qui emportent le morceau, prenant le pas sur un scénario rapidement nébuleux.

Fiévreux, suggestif et déviant
Le personnage et la prestation de John Cassavetes ne sont pas étrangers au rythme languissant et à l’ambiance déviante du film. L’implication du comédien dans le projet ne se borne d’ailleurs pas à l’interprétation de son personnage de chirurgien auquel il apporte une présence quelque peu insaisissable et inquiétante. En accord avec John Hough, le réalisateur d’Opening Night s’est impliqué dans le processus du film, balayant le scénario initial de George Franklin, d’après le roman éponyme de Ray Russell, et imposant à son metteur en scène ainsi qu’aux autres comédiens une mécanique d’improvisation qu’il affectionne et à laquelle répondent ses propres réalisations. Une méthode hors des conventions qui emmène le film vers ce ton étrange, presque balbutiant, et lui confère une personnalité très particulière. Incubus fraye par ailleurs avec un érotisme déviant. Les meurtres, bien que sauvages et filmées hors-champ pour la plupart, laissent place à une suggestion très efficace pouvant évoquer les assauts de l’entité libidineuse de L’Emprise de Sidney J. Furie, sorti peu après. De même, le personnage du docteur Sam Cordell (Cassavetes) se révèle à cet égard très ambigu, ses relations (intimes ?) avec sa fille ne cessent de poser question, tout comme son rapport avec les femmes en général, et particulièrement une journaliste (Kerrie Keane) sur laquelle il focalise de manière malsaine. Le jeu de John Cassavetes contribue à alimenter ce malaise ambiant parcourant l’ensemble du film, lui conférant une coloration originale et cohérente vis à vis de son sujet. Pour un suspense qui se garde bien de révéler l’identité derrière laquelle se dissimule le démon jusqu’à la toute fin. Un jeu de Whodunit qui multiplie les fausses pistes : le chirurgien lui-même, la journaliste, cette vieille femme et son petit-fils, hanté par la vision des meurtres et interprété de manière hallucinée par Duncan McIntosh, dans un personnage possédé renvoyant pour sa part au glauquissime Amityville 2 : Le Possédé de Damiano Damiani, sorti lui aussi peu de temps après.
On l’aura compris, malgré une aura plus confidentielle que d’autres films du genre, Incubus est une oeuvre fiévreuse dont la réussite tient beaucoup à la conjonction des talents de son metteur en scène et de son comédien principal. Un film inégal (les partenaires de jeu de Cassavetes s’avèrent plus monolithiques) mais au final habité qui, rien que pour son ambiance oppressante et malsaine, mérite largement le coup d’œil !
INCUBUS John Hough (Canada – 1981) |
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Genre Fantastique – Avec John Cassavetes, John Ireland, Kerrie Keane, Erin Noble, Helen Hughes, Duncan McIntosh… – Musique Stanley Myers – Durée 93 minutes. Distribué par Rimini Editions (26 juin 2020). Synopsis : Une petite ville américaine est le théâtre d’une série de meurtres et de viols d’une rare violence. L’enquête est menée par le shérif Hank Walden et le docteur Jack Cordell.… |
L’édition Blu-ray de RIMINI EDITIONS

Technique
Très belle copie haute-définition, granuleuse à souhait, avec des contrastes et des couleurs équilibrés. L’image n’est cependant pas exempte de défauts, avec quelques rayures verticales présentes à deux ou trois reprises, ainsi qu’une définition qui flanche de temps à autre mais dans l’ensemble, cette édition est de très bonne tenue sur le plan visuel.
Même constat côté son, où les deux pistes originale et française en DTS HD Master audio 2.0 proposent une expérience extrêmement correcte, sectorisant comme il faut dialogues, sons d’ambiance et musique.

Interactivité
Un livret d’une vingtaine de pages signé de Marc Toullec (Mad Movies) et bourrée d’anecdotes accompagne cette édition d’Incubus.
Par ailleurs, trois interviews apparaissent au menu des bonus de cette édition. La plus intéressante, celle avec le réalisateur John Hough (26′) qui évoque sa carrière et s’arrête plus largement sur la conception d’Incubus, et éclaire sur ses bonnes relations avec John Cassavetes (avec qui il avait déjà collaboré sur La Cible étoilée en 1978) et le choix de jeter le script à la poubelle pour tourner presque en improvisation selon les désirs du comédien/cinéaste. Passionnant. La comédienne Kerrie Keane (20′) puis le directeur de la photographie Albert J. Dunk (26′) se livrent également chacun de leur côté sur leur expérience du tournage du film. Une bande-annonce du film complète la section bonus.
J’en avais fait la trad’ il y a quelques années et je trouve en effet qu’il vaut d’être redécouvert et ne mérite pas sa mauvaise réputation.
Je n’ai pas encore investi dans ce BR mais c’est prévu 😉
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La traduction ? C’est-à-dire ?
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Pas vu cet « Incubus » mais tu le vends bien ! Un peu de « Amityville 2 », un zeste de « L’Emprise », un brin de déviance, le bad guy de « Furie », le réal de « Twins of Evil »… Ça me cause tout ça ! Je vais donc me laisser tenter par cette nouvelle édition made in Rimini (je viens par ailleurs de me faire la galette d’un bon p’tit slasher du début 80’s : « Hell Night »).
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