[Be Kind Rewind) Trilogie MAJIN de Kimiyoshi Yasuda, Kenji Misumi et Kazuo Mori (1966)

Majin… Un nom qui résonne nettement plus aux oreilles des Japonais qu’à celles du public occidental. Beaucoup moins célèbre de par le monde que la saga Godzilla, produite par le studio Toho, la trilogie Majin est néanmoins une oeuvre qui revêt une très grande importance dans l’histoire du cinéma nippon, devenu un incontournable de la culture japonaise et un digne représentant du film de monstre géant (Kaiju Eiga). Un personnage que l’on doit au studio Daiei (connu pour abriter des cinéastes aussi importants que Mizoguchi ou Kurozawa) qui, après avoir foulé les plates-bandes de Godzilla en lançant Gamera, un autre gloumoute géant en 1965, renchérit un an plus tard avec cette nouvelle saga centrée autour du Dieu de pierre Majin qui marquera durablement les esprits. Mais connaîtra un destin quasi anonyme en Occident et notamment en France… Une anomalie à réparer car le triptyque en question mérite largement sa réputation au Pays du Soleil levant pour bien des raisons… Première particularité, Majin prend place au sein du Japon médiéval et fait se rencontrer le Kaiju Eiga et le Chanbara (film de sabre japonais). Seconde curiosité, les trois films de la trilogie Majin ont été tournés quasiment en même temps, et sont ensuite sortis au cinéma sur une période de neuf mois : avril, août et décembre 1966 pour le dernier opus.

Justice divine

Alors que le lézard géant destructeur de Godzilla portait en lui la symbolique de la peur du nucléaire et les traumatismes des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, l’être de pierre de la trilogie Majin se veut en apparence plus terre à terre. Il n’en constitue pas moins la représentation d’une entité surnaturelle ouvertement associées à des notions de respect de la nature et surtout de croyance et de justice divine. Pourtant, bien qu’il infuse les intrigues des trois films qui lui sont consacrés (Majin, Le retour de Majin et Le Combat final de Majin), le Dieu ne prend réellement vie à l’écran qu’en toute fin de métrage, dans les quinze dernières minutes de chaque film. Car la saga Majin s’intéresse d’abord et avant tout aux humains, des êtres souvent cupides, avides de pouvoir, des groupes armés et violents qui imposent leur loi et persécutent d’autres personnes qu’ils dominent avec une bonne dose de sadisme. Placés sous le joug de ces tortionnaires, les opprimés n’ont pas d’autre solution que de s’en remettre à la foi en leur Dieu tout puissant. C’est d’ailleurs toujours à l’occasion d’une prière désespérée que le géant de pierre se réveille. Une résurrection qui se traduit dès lors par une orgie de destruction massive des éléments de décors et le massacre des oppresseurs, avec en point d’orgue, le châtiment du tortionnaire en chef, par la méthode même où il a torturé ses victimes.

Un savoir-faire immense

La structure scénaristique est classique, pour ne pas dire simple, et quasi immuable qui se répète dans les trois opus de la saga (à quelques détails près). Ce n’est évidemment pas dans ses intrigues que la trilogie Majin brille de mille feux, mais davantage dans son esthétique et sa mise en images. Une force visuelle qui tient surtout à la personnalité artistique de ses réalisateurs. Kimiyoshi Yasuda (La Légende de Zatoïchi), Kenji Misumi (Baby Cart) et Kazuo Mori (La Légende de Zatoïchi), trois pointures du cinéma d’exploitation et de genre japonais. Associés à Yoshiyuki Kuroda, dont les effets spéciaux sont éblouissants, ces trois metteurs en scène de premier plan ont injecté un savoir-faire immense dans la saga. Tout dans Majin, Le retour de Majin et Le Combat final de Majin respire un cinéma grandiose, à la réalisation virtuose et parsemée d’images sublimes et puissamment évocatrices, de scènes absolument grandioses et magnifiques. Les effets spéciaux, à quelques incrustations près, sont absolument admirables et font toujours illusion aujourd’hui.
Géant de pierre à l’envergure moins prononcée qu’un Godzilla (il ne fait qu’une vingtaine de mètres après tout…), il était logique que Majin se rapproche plus de l’humain et de l’émotion, voire de la cruauté, surtout dans le troisième opus illustrant l’expédition de quatre enfants pour sauver leurs proches. Un film plus proche du récit d’aventure, plus ample, mais qui synthétise les notions de dépassement de soi, de sacrifice infusant une saga qui navigue entre le Kaiju Eiga, le Chanbara, et des ambiances à la Hammer et Mario Bava, lui apportant encore un peu plus de personnalité. Du grand et beau spectacle.

Note : 4 sur 5.
MAJIN, LE RETOUR DE MAJIN, LE COMBAT FINAL DE MAJIN
Kimiyoshi Yasuda, Kenji Misumi, Kazuo Mori (Japon – 1966)
Genre Kaiju Eiga/Chanbara – Avec Miwa Takada, Yoshihiko Aoyama, Jun Fujimaki, Kōjirō Hongō, Shiho Fujimura, Tarō Marui, Riki Hashimoto, Hideki Ninomiya, Shinji Hori… – Musique Akira Ifukube – Durée 83/78/87 minutes. Distribué par Le Chat qui Fume (21 avril 2020).

Synopsis : Cette trilogie, affiliée aux genres Kaiju Eiga et Jidai Geki (en rapport avec l’histoire du Japon médiéval, et notamment le chanbara – film de sabre), développe une thématique commune en fil conducteur. Ainsi, dans chacun de ces films, Daimajin, un géant de pierre haut de vingt mètres, vient aider des villageois opprimés par un seigneur tyrannique. Sorte d’équivalence au Golem issu de la mythologie juive, Daimajin est une divinité de pierre endormie, ne se réveillant que pour porter secours au peuple et châtier l’oppresseur. Et ce dernier, qu’il soit chambellan ou monarque, peut alors trembler, car la vengeance de Daimajin n’a aucune limite !

L’édition Blu-ray du CHAT QUI FUME

Technique

Note : 4 sur 5.

Les masters Haute définition de cette édition du Chat qui fume sont absolument sublimes. Les trois films s’affichent dans une qualité d’image qui brille par son piqué, ses contrastes et sa définition générale. Les couleurs sont chatoyantes (surtout dans le troisième opus), le grain cinéma fait son oeuvre et l’ensemble revit une nouvelle jeunesse. Tout juste pourra-t-on chipoter sur quelques noirs un peu moins profonds, mais rien qui ne saurait entacher une proposition techniques aux petits oignons.
Côté son, seule la piste en version originale japonaise est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0 sur chaque film, avec sous-titres français. Là aussi, rien à dire, c’est propre, clair et précis, dynamique quand il le faut, sans défaut à relever.

Interactivité

Note : 3.5 sur 5.

Deux suppléments sont proposés dans cette édition. Tout d’abord, une intervention de Fabien Mauro (40′), auteur des ouvrages Ishiro Honda : Humanisme monstre et Kaiju, envahisseurs & apocalypse, dans un module extrêmement érudit et détaillé sur l’histoire de la Daei, studio historique du cinéma japonais, de sa naissance à sa chute dans les années 60. Fabien Mauro évoque également la trilogie Majin, des origines du projet aux différentes étapes de sa conception. Bourré d’informations pertinentes, indispensable !
Second module, un entretien avec le scénariste Fathi Beddiar (42′), qui axe son propos plus particulièrement sur l’interprète de Majin, Riki Hashimoto, ancien joueur de Base-ball qui se retrouve propulsé comédien, devenant un incontournable évoluant notamment au côté de Bruce Lee et Jackie Chan. Une mine d’infos et d’anecdotes.
L’édition propose également les bande-annonces des trois films.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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