[Critique] THE OTHER SIDE de Tord Danielsson et Oskar Mellander
Mother's Day

Chouette un nouveau film de fantômes et de maison hantée, qui plus est suédois… Dépaysement garanti ! C’est ce que semble nous vendre The Other Side (Andra sidan en VO) avec sa jaquette lugubre à souhait (Poltergeist… es-tu là ?). Pourtant, de dépaysement, il n’en sera pas réellement question dans ce premier film d’un duo apparemment doué de réalisateurs/scénaristes, Tord Danielsson et Oskar Mellander, jusqu’alors connus dans leur pays pour la série d’horreur The Last Reality Show remontant à 2012. Dans le sillage des innombrables séries B du genre, sortant notamment de l’usine Blumhouse et des films réalisés par James Wan, Insidious et The Conjuring en tête, The Other Side ne joue pas la carte du renouvellement, loin de là, mais s’applique à régurgiter tous les codes inhérents au genre, avec un sens de l’efficacité et de l’exécution qui forcent le respect. Le film est inspiré d’une histoire vraie, et comme souvent, on y suit un couple, Shirin et Fredrik, une famille recomposée qui emménage avec Lucas, le jeune fils de Fredrik, dans un nouveau foyer. Une maison mitoyenne dont le pendant voisin est inoccupé. Pourtant, rapidement, Lucas et Shirin assistent à des phénomène pour le moins étranges, le garçon évoque un ami imaginaire et des coups retentissent dans les murs… Force est de constater que ce n’est pas dans son pitch de base que The Other Side va nous scotcher au fauteuil et le développement de l’intrigue et des personnages ne va pas remédier davantage à ce que l’on peut très clairement considérer comme un film de fantômes lambda. L’ensemble des rebondissements proposés ne dépasse jamais le stade du récit d’ambiance anxiogène, et ce, dès le prologue présentant la disparition d’un enfant, une malédiction qui va inévitablement se répéter. Ce classicisme narratif ne doit cependant pas conduire à un rejet pur et simple, car le film dispose de qualités indéniables à faire-valoir.
Au rayon des choses un peu faiblardes, l’accumulation de clichés que The Other Side enfile comme des perles. Pas qu’ils soient dénués d’intérêts, mais le stéréotype de la cellule familiale recomposée et le développement un peu schématique du personnage de Shirin, qui tente de faire sa place entre le père veuf et son fils, ne sont pas d’une folle originalité, des motifs qui finissent par lasser. La présence en filigrane de la mère décédée n’est pas non plus suffisamment exploitée et finit par empeser l’ensemble (voir la conclusion). Plus intéressante, mais assez peu exploitée, l’idée que la belle-mère, d’abord incrédule aux manifestations surnaturelles avant d’en être témoin, se trouve accusée des coups portés sur l’enfant. Un aspect qui a le mérite d’exister, mais pas suffisamment approfondi pour constituer une véritable plus-value émotionnelle et surtout sans ambigüité pour le spectateur, ce qui est dommageable.




Labyrinthe balisé
Mais The Other Side saura néanmoins contenter les amateurs de frissons grâce à une tenue formelle qui rattrape largement le coup. Ce qui frappe, en premier lieu, c’est l’exploitation intéressante et efficace du décor, grâce à un sens du découpage des espaces et l’usage de la profondeur de champ qui rendent l’endroit immédiatement identifiable. Tord Danielsson et Oskar Mellander dessinent une cartographie des lieux aussi détaillée que les décors y sont dépouillés, permettant d’établir aussitôt un jeu de doubles espaces. Les deux réalisateurs exploitent les recoins de la maison et jouent du hors-champ avec beaucoup d’efficacité. La maison, d’apparence moderne et fonctionnelle, renferme des couloirs et pièces inquiétantes, avec en point d’orgue, le placard du fond du couloir à l’étage qui mène directement au grenier. Espace stratégique puisqu’il se révèle être un passage faisant le lien entre les deux logements. Une belle idée que les personnages ne tardent pas à exploiter en allant visiter la demeure voisine (en plein milieu de la nuit, c’est toujours préférable), celle-ci ayant la particularité de présenter une inquiétante duplicité de leur propre logement. Sur un plan formel, The Other Side démontre une maîtrise technique évidente de ses concepteurs, avec sa photographie sombre et métallique, dépressive au possible, et un sens du cadre incontestable. La montée de l’angoisse y est assez remarquable, sans recours excessif aux jump-scares, même si le déroulé est balisé du début à la fin. Plus évocateur que démonstratif, le film se tient dans une économie de moyens pour sa majeure partie, avant de dévoiler plus directement l’ampleur de la menace, au sein d’un dernier tiers plus volontairement outrancier et, pour le coup, moins séduisant, même s’il est indéniable que l’antagoniste, pouvant évoquer The Descent, fait son petit effet.
Doté d’atouts plastiques indéniables et de scènes de flippe efficacement troussées, The Other Side s’avère au final une petite surprise très estimable venant de Suède, mais un film trop classique dans son canevas de base et son développement pour surprendre l’amateur du genre, qui ne devrait cependant pas rester insensible devant la sincérité de l’entreprise.

THE OTHER SIDE
Tord Danielsson et Oskar Mellander (Suède – 2020)
Genre Horreur – Avec Dilan Gwyn, Linus Wahlgren, Eddie Eriksson Dominguez… – Musique Jonas Wikstrand – Durée 83 minutes. Distribué par Wild Side (sa page Facebook et sa page Twitter) en Blu-Ray, DVD et VOD depuis le 14 avril 2021.
Synopsis : Shirin, débutante dans son rôle de belle-mère, emménage dans une maison jumelée à une autre avec son partenaire Fredrik et son fils Lucas. Ce nouveau foyer lui semble être l’endroit idéal pour fonder une famille. Mais lorsque Fredrik part en déplacement professionnel, Shirin entend des bruits étranges émanant de l’autre moitié du pavillon, alors que Lucas se fait un nouvel ami.
L’édition Blu-ray de Wild Side

TECHNIQUE. Cette édition Blu-ray proposée par Wild Side est d’une incontestable tenue visuelle. Pour un film se situant en grande majorité de nuit ou tout au moins dans un environnement sombre, l’image est toujours extrêmement précise, d’une définition remarquable, même si les noirs auraient pu être un peu plus poussés. L’équilibre délicat de la photographie y est remarquablement restitué.
Côté son, deux pistes (VO et VF) sont proposées en DTS HD Master Audio 5.1 et se montrent totalement à la hauteur, les scènes d’angoisse y gagnent un atout considérable et bénéficient d’effets à dresser les cheveux sur la tête.
INTERACTIVITE. Rien à se mettre sous la dent, si ce n’est la bande-annonce du film. Dommage…
Chronique réalisée en partenariat avec le site Cinetrafic. The Other Side vient d’intégrer le classement des meilleurs films d’horreur 2021. Il est à rapprocher de N’écoute pas ou His house, présents dans le top des films Netflix.
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