[Critique] SHADOW IN THE CLOUD de Roseanne Liang

Spirits of the Air, Gremlins of the Cloud

Initialement destiné à une sortie cinéma, Shadow in the Cloud nous parvient finalement au format vidéo, comme bon nombre de films ces derniers mois. Et c’est bien dommage, car l’ambition et les dérives spectaculaires de cette pure série B n’auraient pas dépareillé sur un grand écran. Shadow in the Cloud relève en effet par certains points de l’anomalie cinématographique qui ne saurait brosser tout le monde dans le sens du poil. Agrégant des éléments à priori éloignés les uns des autres, ce film indépendant, monté en Nouvelle Zélande et réalisé par Roseanne Liang, a clairement tout de la friandise, du plaisir coupable, autant dans sa générosité que dans son absence de limites. Avec pas mal d’aplomb, il mêle contexte et décor de guerre, séquences horrifiques, exercice de mise en scène, discours sur le féminisme et la maternité… mais surtout des scènes d’action XXL qui tartent à peu près tout sur leur passage. Le tout dans une enveloppe technique quasi-irréprochable et empaqueté dans une durée d’un peu plus d’1h20. Le pari est osé, il pourra laisser certains sur le côté, mais il reste en grande partie tenu.
Dans sa proposition horrifique, Shadow in the Cloud n’apparaît pas comme le meilleur représentant du film de monstre. Renvoyant autant au sketch La Mascotte de Steven Spielberg dans l’anthologie Histoires Fantastiques qu’au segment Cauchemar à 20 000 pieds réalisé par George Miller pour le film La Quatrième Dimension, le concept de la créature planquée dans l’avion est ici efficace mais pourtant pas central, juste un élément perturbateur et venant dérégler un peu plus encore une situation déjà mal embarquée pour les personnages. Sa créature, mixe entre une chauve-souris et un singe, n’a pas les épaules pour imposer une menace suffisamment forte pour emporter l’adhésion. Ce qui emballe bien plus, ce sont les choix nets de la réalisatrice Roseanne Liang qui, pour son premier long-métrage, ne se laisse pas aller à la facilité en multipliant les défis. Le premier d’entre eux réside dans le choix d’installer son héroïne, et par extension la caméra qui la suit intégralement, dans un lieu exigu et unique durant une grande partie du film. La tourelle de combat au sein de laquelle se retrouve confinée la pilote Maude Garrett offre un sacré défi de mise en scène, un exercice de style dont la réalisatrice se sort haut la main, grâce à un découpage et à des choix drastiques d’axes de caméra. Cette unité de lieu s’accompagne d’une gestion des dialogues maligne et pas moins risquée, puisque les échanges entre la pilote et le reste de l’équipage s’effectuent uniquement par le biais de la radio, et donc du son, dans un exercice fluide et faisant avancer l’action avec une économie de moyens assez remarquable. Un procédé là aussi osé, mais au final payant, qui s’accompagne d’un double suspense plutôt ludique autour de l’incertitude planant sur l’identité du personnage principal et surtout, le MacGuffin lié à son bagage mystérieux, dont le contenu dévoilé va constituer un véritable point charnière de l’action, où tout va dès lors partir en vrille.

Irréaliste mais jubilatoire

Un « pétage de plomb » étourdissant qui vaut à Shadow in the Cloud de questionner la notion de suspension d’incrédulité lorsque le film s’abandonne totalement à l’action. Dans ses excroissances d’actioner, toute notion de réalisme est violemment jetée aux orties pour favoriser un dynamisme et une efficacité immédiate. Comme s’il s’agissait d’évacuer toute la pression emmagasinée dans les précédentes scènes anxiogènes de la tourelle, le film lâche clairement les chevaux dans un énorme fracas irréaliste mais ultra jubilatoire. Un parti-pris assumé mais extrême auquel on pourra ne pas adhérer, entre les spectateurs s’accrochant fermement à la vraisemblance qui rejetteront tout en bloc (on peut les comprendre) et ceux capables de s’abandonner au projet pour prendre leur pied. Shadow in the Cloud est un film d’action/horrifique qui tire vers une forme d’abstraction dans ce qu’elle exige de lâcher-prise du spectateur et dans sa course effrénée au spectaculaire, défiant les lois de la gravité (les acrobaties de l’héroïne, le souffle de l’explosion qui la renvoie dans l’avion) autant que toute notion de vraisemblance. Un parti-pris casse-gueule duquel la cinéaste néozélandaise se tire avec brio, grâce notamment à une belle maîtrise de la mise en scène, punchy en diable, toujours lisible, et qui assure la grande réussite du film.
Alors certes, Shadow in the Cloud ne réussit pas tout ce qu’il tente, se perd parfois dans ses discours féministes empesés et son côté poseur (notamment dans son introduction) pourra agacer, mais une poignée d’images iconiques, avec le concours de Kit Fraser à la photographie, appuyée par la musique synthétique décalée de Mahuia Bridgman-Cooper, et une Chloë Grace Moretz (Kick-Ass) merveilleusement badass et investie, finissent d’emballer cette série B ramassée, hargneuse, fracassante et d’une efficacité radicale. On ne lui en demande pas davantage.

Note : 3.5 sur 5.

SHADOW IN THE CLOUD
Roseanne Liang (Nouvelle Zélande/USA – 2021)

Genre Guerre/Fantastique – SCéNARIO Roseanne Liang et Max Landis – Avec Chloë Grace Moretz, Nick Robinson, Beulah Koale, Callan Mulvey, Taylor John Smith… – Musique Mahuia Bridgman-Cooper – Durée 83 minutes. Distribué par Metropolitan Films Vidéo (sa page Facebook et sa page Twitter) en DVD, Blu-Ray, et VOD depuis le 15 avril 2021.

Synopsis : Pendant la Seconde Guerre mondiale, une jeune femme embarque avec une cargaison top secrète dans un bombardier sur le point de décoller par une nuit orageuse. L’équipage entièrement masculin accepte à contrecœur, mais leurs soupçons quant à son identité et à la mystérieuse cargaison grandissent rapidement. Jusqu’à ce moment sinistre où une ombre apparaît dans les nuages… Serait-ce l’attaque d’avions japonais ? Ou bien d’un passager clandestin ?


L’édition Blu-ray de METROPOLITAN FILMS VIDEOS

TECHNIQUE. Le soin particulier apporté aux éclairages et à la photographie du film en général est particulièrement mis en avant dans cette édition de Metropolitan. L’image est techniquement superbe, d’un piqué d’une précision extrême et dans une gestion des couleurs remarquable. Quelques incrustations numériques grossières gâchent un peu la fête, mais rien de dramatique pour autant.
Niveau sonore, les deux pistes en DTS HD 5.1 ont pas mal de boulot afin de restituer les nombreuses composantes de la bande-son : explosions, détonations et autres éléments faisant rugir les enceintes. Bonne nouvelle : elles s’en acquittent plutôt très bien, créant une ambiance acoustique extrêmement dynamique, sans négliger pour autant les nombreux dialogues.

Note : 4.5 sur 5.

INTERACTIVITE. Cette édition propose un court making-of d’une vingtaine de minutes faisant intervenir la réalisatrice Roseanne Liang, le producteur Tom Hern et la comédienne Chloë Grace Moretz qui expliquent l’origine du projet, le tournage en Nouvelle Zélande et les difficultés d’un budget limité. Pas inintéressant mais relativement anecdotique. Second module, Suivez le guide est une courte visite de moins de trois minutes sur le tournage menée par le comédien Benedict Wall. Le ton est plutôt léger et amusant, pour un bonus là encore d’un intérêt limité.

Note : 2 sur 5.

Chronique réalisée en partenariat avec le site Cinetrafic. Shadow in the Cloud trône à présent parmi les meilleurs films d’horreur sortis en 2021. Figurera-t-il un jour parmi les plus grands films d’horreur de tous les temps ?

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

1 Comment on [Critique] SHADOW IN THE CLOUD de Roseanne Liang

  1. Ta critique, en tout point impeccable, se montre aussi enthousiaste que celle du dernier « Mad Movies ». Une bonne raison pour embarquer dans l’avion de Chloë Grace Moretz !

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