[Critique] INIT!ATION de John Berardo

Phone Game

Dans la famille du slasher, je demande le petit dernier, Init!ation, rejeton discret adapté du court-métrage Dembanger par son réalisateur John Berardo. L’action se situe sur un campus américain, où un tueur masqué sévit dans l’entourage de deux groupes d’étudiants partagés entre sororité/fraternité et fiestas décomplexées. Rien de bien nouveau sous le soleil puisque rapidement, cette bande de jeunes plutôt aisés se font trucider les uns après les autres. On connaît la chanson… L’idée de ce petit malin de John Berardo est d’associer cette trame on ne peut plus classique dans le genre à un discours à charge sur l’usage des nouveaux moyens de communication et aux excès qu’ils peuvent engendrer. Ici, les étudiants s’adonnent à un sordide jeu partagé sur les réseaux sociaux. L’alcool, la drogue, le sexe… dorénavant, tout est filmé, enregistré et surtout offert en pâture en un clic. Les jeunes filles deviennent des trophées que l’on affiche fièrement à son palmarès grâce à un simple smartphone. Quand le frère de l’héroïne est accusé de viol d’une étudiante, le film s’embarque vers une sensibilité plus dramatique un peu empesée. L’affaire #MeeToo est passée par là… C’est l’argument principal (et un peu opportuniste) de ce premier long-métrage du réalisateur (déjà auteur d’une palanquée de courts et contributeur parmi huit cinéastes du film omnibus The Labyrinth). C’est également une justification toute trouvée pour nourrir le désir de vengeance d’un hypothétique tueur masqué… Est-ce que ce discours est suffisant pour apporter une plus-value à ce modeste film d’horreur ? Pas si sûr…

MDR PTDR…

Le film ne fait pas dans l’originalité, bien au contraire. Dès son exposition, qui dévoile une sempiternelle fête étudiante, on y retrouve des personnages assez peu intéressants, des archétypes, mais c’est le jeu de ce genre de production et, ne nous le cachons pas, on l’accepte sans broncher. Si les jeunes comédiens endossant les premiers rôles, bien qu’ils affichent des âges largement supérieurs à leurs personnages, se révèlent plutôt convaincants dans l’ensemble, mention spéciale à Lindsay LaVanchy (vue dans la série Scream), co-scénariste sur le film, qui endosse le rôle principal avec beaucoup d’aplomb, c’est la cata pour les personnages secondaires et périphériques (forces de police, directeur de l’université, parents des étudiants) qui sonnent cruellement faux (problèmes d’écriture, de jeu des acteurs), donnant un aspect presque amateur à l’ensemble. La particularité d’Init!ation ne réside pas dans sa structure on ne peut plus classique, mais dans son approche des échanges sociaux de ses personnages. Pour cela, John Berardo fait le choix de matérialiser à l’écran les innombrables échanges de messages, SMS, mails entre les personnages, comme pour mieux signifier leur aliénation, leur dépendance à la communication instantanée. Une idée graphique qui vaut ce qu’elle vaut, un peu envahissante et « too much » sur les bords, et qui, surtout, ne saurait pas servir sérieusement de caution esthétique et encore moins de cache-misère à toute velléité de mise en scène. En cela, John Berardo connaît ses classiques et se contente de les appliquer studieusement à l’écran. Assez fonctionnelle, plutôt efficace lors des scènes de meurtre, la réalisation du film est carrée mais ne provoque aucun enthousiasme démesuré. S’il enfonce beaucoup de portes ouvertes (la frontière est parfois ténue entre l’hommage, le respect des codes, d’un cahier des charges et la vacuité des idées), Init!ation propose trop peu pour convaincre, ou alors de manière beaucoup trop stéréotypé et/ou assez peu crédible.

Heureusement… un clouage en règle

Pour autant, Init!ation ne démérite pas dès lors que le body count débute enfin. La succession des meurtres, certes mécaniques et assez peu surprenants en dehors d’un cloutage sur porte stylisé, s’avèrent assez violents et craspecs sur les bords (des coups à l’arme blanche ou au pistolet à clous plutôt douloureux) où le sang coule abondamment, mais sans débordement outrancier. L’aspect Whodunit (qui peut bien enfiler la défroque de ce foutu tueur ?) fonctionne à plein, tous les personnages présentent un motif susceptible d’en faire un assassin potentiel, mais ce n’est pas la résolution finale, tellement improbable et capillotractée qu’elle en devient évidente, qui va convaincre les plus sceptiques. Le climax justement, situé dans un espace semi-clos, représente le meilleur du film, jouant assez habilement sur la gestion de l’espace, la distance entre les protagonistes pris au piège par le tueur, témoins impuissants de la menace qui pèse sur leurs camarades, séparés par une vitre, dans un geste pouvant (très rapidement) évoquer le meurtre inaugural de L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento. C’est bien le seul réel sursaut d’ambition et de créativité que propose le film. N’inventant rien, exagérément balisé et doté d’un propos qui suit l’air du temps mais manquant tout de même cruellement de subtilité, Init!ation ne s’élève pas bien haut, reste divertissant sans marquer l’esprit, et contentera les amateurs de slasher lambdas.

Note : 2 sur 5.

INIT!ATION. De John Berardo (USA – 2020).
Genre : Slasher. Scénario : John Berardo, Lindsay LaVanchy et Brian Frager. Interprétation : Jon Huertas, Isabella Gomez, Lindsay LaVanchy, Froy Gutierrez, Gattlin Griffith, Patrick Walker, James Berardo, Bart Johnson… Musique : Alexander Arntzen. Durée : 93 minutes. Disponible chez RIMINI EDITIONS (16 octobre 2021).


L’édition DVD de RIMINI EDITIONS

TECHNIQUE. La copie proposée par Rimini est très correcte, particulièrement à l’aise sur les jeux de couleurs vives et tranchées, avec un bon piqué et des contrastes corrects pour un support DVD. Pareil côté son, avec du Dolby Digital 5.1 efficace sans être tonitruant. Carré.

Note : 3.5 sur 5.

INTERACTIVITE. Aucun bonus sur cette édition.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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