[Be Kind Rewind] LES LOULOUS de Patrick Cabouat (1977)

Ma 6-T va crack-er

Patrick Cabouat. Le nom du réalisateur du film Les Loulous n’est pas le plus connu du cinéma français. Il faut dire que ce film sorti en 1977 restera comme l’unique long-métrage de fiction du cinéaste, avant une carrière orientée vers la télévision et le film documentaire. Le film n’est pas à proprement parler un énorme succès à sa sortie et est devenu même assez confidentiel au fil des années. Reste une œuvre atypique qui doit déjà beaucoup à « l’esprit documentaire » développé par son auteur. Il s’agit en effet pour le cinéaste de suivre une bande de jeunes laissés pour compte en pleine rébellion (les loubards du titre) dans une cité de banlieue parisienne de la fin des années 70. Un drame les touche de plein fouet, telle une étincelle enflammant le brasier de leur colère… Les Loulous évoque le mal-être d’une jeunesse désœuvrée, sans perspective d’avenir et rejetée par la société, manifestant sa désespérance par la violence. Dans la continuité d’œuvres marquantes comme Les Cœurs verts (Édouard Luntz, 1966) et La Rage au poing (Eric Le Hung, 1973), le film qui renvoie à la réalité d’une époque, ancré dans une vie sociale marquée, celle d’une jeunesse désenchantée, qui ne se reconnaît pas dans le tableau social au sein duquel on voudrait la faire rentrer de force. Livrée à elle-même, cette jeunesse se heurte à des garde-fous bien trop fragiles pour leur éviter de sombrer dans une violence exutoire.

De la grisaille sociale aux envolées irréelles…

S’il n’est pas exempt de défauts, le film de Patrick Cabouat révèle une véritable personnalité, ce qui n’est pas rien, avec des ruptures de tons assez étonnantes, bien que pas toujours complètement maîtrisées. Du film social promis, que l’on retrouve très nettement dans un premier temps avec cette description de la banlieue laissée pour compte, on dérive assez rapidement vers le drame cauchemardesque autour du personnage de Ben, interné dans un asile psychiatrique, dans des séquences tétanisantes renvoyant ouvertement à Orange Mécanique. De l’implacable constat social, on bascule alors vers une sorte d’irréel, dominé par la poésie, les hallucinations, en décalage avec une réalité trop froide et morne. Moto, rock et bagarres sont au programme du film de Patrick Cabouat, mais c’est surtout un immense manifeste pointant du doigt la politique gouvernementale française des années 70, qui n’a que peu d’intérêt pour sa jeunesse. Virulente critique envers le pouvoir et les règles en vigueur, Les Loulous se révèle un étonnant film aux parti-pris visuels surprenants, mettant en valeur ses décors urbains de HLM et profitant d’une bande-son très synthétique composée par Horacio Vaggione et Élisabeth Wiener. Un film étrange et déconcertant qui ne mène pas réellement là où on l’attend, ce qui constitue un atout indéniable. Le film de Patrick Cabouat bénéficie surtout d’une aura de film intemporel, tant son sujet semble s’appliquer à d’autres périodes, notamment la réalité sociale et bouillante actuelle relevée en France.

Note : 3 sur 5.

LES LOULOUS. De Patrick Cabouat (France-1977).
Genre : Drame social. Scénario : Patrick Cabouat et Marc Casanova. Interprétation : Jean-Louis Robert, Valérie Mairesse, Charlie Nelson, Françoise Pagès, Toufik Ouchene… Musique : Horacio Vaggione et Élisabeth Wiener. Durée : 90 minutes. Disponible chez Le Chat qui Fume (juillet 2021).

L’histoire : Dans les années 1970, en banlieue parisienne, quand elle ne passe pas le temps à faire de la moto dans les terrains vagues, une bande de jeunes paumés menée par Ben joue les terreurs dans les quartiers. Ses exactions provoquent régulièrement des conflits avec la population, notamment avec Tramoneur, le patron du café servant de quartier général aux loubards. Jusqu’au jour où l’inévitable se produit : à la suite d’une rixe, Dédé, le frère de Ben, est tué d’un coup de fusil par Tramoneur. Ben jure alors de le venger… quelles qu’en soient les conséquences !


L’édition Blu-ray du Chat qui Fume

TECHNIQUE. L’éditeur Le Chat qui Fume propose une copie sentant bon les années 70, avec les atouts de l’époque, sans les défauts inhérents. L’image présentée ici dispose d’un grain extrêmement présent et bénéfique pour l’immersion au sein d’une époque révolue, pour une image nettoyée de la plupart de ses imperfections et réservant de bons contrastes, et une colorimétrie extrêmement convenable.
Côté son, la piste présente est en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’époque et n’a pas pour objet de faire rugir les enceintes. Dynamique et précise, que ce soit pour les dialogues ou les passages musicaux, elle déploie un environnement sonore adéquate à la découverte du film dans de bonnes conditions.

Note : 3.5 sur 5.

INTERACTIVITE. Les suppléments de cette édition sont constitués d’une courte présentation du film par la comédienne Jessica Jhean qui replace le film dans le contexte de son époque (5′), mais surtout d’un long entretien avec le réalisateur Patrick Cabouat qui revient sur sa carrière plus riche qu’il n’y paraît et évoque évidemment le film Les Loulous avec passion, des origines du projet jusqu’à sa réception. Intéressant (41′).

Note : 3 sur 5.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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