[Be Kind Rewind] FOLIE MEUTRIERE de Tonino Valerii (1972)

Secrets de famille

Réalisateur italien reconnu pour ses westerns spaghetti, Le Dernier Jours de la colère (1968) ou encore Mon Nom est Personne (1973), Tonino Valerii s’est permis un écart dans le genre en 1972 avec le giallo Folie Meurtrière. Assistant réalisateur de Sergio Leone sur Pour une poignée de dollars et Et pour quelques dollars de plus, le cinéaste prouve avec cette incartade que son talent ne se heurtait pas aux frontières du genre, et surtout, qu’il était capable d’apposer sa pate sur un genre très codifié.
L’intrigue de Folie Meurtrière suit l’enquête policière menée par l’inspecteur Peretti, incarné avec beaucoup d’autorité et une bonne dose de charisme par l’excellent George Hilton (Le Temps du Massacre, Toutes les couleurs du Vice). La mort d’un inspecteur en assurances entraîne les policiers sur la piste d’un ancienne affaire qui avait coûté la vie à une fillette kidnappée et à son père. Un mystérieux tueur s’attaque aux proches des deux défunts, dans une spirale de meurtres sordides. Folie Meurtière se révèle particulièrement soigné dans sa forme, comme l’ont souvent été les représentants d’un genre par définition riche et fouillé sur le plan visuel. Ici, Tonino Valerii confirme ses penchants pour une mise en scène soignée et au cordeau, rien d’extravagant, mais un soin particulier dans les cadrages, associés à des lumières toujours signifiantes. Une touche que l’on retrouve évidemment dans les scènes de meurtre, très réussies et efficaces, autant dans leur lente montée de la tension, que dans l’exploitation de l’espace avec la vue en caméra subjective. La célèbre attaque à la scie circulaire que l’on retrouve sur l’affiche ou encore l’incroyable mise à mort par décapitation à l’aide d’une excavatrice qui ouvre le film donne le ton, sans pour autant annoncer une surenchère dans les meurtres qui, bien qu’assez gores, restent suffisamment réalistes pour convaincre. Le réalisateur fait incontestablement partie des très bons formalistes du cinéma de genre italien et le soin apporté aux décors ne vient pas contredire cet aspect.

Calvaire sordide

Folie Meurtrière se distingue du tout venant du giallo en se focalisant essentiellement sur l’enquête policière, élément giallesque au possible, mais qui se retrouve ici réellement au cœur de l’intrigue et au centre de l’attention. A cet égard, le scénario, signé à plusieurs mains par Tonino Valerii, Roberto Léoni (Santa Sangre d’Alejandro Jodorowsky), Franco Bucceri et José Gutiérrez Maesso, n’hésite pas à s’inscrire dans le récit policier à la Agatha Christie, avec en point d’orgue un climax dans la plus pure tradition du genre : l’ensemble des suspects sont réunis dans une pièce autour de l’inspecteur Peretti, alors que celui-ci se lance dans un long monologue destiné à confondre le coupable, à l’aide d’une preuve irréfutable et attendue tout au long du film. Un film dont l’une des autres particularités est de baigner dans une atmosphère décadente avec cette histoire de famille, basée sur un groupe de suspects potentiels, qui a la particularité de présenter une liste de personnages tous aussi peu recommandables les uns que les autres, chacun semblant dissimuler un lourd secret inavouable. On y évoque également le long calvaire d’une fillette, dont la résolution de l’enquête passe justement par l’intervention post mortem de la jeune victime, dont le geste désespéré ne restera pas inutile. Le film se permet par ailleurs certaines audaces, abordant de front la pédophilie larvée d’un personnage, avec une jeune enfant faisant irruption dans le cadre totalement nue et de manière impromptue, dans un sous-entendu extrêmement lourd, un moment fugace que l’on n’imaginerait jamais à l’heure actuelle sur les écrans.
A noter que, sans être éblouissante, la musique signée de l’inévitable Ennio Morricone reste une partition efficace et vient agrémenter comme il se doit ce giallo remarquable à bien des égards, à la personnalité affirmée qui vient faire regretter que Tonino Valerii n’ait pas persévéré dans le genre.

Note : 3.5 sur 5.

FOLIE MEURTRIERE. De Tonino Valerii (Italie – 1972).
Genre : giallo. Scénario : Tonino Valerii, Roberto Léoni, Franco Bucceri et José Gutiérrez Maesso. Musique : Ennio Morricone. Durée : 100 minutes. Disponible chez Le Chat qui Fume (15 février 2022).

L’histoire : Les meurtres successifs du détective d’une compagnie d’assurances, puis d’un conducteur d’excavatrice conduisent le commissaire Luca Peretti à rouvrir une affaire non classée. À l’époque, une petite fille, Stefania Moroni, avait été kidnappée, puis assassinée, et son corps jamais retrouvé. Avec l’aide d’une institutrice, Paola Rossi, Peretti reprend l’enquête à son compte, déterminé à identifier le coupable. Commence alors, pour le policier, une lutte contre la montre, afin de retrouver les derniers indices et résoudre l’énigme.


L’édition Blu-ray du Chat qui Fume

TECHNIQUE. La copie HD présentée ici par Le Chat qui Fume brille par sa qualité. Image nettoyée de toute beauté (en dehors de quelques flous de mise au point), piqué précis, luminosité, couleurs est définition permettent de profiter du film dans des conditions parfaites. Côté son, les versions italienne et françaises sont proposées dans un DTS HD Master Audio 2.0 de très bonne qualité. A noter la belle tenue du doublage français d’époque, avec notamment Pierre Arditi qui prête sa voix à George Hilton.

Note : 4 sur 5.

INTERACTIVITE. Au rayon bonus, on retrouve un intervenant habitué de l’éditeur, Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque française, qui évoque les origines du film et toutes ses caractéristiques. Toujours très instructif (18′). L’éditeur ajoute un supplément qui donne la parole au scénariste Roberto Leoni. Celui-ci revient sur son expérience sur le film, mais pas seulement… avec une foultitude d’histoires et d’anecdotes. Passionnant ! (45 min). Cerise sur le gâteau, Le Chat qui Fume ajoute un CD à son édition, regroupant seize musiques de film du maestro Ennio Morricone.

Note : 4 sur 5.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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