[Critique] THE MEDIUM de Banjong Pisanthanakun
Jusqu'en Enfer...

Après l’extraordinaire claquage de beignet que constitua le film coréen The Strangers en 2016, Na Hong-jin est de retour avec The Medium, une œuvre horrifique qui entretient des rapports étroits avec son précédent chef d’œuvre. Le réalisateur des déjà passionnants The Chaser (2008) et The Murderer (2010) rédige le script et supervise la production, mais laisse la place derrière la caméra au Thaïlandais Banjong Pisanthanakun, déjà rencontré par les amateurs de frissons au détour de Shutter (2004) et Alone (2007). Le film est un nouveau rejeton de la longue lignée des found-footage, un dispositif proche du documentaire destiné à mettre en valeur une certaine forme de véracité de l’intrigue (et de manière plus pragmatique d’emballer un film de genre à moindre frais). Dans les pas d’une équipe de tournage, on y suit Nim, une femme habitée par l’esprit ancestral d’un chaman qui se transmet au sein de sa famille de génération en génération. Un cas de possession concernant la propre nièce de la médium embarque l’équipe de tournage (et le spectateur) dans un véritable cauchemar…
Premier constat, si The Medium s’avère une nouvelle proposition de documenteur, genre assez peu pertinent et largement à bout de souffle, il n’oublie pourtant pas d’être esthétiquement très propre. C’est bête à dire, mais pour un found-footage, genre privilégiant assez souvent la caméra portée qui remue frénétiquement dans tous les sens (une fois encore par manque d’inspiration ou par paresse), ce n’est pas si fréquent. On retrouve néanmoins les tares propres au genre : l’aspect intrusif de la caméra et son caractère omniscient peuvent désabuser dans un éternel soucis de crédibilité, de cohérence et de logique, mais c’est effectivement le « boulet » traîné par tout found-footage. Heureusement, The Medium a davantage à offrir que son aspect pris sur le vif. Ainsi, rien que par sa localisation en Thaïlande, avec ce que cela comporte d’ancrage dans la culture locale, le film gagne déjà en intérêt, un véritable atout, une plus-value renforcée par l’excellence de l’interprétation générale, à commencer par la médium et sa nièce possédée.



Ames perdues
Le film n’évite pas les clichés du genre, mais développe son cas de possession avec suffisamment d’outils qui lui sont propres pour rafraichir le genre. Si l’épisode de l’exorcisme de The Strangers, d’une durée et d’une efficacité redoutables, reste un choc encore bien présent dans les esprits, on peut dire qu’il infuse véritablement la façon dont Na Hong-jin et Banjong Pisanthanakun abordent la représentation de leur nouveau film, ainsi que la façon dont ils représentent l’horreur plus globale qui habite le personnage de la jeune Mink. Si celle-ci, en proie à un esprit malveillant finit par se tordre dans d’immondes grimaces, le film (qui affiche tout de même une durée un poil excessive de 2h10) prend son temps pour développer sa lente décrépitude, en dévoilant la perte progressive d’humanité pour verser vers l’agressivité et l’instinct le plus sauvage. Une déchéance que le réalisateur décrit sans recourir aux effets grandiloquents habituels (dans un premier temps en tout cas). Bien au contraire, il se focalise sur des gestes, des attitudes incongrues, des regards, de soudains accès de violence… pour transmettre un effroi glaçant, dans une économie de moyens assez remarquable. Attention néanmoins, le film saura largement satisfaire son public adepte du spectaculaire dans une dernière partie largement plus nerveuse et démonstrative. Même s’il devient plus académique dans sa dernière bobine, The Medium ne perd jamais de vu son argument horrifique pour délivrer un climax d’une efficacité indéniable.
Evidemment, The Medium n’atteint jamais les fondements de noirceur de The Strangers, un peu trop long et n’évitant pas les lieux communes du genre par instants, mais peut se targuer d’aligner quelques images horrifiques proprement tétanisantes et de parvenir à restituer la folie et la décrépitude de son personnage avec une acuité et une puissance d’évocation remarquables. On est en présence d’une œuvre horrifique consciente de son fait, mais qui pousse ses ambitions jusqu’au bout. Surtout, par son ancrage au sein d’une famille en pleine déchéance, le film de Banjong Pisanthanakun dispose d’une chair et d’une personnalité qui font cruellement défaut à nombre d’ersatz américains ou autres…
THE MEDIUM. De Banjong Pisanthanakun (Thaïlande/Corée du Sud – 2021).
Genre : Horreur. Scénario : Na Hong-jin et Chantavit Dhanasevi. Interprétation : Narilya Gulmongkolpech, Sawanee Utoomma, Sirani Yankittikan, Yasaka Chaisorn, Arunee Wattana… Musique : Chatchai Ponhprapahan. Durée : 130 minutes. Disponible en Blu-Ray, DVD et VOD chez The Jokers (22 juin 2022).
L’histoire : Une équipe de film vient tourner un documentaire sur le chamanisme dans un village thaïlandais. Ils s’intéressent tout particulièrement à Nim, une chamane habitée par un esprit qui se transmet de génération en génération dans sa famille. Mais le tournage va prendre une tournure terrifiante…
L’édition Blu-ray de The Jokers

Nous n’avons pas été en mesure de tester le blu-ray de cette édition sortie par The Jokers. Seul un lien vidéo nous a permis de visionner le film.
Néanmoins, cette édition blu-ray semble techniquement irréprochable avec une image haute définition au format 1.77, d’un rendu superbe et deux pistes son en DTS HD Master Audio 5.1. Thaïlandais et Français.
En termes d’interactivité, il faudra se contenter d’un simple making-of du film.
Je confirme, le film, vu hier soir en blu ray est « techniquement irréprochable »…
Qualitativement, en revanche, je te trouve bien indulgent avec cet énième found footage de gueule qui fonctionne constamment sur les mêmes ressorts que les mille précédents et qui, outre un excellent casting et quelques moments de grâce essentiellement exotique, n’est qu’un nanar risible selon moi… et un monument d’ennui… Dieu que c’est LOOOOOOOONG… Ceci dit, au moins, j’ai ri deux ou trois fois… notamment avec les deux scènes du chien.
Mais je me suis fait piéger par le label The Jokers et la promo autour du réalisateur de The Chaser et The Strangers ici producteur (WTF ???!!!) les et suis un peu dégoûté d’avoir payé 20€ pour ce navet indigent.
Je m’étais juré de ne plus voir de Found Footage et me suis encore fait piéger.
On devrait enterrer ce genre indigne une bonne fois pour toutes et sans cérémonie… Chamanique ou autre…
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Peut-être que mon indulgence a été décuplée par le fait qu’il s’agit d’un found footage, genre éreintant de médiocrité comme tu le soulignes justement. Mais j’ai vraiment été séduit par le film (bien que je sois d’accord : c’est trop long), déjà parce que je trouve qu’on ne ressent pas tant que ça l’élément « pris sur le vif » et surtout, parce qu’il est beaucoup plus soigné sur la forme que l’ensemble des ses congénères. Et j’ai aimé l’ambiance !
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Je pense qu’il y a surtout là un budget clairement supérieur à la moyenne… ça aide (notamment à la très belle photographie… ) et que la première partie mockumentaire est en effet assez réussie… Mais à partir de la mort du personnage central, le film se vautre vraiment dans TOUS les travers du genre. Notamment en terme de « mise en scène » et de scénario. Et les scènes purement horrifiques sont absolument nanardesque pour moi (les assistants du chaman possédés et cannibales, le chien à la casserole, les pleurs du bébé dans la chambre de la possédée…). Et puis c’est VRAIMENT trop long… une bonne demi heure de trop… largement.
J’ai d’ailleurs décidé de revoir VITE The Strangers ET The Chaser pour me laver les yeux de ce bidule sans âme et sans talent
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C’est vrai que le film a déjà cette principale qualité : donner une envie furieuse de revoir The Strangers !!! 😉
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