
Cette année fût particulièrement riche et j’ai eu l’occasion de voir un échantillon de plus d’une centaine de films de 2023. Découverts au cinéma, en (S)VOD, en support physique, en festival ; il y avait mille et un moyen de regarder du cinéma de genre cette année. Petites précisions : certains films ont eu leur première mondiale avant 2023, cela sera donc précisé ; ensuite, ce Top sera découpé en trois parties : mon Top 20 des films sortis en France en 2023, suivi de mon Top 5 des films vus en festivals et enfin, un Flop 10 succinct. Pour terminer cette introduction, quelques mentions honorables : Vampire humaniste cherche suicidaire consentant d’Ariane Louis-Seize, Fermer les yeux de Victor Erice, Ça tourne à Séoul de Kim Jee-woon, Knock at the Cabin de M. Night Shyamalan, Misanthrope de Damián Szifron, Vincent doit mourir de Stéphane Castang et Le Monde après nous de Sam Esmail.
Top 20 sorties France
1- BEAU IS AFRAID de Ari Aster
Nouveau métrage du prodige Ari Aster après l’excellent Hérédité et le chef-d’œuvre Midsommar, Beau Is Afraid est attendu depuis son annonce en 2020 et, même si l’attente fût rude, elle fût nécessaire. Le métrage étant une grande comédie surréaliste et hilarante de presque trois heures aux accents horrifiques bien sentis mais surtout une œuvre immense et personnelle pour Ari Aster en faisant une espèce de thérapie filmée avec pléthore de métaphores s’empilant parfaitement et, surtout, un récit picaresque et drolatique avec des personnages assez fous. Le film de l’année, qui est bel et bien la confirmation du talent du réalisateur, même si un paragraphe n’est pas assez dense pour l’aborder.
2- SICK OF MYSELF de Kristoffer Borgli
Cruel, Sick Of Myself est le meilleur film sorti en 2022 mais, après ses passages en festival notamment à l’Étrange Festival où il remporta le Grand Prix, ne sortit qu’en mai dernier, après maintes reports. Le film norvégien déteste ses personnages avec une méchanceté exemplaire et offre un body horror incroyable. Autant satire de notre société narcissique que drame sur ces tendances valétudinaires à chercher le buzz ; un métrage comme il y en a finalement peu.
3- CLUB ZERO de Jessica Hausner
Décrivant parfaitement la crédulité de notre ère, Club Zero tape là où il faut pour être un récit d’une grande maestria. Avec une Mia Wasikowska dans son meilleur rôle, le métrage se déploie aussi avec une mise en scène volontairement vomitive et un récit corrosif ; une comédie noire qui se joue des archétypes pour amener son propos réaliste donc bien plus percutant.
4- L’ETRANGE HISTOIRE DU COUPEUR DE BOIS de Mikko Myllylahti
Présenté à Cannes en 2022 et sorti en France tout début 2023, ce film est très sombre et sans espoir, arrivant à mêler beaucoup de genres différents du thriller à la comédie en passant par l’horreur et le drame. Myllylahti se fait chimiste et arrive à accorder le tout pour offrir une fable parfois mystique et surtout d’une poésie magnifique. Jarkko Lahti dans le rôle principal est incroyable, arrivant à être très touchant et impassible à la fois alors que tout s’écroule devant lui. Un métrage marquant à la bande-son envoûtante et à l’humour pas si absurde, tellement il s’ancre parfois dans une certaine réalité.
De son début fantasmagorique à sa fin aux airs du Society de Brian Yuzna, Conann utilise merveilleusement son budget pourtant assez bas pour nous offrir un univers prenant, débordant d’idées autant cinématographiques que scénaristiques et revisitant parfaitement le mythe de Conan. Un grand film qui prouve que Mandico est un réalisateur français de talent parmi les plus importants de sa génération.
6- PEARL de Ti West
Alors qu’il sortait au cinéma en septembre 2022 aux USA, nous ne l’avons eu qu’en DVD, certainement à cause de l’échec de X, le film d’origine, au box-office français. Au-delà de sa mise en scène chiadée autant qu’inventive et de son écriture fine, notamment de la protagoniste qui met le spectateur entre profonde empathie et terreur, le film est porté par une Mia Goth grandiloquente qui se donne totalement avec son visage d’ange déchu. Pearl est, sans mauvais jeu de mot, une perle qui nous donne plus qu’envie de découvrir MaXXXine, le troisième et dernier volet de la trilogie.
7- INFINITY POOL de Brandon Cronenberg
Métrage assez viscéral et angoissant, cet Infinity Pool est façonné par une mise en scène grandiose montrant qu’avec quelque chose de simple, Brandon Cronenberg parvient à offrir un film maitrisé comme rarement. Déjà dans sa technique mais aussi dans son scénario parfaitement ficelé, car Cronenberg fils propose un message sur cette bourgeoisie qui se croit immortelle et qui continuera de l’être. Avec ce film, Brandon tient clairement de son père, le génie David Cronenberg, par sa détestation des personnages et son sens (léger) du body horror.
8- LE VOURDALAK de Adrien Beau
Le Vourdalak est plus que particulier, avec ses acteurs très grandiloquents, sa photographie en Super 16 ou encore l’un de ses personnages incarné par une marionnette. Mais tous ces parti-pris rendent le film encore meilleur, surtout si l’on ajoute à cela un brin de gore, un côté queer assumé et assez central dans le propos du récit et une poésie fabuleuse de la part d’Adrien Beau.
9- MEGALOMANIAC de Karim Ouelhaj
Après avoir gagné, parmi tant d’autres récompenses, le Cheval Noir de Fantasia en 2022, le crasseux et dégoulinant Mégalomaniac est sorti chez nous comme un métrage horrifique très noir et où l’espoir est porté disparu pour ne laisser place qu’à la dépression et la perversité de notre monde. L’une des choses les plus passionnantes du film étant ses plans rappelant des tableaux, des œuvres d’arts macabres qui nous font cauchemarder à travers l’écran. Un film déroutant mais qui ne pourra que titiller la fibre du fan de cinéma de genre.
10- HUESERA de Michelle Garza Cervera
Découvert au PIFFF 2022, Huesera est un métrage qui part d’un scénario un brin simplet pour en faire un métrage profond sur le désir de maternité et ce que peuvent imposer certaines sociétés patriarcale. Cervera traite cela avec de très bons effets spéciaux, des scènes prenantes, une protagoniste attachante incarnée par la révélation Natalia Solián.
11- N’ATTENDEZ PAS TROP LA FIN DU MONDE de Radu Jude
N’Attendez pas trop la fin du Monde est une critique du traitement des agents de production mais aussi de notre époque au travers de sujets urticants tels que le Covid ou le conflit entre la Russie et l’Ukraine, à peine effleurés en scuds, mais qui font l’effet d’un tir de sniper. C’est assez réussi mais spécial, certains spectateurs pourront s’ennuyer, là où les autres seront captivés par la critique offerte par Radu Jude et le talent de Ilinca Manolache dans le rôle principal.
12- SPARTA de Ulrich Seidl
Seconde partie du diptyque de 2022 dirigé par Ulrich Seidl après Rimini, Sparta est un drame anxiogène qui ferait passer la plupart des thrillers comme légers. Sparta est un coup de maître démarrant comme un film simpliste mais partant inexorablement dans une intrigue pédophile terrifiante et toujours avec le goût de la polémique bien connu de Seidl.
13- LE CAPITAINE VOLKONOGOV S’EST ECHAPPE de Alexey Chupov et Natalya Merkulova
Sorti originellement en 2021 avant le conflit russo-ukrainien, ce film est noir, brutal et sans aucune concessions, montrant des temps durs où la paranoïa est maîtresse, avec habileté et un goût du tortueux autant que du torturé grandiose. Tout cela dans des décors très beaux et mélancoliques, avec un sound design royalement travaillé. Grosso modo, une tragédie aussi suffocante qu’entraînante, une perle russe avec notamment une fin parfaite.
14- DREAM SCENARIO de Kristoffer Borgli
Et oui, Kristoffer Borgli a deux films dans ce Top, ce Dream Scenario étant un moment d’une absurdité totale, même si pas assez poussé, avec un très bon Nicolas Cage et, surtout, un récit très attachant avec une photographie sublime. À voir en salles depuis peu.
15- LES AVANTAGES DE VOYAGER EN TRAIN de Aritz Moreno
4 ans (!) après sa première mondiale, Les Avantages de voyager en train est enfin sorti dans l’Hexagone avec toute sa folie, son montage hyperactif de Raúl López accordé à la mise en scène magistrale de Javier Agirre Erauso. La bande-son n’est pas non plus en reste, composée par Cristobal Tapia de Veer, offrant une composition singulière mais en symbiose avec l’ambiance du film. Le métrage balance parfaitement entre les genres allant de la comédie quasi-surréaliste au thriller paralysant, tout cela avec une force de transition exceptionnelle. Un film-matriochka rempli de folie que vous devez absolument voir.
Acide est un portrait de famille attachant et spectaculaire à son échelle, ponctué de moments de vives émotions et d’autres de grandes tension. C’est aussi son casting réussi composé de Canet, Munchenbach ou encore Brahim qui fait la réussite du métrage, sans oublier la photographie assombrie, qui a déplu à beaucoup, mais qui va parfaitement avec l’ambiance et le scénario du film.
Le réalisateur Pablo Larraín s’avère, dès la première seconde, pessimiste : il démontre le fait que le Mal existe depuis la nuit des temps et existera jusqu’à sa fin. Par le biais de personnages ironiques, hypocrites et sardoniques Larraín crée le rire pour inventer une très grande comédie rocambolesque, d’un humour noir frappant mais où la diatribe manque de perversité. L’aspect visuel est magistral, d’un noir et blanc somptueux avec un sacré goût pour les scènes de meurtres ou les plans sur les visages des personnages lorsqu’ils parlent. Le Comte est une satire exquise, jamais exceptionnelle et encore moins transcendante, mais une pépite voir un coup de cœur, tout simplement.
18- LA FEMME DE TCHAIKOVSKY de Kirill Serebrennikov
Fresque inexorable découverte à l’Etrange Festival 2022, filmée de façon grise et désespérée mais toujours chiadée et portée par une Alena Mikhaylova impériale, c’est une œuvre tragédique, avec une protagoniste déchirante, de laquelle on ressort en lambeaux. Kirill Serebrennikov offre un métrage remarquable qui prouve que la Russie n’a, cinématographiquement, plus rien à prouver.
Après de nombreux passages en festivals depuis 2021, Limbo sortait enfin chez nous en juillet dernier. Dans un noir et blanc frappant, appuyant toute l’obscurité du récit, la mise en scène est grandiose, les plans nous immergent dans les scènes et créent quelque chose d’haletant. L’histoire est réussie, chaque scène se suit parfaitement et rien n’est en trop avec notamment des scènes d’action badass. Le film est nihiliste, créant une ambiance de cinéma rare, en abordant des thématiques difficiles. Un film gargantuesque de 118 minutes, un objet de cinéma pur.
20- THE EXECUTION de Lado Kvataniya
The Execution est un polar noir tout simplement grandiose, sombre et psychologique. Un film d’une maestria folle porté par un casting 4 étoiles et épaulé par une mise en scène dantesque aux couleurs subjugeantes et aux décors soignés. Un bijou, ni plus, ni moins, qui aura pourtant tardé à débarquer chez nous (datant de 2021).
Top 5 Festivals
1- WHEN EVIL LURKS de Demián Rugna

Rugna écrit parfaitement ses personnages, l’avancée de son récit mais surtout son horreur. When Evil Lurks est un pur film d’horreur avec une mise en scène exceptionnelle de la part du cinéaste. C’est un métrage terrifiant, nihiliste, traumatique et désespéré que vous devez absolument voir ; il sortira en 2024 chez Factoris Films.
2- THE SWEAT EAST de Sean Price Williams

Excellente comédie noire sur l’Amérique des « marginaux », The Sweet East est un récit picaresque composé d’une drôlerie bien dosée, mêlant l’absurde et la pure noirceur comique sans avoir peur des représailles (notamment au travers de sa palette de personnages très particulière). Une quête initiatique allant à toute allure, portée par une Talia Ryder rayonnante et toute en subtilité. Un grand moment de cinéma, sortant en 2024 dans les salles françaises chez Potemkine.
3- STOPMOTION de Robert Morgan

Le film nous hypnotise du début à la fin à un point où l’on est enseveli dans l’œuvre cauchemardesque de Robert Morgan. Avec sa bande-son prenante, l’impériale Aisling Franciosi dans le rôle principal qui arrive parfaitement à faire tanguer les spectateurs entre empathie et antipathie ou encore la montée en tension, pourtant assez classiquement mise en œuvre mais prodigieusement réussie. Stopmotion est au final une mise en abyme angoissée autant qu’angoissante qui arrive à délivrer un propos passionnant sur cette femme qui n’est qu’une marionnette dans sa propre existence.
4- PROPERTY de Daniel Bandeira

Bandeira installe une atmosphère d’angoisse au travers de sa mise en scène étouffante qui nous plonge au cœur de la psychologie de Teresa avec une puissance unique, arrivant à prendre plusieurs formes tout du long, toutes aussi réussies les unes que les autres. Plus on avance, plus le message sur la lutte des classes se déploie pour nous faire nous questionner à chaque seconde du récit : qui est la victime là-dedans ? Finalement, Property est un très grand film, une œuvre coup de poing au sous-texte d’une puissance indiscutable, arrivant parfaitement à être autant drame social que thriller quasi-horrifique.
5- YOU’LL NEVER FIND ME de Indianna Bell et Josiah Allen

You’ll Never Find Me utilise une luminosité assez particulière à base d’excellents plans-portraits jamais répétitifs, mis en valeur par les performances habiles de Brendan Rock et Jordan Cowan, qui maintiennent une tension élevée.































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