Dans la foulée de L’Étrange Vice de Mme Wardh, Sergio Martino signe son deuxième Giallo en 1971 avec La Queue du Scorpion. Avec cette seconde contribution au genre, le réalisateur du Continent des Hommes poissons confirme sa grande aisance à livrer parmi les meilleurs représentants du thriller transalpin. Mouvance au sein de laquelle il proposera un an après les non moins marquants Toutes les couleurs du vice et Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé (quel titre proprement génial !).
Suite au décès de son mari, Kurt, dans l’explosion d’un avion, Lisa Baumer hérite d’un million de dollars qu’elle ne pourra toucher qu’en quittant Londres pour se rendre à Athènes. Sur place, elle est suivie par Peter Lynch, dépêché par la compagnie d’assurances, ainsi que par John Stanley, un policier. Peu après, la riche héritière croise la route d’une ex-maîtresse de son mari, Lara Florakis. Flanquée de Sharif, son homme de main, celle-ci lui réclame la moitié du pactole, sous peine de représailles…

Qui s’y frotte s’y pique !

Sur un postulat tirant vers le film policier et le récit d’enquête, Sergio Martino et ses scénaristes Ernesto Gastaldi, Eduardo Manzanos Brochero et Sauro Scavolini brodent une machination dont les tenants et aboutissants ne sont délivrés qu’au fur et à mesure des différents meurtres perpétrés par un mystérieux assassin, autour de la prime d’assurance-vie semblant attiser la convoitise de l’entourage d’une veuve, globalement constitué de personnages avides et prêts à tout pour s’emparer de la somme d’argent promise. La Queue du Scorpion parvient à maintenir un intérêt remarquable tout au long des 90 minutes de métrage, chose pas si courante dans le genre. Porté par des personnages qui n’échappent pas toujours à la caricature, mais qui s’avèrent peut-être un peu mieux esquissés qu’à l’accoutumée, le film assume son enquête policière autant qu’il met en valeurs ses nombreux morceaux de bravoure liés aux meurtres. Respectant les codes du Giallo, Martino y figure souvent son assassin en vue subjective, assumant le côté voyeur de son récit, notamment quand les couples y batifolent. Surtout, il construit des montées en tension assez remarquables, jouant de la configuration de ses décors, pour faire naître le suspense, ne précipitant pas les assauts de l’assassin dans des scènes variées et jamais avares d’hémoglobine.

De manière plus générale, La Queue du Scorpion bénéficie d’une mise en scène inspirée et très soignée. Si l’on y dénombre quelques zooms intempestifs, usage à la mode à cette époque, le cinéaste sait ménager sa mise en scène, capable de découper quelques cadres bien vus et signifiants, ce qui ne court pas nécessairement les rues dans le genre du Giallo. A cela s’ajoute un plateau d’interprètes habitués du genre, Ida Galli (Le Orme), Anita Strindberg (Tropique du cancer), George Hilton (Folie meurtrière) et Alberto de Mendoza (Le Venin de la peur), ainsi que la musique elle aussi très inspirée de Bruno Nicolai (L’Antéchrist), pour constituer un film d’exploitation italien de très bon niveau, que l’on peut placer sans soucis dans le haut du panier du Giallo, au côtés des maîtres-étalons signés Argento, Bava et Fulci.

Note : 4 sur 5.

LA QUEUE DU SCORPION (La coda dello scorpione). De Sergio Martino (Italie/Espagne – 1971).
Genre : Giallo. Scénario : Ernesto Gastaldi, Eduardo Manzanos Brochero et Sauro Scavolini. Photographie : Emilio Foriscot.
Interprétation : George Hilton, Anita Strindberg, Alberto de Mendoza, Ida Galli, Janine Reynaud… Musique : Bruno Nicolai. Durée : 90 minutes.
Distribué par Le Chat qui Fume (11 avril 2025).

Le Blu-ray du CHAT QUI FUME. Après l’édition DVD parue en 2006 par Néo Publishing, voici la version HD du film, proposée par Le Chat qui Fume dans sa version intégrale au format 2.35 d’origine. La copie y est somptueuse et rend justice à la qualité esthétique du film. Côté son, les version italienne et française sont présentes en DTS-HD MA 2.0 dans un rendu claire, dynamique et très solide. Le film bénéficie, de plus, d’un entretien passionnant avec Sergio Martino (47′), d’un second dont le micro est tendu vers George Hilton (21′) et du documentaire Le giallo : une radiographie de l’Italie d’après-guerre (41 min). A noter la présence d’un commentaire audio d’un des scénaristes du film, Ernesto Gastaldi, accompagné du réalisateur italien Federico Caddeo.

Laisser un commentaire