[Critique] LIVIDE d’Alexandre Bustillo et Julien Maury
Deuxième long-métrage du duo responsable d‘A l’Intérieur (2007), Livide est une nouvelle tentative de cinéma fantastique à la française fait par et pour des connaisseurs du genre. Si leur premier film, poisseux et gore à souhait, jouait la carte du choquant et de la provocation, pour cette deuxième tentative, Alexandre Bustillo et Julien Maury prennent une autre direction. Et émerveillent le cinéphile par la même occasion.
Changement de direction, car on est ici en présence d’un vrai film d’ambiance, d’atmosphère, utilisant le fantastique de manière frontale (là où A l’intérieur procédait davantage d’une démarche réaliste et crapoteuse), réutilisant et travaillant des codes éprouvés. On peut l’affirmer, Livide est un VRAI film de trouille. Ce qui, dans le paysage cinématographique fantastique français, est une rareté. La peur véhiculée dans Livide peut se rapprocher du Saint-Ange de Pascal Laugier, film avec lequel il partage plusieurs points communs.
Leçons d’effroi
Un film français peut-il faire résolument peur ? On sait aujourd’hui que oui. La réussite de Livide tient avant tout dans le respect des codes élémentaires de la peur et leur utilisation par les deux cinéastes. Contrairement à nombre de tentatives hexagonales cherchant à intellectualiser leur propos, Bustillo et Maury donnent à voir un film simple dans ses intentions et dans sa conception. Les deux réalisateurs sont parvenus à marier un fantastique ancré dans une réalité et une tradition française, tout en gardant le cap d’une progression et un basculement dans le fantastique. La mise en scène est référentielle mais brillante. L’utilisation du hors-champ, les jeux de lumière et d’ombre (magnifique photo de Laurent Barès), auxquels s’ajoute une bande-son riche et travaillée, sont autant d’ingrédients favorisant la montée de la peur. Livide est clairement une réussite sur le simple plan formel.
La figure de la vieille femme inconsciente enfermée dans sa vaste demeure, voilà qui renvoie à un cliché évident de l’effroi dans l’inconscient collectif. Tout comme les animaux empaillés, le manoir abandonné… Des images, des lieux communs avec lesquels les réalisateurs jouent avec brio. Tout comme le caractère assez indéfinissable des créatures du film. Vampires ? Sorcières ? L’incertitude reste entière sur l’origine même du mal. C’est également une des forces du film de ne pas se borner à expliciter les tenants et aboutissants. Tout comme ce mélange des genres. Film de fantôme, qui fait de l’œil à la vague de films espagnols de ces dernières années (L’Orphelinat, Les Autres, Abandonnée…), survival, conte de fées, film gothique, références évidentes à Dario Argento (Suspiria et son école de danse), mais aussi à Guillermo del Toro pour ces mécanismes organiques, Livide brasse large mais harmonieusement, et propose au final une œuvre digérée, qui fait naître efficacement le sentiment de peur.
Parti-pris risqué
Pourtant, Livide n’est pas exempt de défauts. L’entrée en matière du film renvoie à tant d’autres tentatives ratées, à cause de dialogues mal écrits, mal servis par des comédiens pas toujours très justes… Les premières séquences d’exposition manquent sérieusement d’intensité, et s’élèvent difficilement au-dessus du niveau d’un téléfilm basique. L’interprétation est très inégale, les apparitions de Béatrice Dalle un peu trop démonstratives et de mauvais goût… Mais au final, on retient davantage les grandes qualités du film que ses défauts.
Une juste récompense pour un film qui s’achève par une séquence « casse-gueule » au plus haut point. Les deux compères prennent une direction radicale, qui pourra désorienter le spectateur, un parti-pris risqué mais audacieux, qui fait fi des conventions, et offre un épilogue inattendu et bouleversant (bien qu’une fois encore référentiel), faisant cohabiter vie et mort dans deux enveloppes humaines, à la fois si différentes et si semblables, dont le désir de vivre n’est pas forcément lié à la personne attendue…
LIVIDE
Alexandre Bustillo et Julien Maury (France – 2011)
Genre/Horreur – Interprétation/Chloé Coulloud, Félix Moati, Jérémy Kapone, Catherine Jacob, Marie-Claude Pietragalla… – Musique/Raphaël Gesqua – Durée/91 minutes. Distribué par La Fabrique 2.
L’histoire : En Bretagne, la nuit d’Halloween. Lucie Clavel et deux copains décident sur un coup de tête de cambrioler la maison de Deborah Jessel, une professeur de danse classique, aujourd’hui centenaire énigmatique plongée dans le coma. Durant cette nuit tragique et fantastique, Lucie perse le mystère de cette maison et le secret de Deborah Jessel…
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