LEATHERFACE d'Alexandre Bustillo et Julien Maury

La saga Massacre à la tronçonneuse se dote d’un nouveau chapitre avec Leatherface d’Alexandre Bustillo et Julien Maury. Après le remake très réussi signé Marcus Nispel en 2003, puis le très correct Massacre à la tronçonneuse – Le Commencement réalisé par Jonathan Liebesman en 2006 et le moins heureux Massacre à la tronçonneuse 3D de John Luessenhop en 2013, les producteurs remettent une pièce dans la machine, exhument à nouveau le tueur au masque de cuir, afin de contenter un public, il est vrai, friand d’un personnage emblématique du cinéma horrifique. Leatherface, explore à nouveau les origines de la saga, après l’opus de Jonathan Liebesman qui apportait déjà quelques éléments d’éclaircissement à ce sujet. Ici, le film se focalise plus directement sur l’enfance, puis l’adolescence pour le moins perturbée de celui qui deviendra le tueur à la tronçonneuse, au sein de sa famille de détraqués. Doté d’un budget relativement modeste, Leatherface n’a pas eu les honneurs d’une sortie en salles aux Etats-Unis et traîne une réputation assez calamiteuse… Et autant le dire tout de suite : ce nouvel opus dans l’univers de Leatherface n’est pas honteux du tout, bien au contraire.

Sous le soleil de Satan

Basé sur un scénario écrit pas Seth M. Sherwood (La chute de Londres, 2016), Leatherface replonge 40 ans en arrière, sous le soleil de plomb du Texas, à l’époque où le tueur au masque de cuir n’est qu’un enfant, entouré d’une famille de sérieux psychopathes, dominée par l’inquiétante matriarche interprétée par Lili Taylor, taillée pour le rôle. Interné puis évadé d’un hôpital psychiatrique, le jeune homme se retrouve embarqué dans une cavale sanglante au côté d’une infirmière et d’autres détenus. Un épisode charnière et fondateur qui va l’amener à basculer dans la violence, la brutalité et la monstruosité… Le projet était casse-gueule dès le départ. Partir en explications sur l’origine d’un personnage dont le mystère a une part prépondérante dans la fascination qu’il suscite, est en soi l’assurance de se tirer une balle dans le pieds. L’aura qui entoure Massacre à la tronçonneuse est toujours aussi puissante aujourd’hui et repose justement sur l’icônisation d’un personnage impalpable, sans réelle prise, conçu dès le départ par Tobe Hooper comme une représentation (à l’image de toute la famille Sawyer) d’une Amérique déliquescente des années 60/70. Tout comme le Michael Myers d’Halloween de John Carpenter est la représentation physique d’un phénomène désincarné : le mal, expliquer l’existence de Leatherface et son parcours revient à en ôter ce qui en fait la substantifique moelle… Et de fait, le film n’échappe pas complètement aux pièges d’un script qui pêche sur bien des points, par son manque d’originalité, sa pénurie d’idées et d’enjeux, associé à un casting très hétéroclite qualitativement parlant, et une générosité parfois mal dosée et aux limites du « too much » dans sa volonté de tout montrer. On peut également lui reprocher un manque sérieux d’ambition, puisque les 90 minutes de Leatherface n’offrent pas à proprement parler de grandes nouveautés à la saga, se contentant de creuser un sillon déjà bien exploité. Fort heureusement, derrière la caméra, les deux frenchis Alexandre Bustillo et Julien Maury sont imprégnés de suffisamment d’amour et de déférence pour le matériau original qu’ils ne peuvent pas complètement se louper. C’est le quatrième film du duo, à qui l’on doit l’extrême A l’intérieur (2007) et les sympathiques Livide (2011) et Aux yeux des vivants (2014). Soit, deux artisans du cinéma d’horreur qui connaissent leurs classiques sur le bout des doigts. Pas étonnant donc de les voir associés à plusieurs projets de remake comme Halloween et Hellraiser, qui ne se concrétiseront pas, pour arriver à ce prequel de Massacre…, oeuvre matricielle dans leur parcours.

Road movie à la sauce « Redneck »

Car Bustillo et Maury ne prennent pas la franchise à la légère, et ça se sent dans leur façon d’aborder et de filmer cette sordide histoire. Même si les choses partent assez mal avec une séquence d’introduction qui nous rejoue en version courte la mythique scène du dîner de l’opus original en abusant de courtes focales, apportant un aspect grotesque pour appuyer le malaise et l’horreur, le duo se reprend bien ensuite, donnant l’impression d’avoir payé son dû à Tobe Hooper afin de pouvoir s’en émanciper. Leatherface s’engage alors dans une direction moins référentielle et attendue en prenant le parti de ne plus dévier d’une horreur viscérale et sans concession, mais en l’associant aux codes du road movie à la sauce redneck. On n’est donc pas cantonné à un lieu unique et clos, mais bien à une fuite en avant à ciel ouvert où le sang coule abondamment. La traque des psychopathes évadés de l’asile tourne à la virée gore, très gore, et à la balade sauvage pour le moins malsaine. On pense évidemment au Tueurs Nés d’Oliver Stone (1994), mais également à The Devil’s Reject de Rob Zombie (2005). Dans un monde où la norme ne semble pas avoir de prise, les forces de l’ordre sont logiquement dirigées par un psychotique, le shérif Hartman (Stephen Dorff), pas moins azimuté puisqu’il s’est fait un devoir de dessouder les membres de la famille Sawyer, après que ces derniers aient massacré sa propre fille. Et c’est clairement avec cette orientation assumée de film d’horreur crado et suintant, radical par certains aspects, dominé aussi par une forme de démence vengeresse, que Bustillo et Maury marquent des points.

Folie fiévreuse

Le film ne lésine pas sur la radicalité, la violence visuelle, les exécutions plein cadre, et n’hésite pas non plus à dévier vers des extrémités assez peu ragoutantes pour caractériser ses personnages (cf la scène des sexe avec un cadavre). Mais il réussit plutôt bien ce qu’il entreprend, à l’image de la séquence de l’attaque du restaurant, extrêmement réussie dans sa volonté jusqu’au boutiste de montrer l’immontrable, mais également dans sa manière d’associer démonstrations de violence graphique et climat malsain propre au film de Hooper. Cette atmosphère de démence sauvage qui imprègne le film doit également beaucoup à la photographie d’Antoine Sanier, qui retrouve par instant les teintes brûlantes et les clairs-obscurs du film de Tobe Hooper. Leatherface est à ce titre extrêmement soigné pour un film de ce standing qui, rappelons-le, disposait d’un budget sentant bon les fonds de tiroir et dont le tournage a été délocalisé en Bulgarie. Pour autant, Leatherface est shooté avec beaucoup d’inspiration, et surtout, on retrouve par instants l’esprit du modèle de 1974, qu’il ne trahit jamais en retrouvant par instants ses accès de folie fiévreuse.
Souffrant d’un scénario par trop insuffisant dans ses enjeux et ses idées pour proposer davantage qu’un film de genre efficace et respectueux, Leatherface n’en reste pas moins un très généreux et digne épisode de la saga. Pas assez ambitieux pour atteindre l’excellence des deux opus initiaux, il ne démérite pourtant pas grâce à une forme extrêmement soignée et donnant la part belle aux accès de violence et au gore. Quant à la révélation finale sur l’identité de Leatherface, qui chamboule complètement l’idée que l’on pouvait s’en faire, bien que décriée par beaucoup, elle fait pourtant sens dans ce qu’elle montre des préjugés et des évidences, quand la monstruosité n’est pas toujours tapie là où on l’attendait… Les apparences sont trompeuses…

Note : 2.5 sur 5.

LEATHERFACE. D’Alexandre Bustillo et Julien Maury (USA – 2017).
Genre : Survival/Slasher. Scénario : Seth M. Sherwood. Interprétation : Stephen Dorff, Lili Taylor, Sam Strike, Vanessa Grasse, James Bloor, Sam Coleman… Musique : John Frizzell. Durée : 90 minutes. Distribué par Metropolitan Filmexport (2 janvier 2018).

2 réponses à « [Critique] LEATHERFACE d’Alexandre Bustillo et Julien Maury »

  1. […] une grande part de l’intérêt du film, à commencer par un Stephen Dorff (Blade, Somewhere, Leatherface) très souvent excellent, qui faisait déjà preuve d’un certain charisme tout jeunot, ainsi […]

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  2. […] raté que Massacre à la Tronçonneuse 3D, mais plutôt emprunt d’une sincérité proche du Leatherface malade de Bustillo et Maury, cette production Fede Alvarez ne vient pas chatouiller l’aura de l’épisode matriciel, […]

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