[Critique] INSTINCT DE SURVIE de Jaume Collet-Serra
La Belle et la Bête
On ne répétera jamais assez le plaisir coupable que représente la sortie d’un film de requin, qui plus est en pleine période estivale. Si le traumatisme généré par Les Dents de la mer de Steven Spielberg en 1975 est encore dans toutes les mémoires et ne connaîtra probablement plus jamais d’équivalent dans les salles obscures, on ne boude pas notre plaisir quand un film du genre pointe le bout de son aileron. Quitte à goûter un produit au goût faisandé… Avec Instinct de survie, on formulait il y a peu notre espoir grandiose de voir enfin un digne successeur au chef d’oeuvre de Spielberg. Ou en tout cas une série B à la hauteur du potentiel du prédateur, tellement malmené sur les écrans. Après visionnage, on peut désormais le dire : Les Dents de la mer peut dormir tranquille sur ses branchies, ce n’est pas avec The Shallows (titre en VO) que Bruce perdra sa couronne. Néanmoins, le film n’est pas non plus totalement à jeter, bien au contraire…
Doté d’un scénario/concept aussi simple qu’éminemment casse-gueule, Instinct de survie était donc à la fois prometteur et inquiétant. Fort heureusement, Jaume Collet-Serra, responsable des excellentes séries B La Maison de cire et Esther, a su tirer parti au maximum de son pitch initial pour développer quelques rebondissements et frissons indispensables à la bonne tenue du projet. Si l’on veut bien le voir comme tel, le film est une véritable série B efficace qui s’assume et un survival relativement resserré (à peine 90 minutes). Tout au moins dans sa partie centrale, dès que la surfeuse Nancy met un orteil dans l’eau et se trouve attaquée par le requin, contrainte de se réfugier sur un monticule rocheux à quelques kilomètres de la plage. Le film peut alors naviguer dans les eaux sombres de l’angoisse et du suspense. A ce niveau, le scénario d’Anthony Jaswinski (L’empire des ombres de Brad Anderson) s’en sort assez bien. Exploitant toutes les ressources de son unité de lieu somme toute limitée, le scénariste s’emploie à démontrer qu’une étudiante en médecine peut survivre à une sale blessure provoquée par une morsure morsure de requin, avec une boucle d’oreille et un pendentif en guise d’éléments de suture, le tout sous un soleil de plomb, menacée par un énorme squale qui rode, accompagnée d’une mouette blessée et dans l’attente d’une marrée montante qui risque de s’annoncer fatale pour la surfeuse (unité de temps). Et sous ses dehors d’intrigue invraisemblable et premier degré, l’ensemble tient ses promesses.
Réaliste mais pas trop…
Evidemment, pour goûter un quelconque intérêt à cet Instinct de survie, il faut proscrire toutes considérations réalistes, puisque le film ne cherche que l’efficacité à tous prix. Et y parvient grâce essentiellement à la tension engendrée par son récit, aussi simpliste soit-il. Les relances continuelles du suspense sont efficaces bien que classiques, voire tirées par les cheveux (la scène du poivrot sur la plage). A contrario de Spielberg sur Les Dents de la mer qui s’efforçait de créer la peur par le biais de sa mise en scène, Jaume Collet-Serra se montre bien plus timide, pour ne pas dire emprunté, assurant le minimum syndicale en filmant son scénario de manière très impersonnelle et illustrative. Le cinéaste espagnol sait faire de la belle image et le prouve, lorsqu’il s’agit de filmer des sessions de surf ou de vendre une plage de carte postale, à grands renforts d’effets clippesques au possible, ou lorsqu’il explore les moindres recoins de la plastique avantageuse de son actrice principale, mais il n’aliment le suspense que par des effets de manche trop évidents. Le film est d’ailleurs sérieusement handicapé par une première partie qui ne fonctionne pas, prétexte à tenter d’exposer à la truelle la personnalité et les traumas de l’héroïne, de surfer sur les nouvelles technologies en incrustant à l’image des échanges SMS (partis-pris aussi hideux qu’idiot). Ça démarrait très mal. Mais Instinct de survie trouve sa raison d’être lorsque, enfin, l’action décolle. Débute alors un concentré de film de survie, comme nous le promettait le titre, composé de morceaux de bravoures aussi enthousiasmants qu’improbables portés par une Blake Lively pas inoubliable, mais qui donne de sa personne. Quant au requin, brutal et teigneux, il constitue l’une des deux attractions principales du film, et si son rendu numérique n’est pas complètement convaincant, sa présence partielle à l’écran est une bonne surprise. Tout au moins jusqu’à l’incroyable et improbable climax qui clôture l’affrontement entre la belle et la bête par la mise à mort de cette-dernière, qui tutoie alors les cimes du n’importe quoi, mais se révèle paradoxalement extrêmement jouissif.
On ressort de cet Instinct de survie avec l’impression mitigée d’une semi-réussite. Le film est une pure série B efficace et assez bien emballée qui ne manque pas de scènes marquantes (la découverte du cadavre de la baleine, la plongée parmi les méduses). Mais on ne peut s’empêcher de regretter le survival âpre et tendu qu’il aurait pu être. En l’état, on se retrouve plus proche d’un Open Water que d’un Sharknado. Et rien que pour ça, on est tout de même heureux.
INSTINCT DE SURVIE
Jaume Collet-Serra (USA – 2016)
Genre Survival aquatique – Interprétation Blake Lively, Oscar Jaenada, Sedona Legge… – Musique Marco Beltrami – Durée 87 minutes. Distribué par Sony Pictures.
L’histoire : Nancy surfe en solitaire sur une plage isolée lorsqu’elle est attaquée par un grand requin blanc. Elle se réfugie sur un rocher, hors de portée du squale. Elle a moins de 200 mètres à parcourir à la nage pour être sauvée, mais regagner la terre ferme sera le plus mortel des combats…
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