[Critique] THE GREY de Joe Carnahan

Les Survivants

The Grey

Avec The Grey (Le territoire des loups en français), Joe Carnahan semble fermer la parenthèse constituée par L’Agence tous risques en 2010. Quelque soit les qualités et défauts de l’adaptation de la série télévisée, on est à des milliers de lieux des préoccupations du cinéaste, entraperçues dans Narc (2002), voire dans Mi$e à Prix (2006), les précédents longs-métrages du réalisateur. La tension et le réalisme qui traversaient le polar noir Narc avaient titillé la fibre des cinéphiles à l’époque. Depuis, il était légitime de se demander vers quoi se dirigeait Carnahan avec ses films suivants, beaucoup plus légers dans leur approche. Heureusement, The Grey vient remettre les pendules à l’heure. Celles d’un cinéma d’Homme, avec un H majuscule, dons lequel l’âpreté des rapports humains cache bien souvent des fêlures et souffrances béantes… Liam Neeson, déjà interprète pour Carnahan du Colonel John « Hannibal » Smith dans l’adaptation de L’Agence tous risques, n’impose pas d’entrée de jeu, une tendance à la franche rigolade. Personnage perdu, que l’on devine veuf, anéanti par le chagrin, isolé socialement par un métier l’envoyant au bout du monde dans un environnement difficile, est au bout du rouleau, avec déjà un pied dans le précipice. Dès les premières séquences, brillantes dans leur exposition sans bavardages superflus, la voie du suicide est clairement évoquée. Plus rien ne retient l’ouvrier, en fait chasseur de loups, dans ce monde. C’est pourtant au travers d’un instinct de survie à la fois personnel, mais plus encore collectif, que l’homme va trouver les ressources pour rester en vie. C’est là l’un des paradoxes du film, et également l’une de ses forces, montrer le cheminement d’un homme prêt à tout pour mourir, qui va finalement se battre pour la survie de son groupe. L’analogie avec la meute de loups qui les menace n’est à cet égard pas fortuite.

L’homme face à la nature

Après le crash de leur avion (dans une scène ahurissante d’intensité), survivants miraculés, perdus dans un désert neigeux, en dehors de toute civilisation, et bien loin d’un espoir d’être secourus, cette poignée d’hommes, aux affinités à première vue inexistantes, doivent rapidement s’organiser, se serrer les coudes, se servir des dissensions pour devenir plus forts et survivre dans leur environnement et face à la menace des loups. On reconnaît là les codes du « survival », le vrai, celui qui oppose l’homme à la nature. Joe Carnahan explore les parts d’ombre de l’être humain, face à une menace extérieure, sa cupidité (les corps dépouillés de leur portefeuille), son égoïsme, sa lâcheté, en brodant sur une intrigue finalement très linéaire. Le groupe de rescapés fond comme neige au soleil, au fur et à mesure que ses membres se font dévorer un à un, comme une punition divine de leurs plus bas instincts. On nage évidemment dans une thématique embrassée en son temps par le génial John McTiernan avec notamment Predator (1987) ou Le 13e Guerrier (1999). Ici, au contraire du réalisateur de Piège de Cristal, le faible est dévoré, seul le vaillant, sous condition qu’il aille rechercher au fond de lui son état sauvage, peut espérer s’en sortir. Car le chasseur et la proie se respectent, à l’image du Predator et du personnage d’Arnold Schwarzenegger à la fin du film sus-mentionné.

Pourtant, dans la folie de cette traque sauvage, Joe Carnahan révèle l’être humain sous la carapace de l’homme, brutal et égoïste. Au travers d’une scène absolument bouleversante, durant laquelle Liam Neeson passe en revue les portefeuilles de ses compagnons, morts les uns après les autres, et dans lesquels il trouve pour chacun une photo avec un enfant, une compagne… La dernière étincelle qui manquait au chasseur de loups pour définitivement affronter ses prédateurs, dans un combat à la mort, à griffes égales, qui sera néanmoins épargné au spectateur… L’essentiel du discours du cinéaste ayant déjà été dis, durant les deux brillantes heures de film qui ont précédé…


THE GREY (Le territoire des loups)
Joe Carnahan (USA – 2011)

Note : 4Genre Survival – Interprétation Liam Neeson, Dallas Roberts, Frank Grillo, Dermot Mulroney, James Badge Dale… – Musique Marc Streitenfeld – Durée 117 minutes.

L’histoire : Un groupe d’ouvriers est envoyé en Alaska pour la construction d’un oléoduc. Leur avion s’écrase durant le trajet. Les rescapés doivent alors survivre dans ce milieu hostile occupé par les loups . Ils devront parcourir des kilomètres dans un désert de neige en espérant s’éloigner du territoire des loups affamés. Mais les loups continuent de les traquer…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

2 Comments on [Critique] THE GREY de Joe Carnahan

  1. Pas tellement ma came celui là

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  2. L’homme contre la nature…. moi aime bien 😉

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  1. [Critique] ICE ROAD de Jonathan Hensleigh – Obsession B

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