[Série TV] BATES MOTEL (Saison 1) de Carlton Cuse

BATES MOTEL
BATES MOTEL

L’arrivée de Bates Motel sur les petits écrans était un pari sacrément culotté de la part de ses initiateurs Anthony Cipriano et Carlton Cuse (Lost). Proposer une série dérivée du chef d’oeuvre d’Alfred Hitchcock Psychose était couillu. De l’aveu même de Carlton Cuse, l’orientation du projet se situait d’ailleurs davantage dans l’optique d’explorer les personnages du roman initial de Robert Bloch, que de coller à la trame du film du grand Alfred. Aujourd’hui, le résultat est là. Dix épisodes qui tentent d’apporter un éclairage neuf sur l’enfance du tueur psychopathe Norman Bates.
En l’état, la série fait des choix assez surprenants en terme de narration et surtout de temporalité. L’option du prequel n’est pas une surprise, puisque le passé de Norman Bates recèle de suffisamment de parts d’ombres et de pistes lancées dans le film (et ses séquelles) pour apporter un terreau d’exploration digne de ce nom aux auteurs. Là où les concepteurs de Bates Motel étonnent, c’est dans leur choix de situer l’action dans un contexte assez trouble : à la fois contemporain, mais doté d’un certain nombre de détails renvoyant directement à l’œuvre originale se déroulant dans les années 50-60 (voitures, mobilier du manoir, garde robe des Bates). En résulte une sorte de croisement curieux, et pas toujours très logique, entre une série contemporaine qui se serait parée du voile nostalgique d’une époque révolue. Ainsi, placer le jeune Norman dans un lycée américain bien d’aujourd’hui a quelque chose de déroutant tant l’approche s’éloigne de l’image du personnage telle que l’inconscient collectif se l’était façonnée. Troublant…

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Twin Peaks à Palm Beach

Néanmoins, le positif de ce parti-pris réside dans la mise en évidence des nombreux éléments référentiels à Psychose – le film. En cela, l’épisode pilote est particulièrement enthousiasmant et ludique, puisqu’il rappelle par petites touches les éléments ayant façonné le mythe Norman Bates, dans un soucis évident de faire le lien avec le film d’Hitchcock. Des clins d’œil qui vont malheureusement se diluer au fur et à mesure des épisodes, laissant place le plus clair du temps à des arcs narratifs pour le moins laborieux et variablement intéressants. La relation ambiguë entre Norman et sa mère est clairement au cœur de la série. Les soupçons d’inceste, la passion unique et fusionnelle qui transpirent de leurs échanges sont amenés avec suffisamment d’intelligence pour passionner. Mais pour en apprécier la teneur, il faut encore se farcir des sous-intrigues assez invraisemblables de débilité. Des trames sans aucune envergure concernant un trafic de drogue, ou un réseau de prostituées asiatiques semblant sortir tout droit d’un mauvais épisode d’une série des années 90 style Les Dessous de Palm Beach, qui viennent alourdir le récit et l’encombrer de circonvolutions qui ont pour effet de faire sortir de l’intrigue. Même si la volonté évidente semble être de vouloir plonger le spectateur au sein d’une communauté finalement aussi déviante que le personnage principal, où l’on pense beaucoup, toutes proportions gardées, à Twin Peaks, influence évidente du show, la mayonnaise ne prend pas, à cause d’un manque évident de cohérence générale en termes d’atmosphère, notamment. La vision des dix épisodes de cette première saison devient alors vite laborieuse tandis que l’intrigue s’écarte de la relation mère/fils.

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La surprise Highmore

Le nœud œdipien qui se forme sous nos yeux ébahis devient passionnant par l’apport extraordinaire, et assez inattendu il faut bien l’avouer, du casting principal. Si Vera Farmiga est une nouvelle fois assez juste dans le rôle intriguant de Norma Bates, la véritable surprise vient de la prestation habitée de Freddy Highmore. Le Arthur de Luc Besson et son jeu enfantin et approximatif a bien changé et apporte une enveloppe charnelle évidente au personnage de psychopathe en devenir qu’est Norman Bates. Le comédien s’insinue adroitement dans la continuité du rôle personnifié à jamais par Anthony Perkins. L’inquiétante étrangeté qui se dégage de son jeu colle admirablement au personnage, d’autant qu’il contrebalance le mystère de sa psyché par une fragilité et une (fausse ?) innocence qui va peu à peu évoluer et construire le tueur que tout le monde connaît. Freddie Highmore est littéralement bouleversant dans le rôle. On ne peut malheureusement pas en dire autant des seconds rôles (le frère, le flic, le tueur, la petite amie…) dont la pertinence est proportionnelle à l’intérêt des intrigues auxquelles ils sont rattachés.
Au final, le principal problème de Bates Motel vient de son héritage, mais pas dans le sens où on pouvait l’attendre. Paradoxalement, la série est la plus réussie quand elle marche fièrement dans les pas de ses modèles. Lorsqu’elle s’écarte un tant soit peu du schéma complexe de la relation mère/fils, ses libertés apparaissent clairement comme décevantes, pour ne pas dire hors sujet. A moins que la deuxième saison, qui sera prochainement diffusée aux Etats-Unis, ne vienne lier le tout dans un ensemble cohérent qui, à l’heure actuelle, paraît bien improbable…

Note : 2.5 sur 5.

BATES MOTEL (Saison 1). D’Anthony Cipriano, Carlton Cuse et Kerry Ehrin (USA – 2013).
Genre : Thriller. Scénario : Kerry Ehrin, Carlton Cuse, Jeff Wadlow, Bill Balas, Anthony Cipriano. Interprétation : Vera Farmiga, Freddie Highmore, Max Thieriot, Nicola Peltz, Olivia Cooke, Nestor Carbonell… Musique : Chris Bacon. Durée 450 minutes environ. Disponible en Blu-ray chez Universal.

L’histoire : Après la mort mystérieuse de son mari, Norma Bates décide de refaire sa vie loin de l’Arizona, dans la petite ville de White Pine Bay dans l’Oregon, et emmène avec elle son fils Norman, âgé de 17 ans. Elle rachète là-bas un vieux motel abandonné depuis de nombreuses années, ainsi que le manoir qui trône majestueusement quelques mètres plus loin…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

4 Comments on [Série TV] BATES MOTEL (Saison 1) de Carlton Cuse

  1. Tu as raison concernant l’héritage et ce problème de temporalité.
    J’ai bien failli lâcher l’affaire tant je ne digérais pas ce décalage incongru…
    Et puis, j’ai persévéré en faisant mon deuil du prequel rêvé…
    Et j’ai vraiment trouvé ça pas mal du tout…
    ça pourrait bien donner une excellente saison 2 !

    J’aime

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  1. [Série TV] LOCKE AND KEY (Saison 1) de Joe Hill et Carlton Cuse – Obsession B

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