[Critique] RAMPART d’Oren Moverman
American cop
On ne peut pas dire que les adaptations au cinéma des œuvres de James Ellroy aient particulièrement gâté tant l’écrivain que les spectateurs, par leur qualité souvent relative. L’auteur du Dahlia Noir a par ailleurs signé quelques scénarios originaux pour le grand écran : Dark Blue (2003), Au bout de la nuit (2008). Rampart fait partie de cette seconde catégorie. Portrait d’un flic borderline qui va progressivement glisser dans une forme de violence physique et morale qu’il ne va plus maîtriser, ce deuxième film réalisé par l’Israélien Oren Moverman (The Messenger – 2009) porte indéniablement la “patte” Ellroy. Le romancier (qui a co-rédigé le scénario avec le cinéaste), décrit un personnage de flic comme il les aime : violent, déviant et fiévreux, continuellement au bord du précipice. Dave Brown est un flic qui a sa propre conception de la justice, qui ne s’embarrasse pas de fioritures, dépasse allègrement les limites de la légalité et se vautre complaisamment dans tous les excès et addictions : Drogue, alcool, sexe… Le personnage cristallise toutes les dérives et le mal qui rongent une frange des forces de l’ordre, raciste et corrompue et, par extension, une société aux repères brouillés.
Le rôle présente des facettes déjà vues à maintes reprises. La descente aux enfers du personnage principal dans une banlieue chaude de Los Angeles est un lieu commun du cinéma américain. Basé sur des faits réels, le script ne s’éloigne pas dans sa progression des codes du genre. Pourtant, la recette fonctionne. Car Ellroy et Moverman ont apporté un certain panel de nuances. Brown se débat dans une conception de la justice qui lui est propre. Sa connaissance des lois et sa propension de beau parleur lui permettant d‘embobiner ses supérieurs et autres personnages gravitant autour de lui. Dave Brown ne se débat pas uniquement dans un milieu de requins. Au quotidien, sa vie familiale est également un échec retentissant, qu’il tente de manière illusoire de maintenir à flot, notamment aux yeux de ses filles. Ce double terrain de jeu apporte fondamentalement quelque chose de fort à l’équilibre du personnage et à l’intrigue.
Violence et corruption
Campé par un Woody Harrelson littéralement habité par le rôle, le personnage de Dave Brown est quasiment de tous les plans. C’est peu de dire que le comédien, porte littéralement le film sur ses épaules. Harrelson, coutumier des personnages en roue libre, apporte une substance, une folie et une émotion assez remarquables au rôle. De toute évidence, le film entre dans une autre dimension grâce à l’investissement de son acteur principal, mais aussi d’un casting prestigieux, dans des rôles plus ou moins importants, mais tous justes (Robin Wright, Sigourney Weaver, Anne Heche, Steve Buscemi, Ice Cube…) De son côté, Oren Moverman soigne sa réalisation. Le cinéaste restitue assez adroitement l’ambiance bouillante d’un quartier californien rongé par la violence et la corruption, par un adroit équilibre entre cadrages simples mais étudiés, et effets clippesques relativement discrets, mais globalement judicieux (voir la scène de la boîte avec la musique de Justice en fond sonore pour s’en convaincre). Le tout bien aidé par la photographie de Bobby Bukowski. Rampart ne présente à première vue pas d’éléments susceptibles de faire sauter le spectateur au plafond, tant son intrigue paraît rabâchée. Néanmoins, son auscultation d’un personnage fort et admirablement interprété par un Woody Harrelson à fleur de peau le hisse au-dessus des autres productions du genre et, de toutes évidences, mérite plus qu’un coup d’oeil…
RAMPART
Oren Moverman (USA – 2012)
Genre Drame policier – Interprétation Woody Harrelson, Robin Wright, Ben Foster, Anne Heche, Sigourney Weaver, Steve Buscemi, Ice Cube… – Musique Dickon Hinchliffe – Durée 108 mn – Distribué par Metropolitan.
L’histoire : L’officier de police Dave Brown est connu depuis toujours pour ses méthodes expéditives et sa tendance à franchir toutes les lignes. Lorsque la vidéo d’une raclée qu’il administre à un suspect se retrouve sur toutes les chaînes de télé, tout le monde se décide à lui faire payer l’addition. Face au scandale qui pourrait mettre en lumière les pratiques douteuses de la police, ce spécialiste des excès en tous genres fera un magnifique exemple…
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