[Livre] MON CINEMA DE A à Z par Julien Richard-Thomson
Itinéraire d’un cinéaste pas gâté
Drôle de personnage que Julien Richard-Thomson. Réalisateur français de films aux frontières de la série Z, il oeuvre depuis le début des années 90 en mettant en boîte des délires pelliculés dans le genre horrifico/castagno/érotico/fantastique, dotés de moyens financiers ultra limités et sans l’aide d’aucun organisme public. Souvent raillé pour la qualité médiocre de ses films, il n’en demeure pas moins un obstiné, passé maître dans l’art du “Do it yourself”, qui mène sa barque contre vents et marées. Il couche aujourd’hui toutes ses expériences de cinéma dans un livre intitulé sobrement Mon cinéma de A à Z, sous la forme d’une autobiographie alphabétique.
Quoi qu’on pense de Julien Richard-Thomson, on ne peut lui enlever une indécrottable passion pour le cinéma, de genre en particulier. Depuis près de 25 ans, 10 films, et pas mal de galères, le cinéaste poursuit son petit bonhomme de chemin, en marge du système. Attack of Serial Killers from Outer Space (1994), Time Demon (1996), Jurassic Trash (1998) ou plus récemment Bloody Flowers (2009) jalonnent un parcours plutôt underground mais toujours placé sous le signe de l’abnégation. C’est ce qui ressort de la lecture de son ouvrage.
De la lettre A comme Apollon, du nom du cinéma personnel créé de toutes pièces dans sa chambre d’adolescent, à Z comme la qualification de ses œuvres, en passant par B, pour Budget, “le cinéma sans un rond”, D comme le système de la débrouille, I comme Interprètes et ses castings pour le moins variés convoquant hardeuses, comiques et autres membres de la famille, M comme Mad Movies, dont le créateur Jean-Pierre Putters a longtemps accompagné ses réalisations comme acteur et producteur, Richard-Thomson évoque quantité de souvenirs et d’anecdotes, assez souvent croustillantes.
Campagne de dénigrement
Ainsi, on ne pourra qu’être abasourdi par “l’affaire” Korruption. Le film, une comédie qui n’existe qu’à l’état de teaser, n’a jamais été achevé, victime d’une campagne de dénigrement assez violente de la part d’un politicien d’Asnières-sur-Seine, du journal Le Point et d’une bonne partie de la presse, qui ont fait passer le projet pour un tournage pornographique.
Plus touchant, le chapitre évoquant les “non-films” comme les appelle Richard-Thomson. Ses nombreux projets remisés au placard faute de financement, et qui représentent selon l’auteur “des films fantômes qui se comptent par dizaines” et que le cinéaste rapproche des œuvres de David Cronenberg, Quentin Tarantino ou des frêres Coen. Ces projets “constituent ma filmographie secrète”, plus originale et personnelle. On touche là l’un des aspects les plus troublants du livre. Julien Richard-Thomson y clame certes une passion pour le septième art, mais également un talent et une inspiration que l’on ne soupçonnerait pas au travers de ses réalisations. En résumé : on ne me donne pas les moyens, et c’est bien dommage car j’ai des chefs-d’oeuvres à réaliser. Un argument un peu léger que l’on aimerait croire sur parole, et pour lequel on laissera au réalisateur d’Eject le bénéfice du doute…
Entre un avant-propos (de comptoir) réunissant ses deux complices Jean-Pierre Putters et Christophe Lemaire et un court recueil de photos de tournage et affiches, on prend donc un plaisir évident à parcourir les 140 pages de cette tranche de vie cinématographique, le parcours chaotique d’un véritable “personnage”, finalement pas si éloigné dans sa sensibilité du lecteur cinéphile qui tourne les pages… Et cela en dépit de nombreuses et grossières coquilles qui parsèment les pages du livre, mais dont on ne lui tiendra pas rigueur, vu que l’auteur, à l’image du cinéaste, s’est auto-édité…
MON CINEMA DE A A Z
Julien Richard-Thomson (France – 2015)
142 pages. Paru aux éditions : Jaguarundi Edition. Sortie le 24 mars 2015.
Avec près d’une dizaine de longs-métrages à son actif, le plus souvent dans le genre fantastique, Julien Richard-Thomson est le pionnier du “Do it yourself” et du “Direct-to-video” en France. Si ses premiers films ont été coproduits par la mythique revue Mad Movies et signés sous le pseudonyme de Richard J. Thomson, ses plus récents projets témoignent de la richesse de l’univers artistique du cinéaste. Dans ce livre, il revient sur vingt ans de création underground en marge du cinéma français officiel.
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