[Be Kind Rewind] DRAGON INN de King Hu (1967)

Dragon Inn

Dragon InnPremier film de King Hu après son départ de Hong Kong (après L’Hirondelle d’or – 1966), Dragon Inn est également sa première production taïwanaise. Ce qui ne changera pas grand chose à la maîtrise du cinéaste, à l’impact que le film aura dans les esprits et la marque qu’il apposera dans l’histoire du cinéma. Véritable film d’action s’inscrivant davantage vers la pure exploitation que ne le fera son chef d’oeuvre et film total A Touch of Zen quelques années plus tard (1971), Dragon Inn est un bijou de Wu Xia Pan (film de sabre chinois). King Hu est un véritable esthète de l’image et du rythme, et ce cinquième film en atteste à nouveau. Précurseur de toute une vague de films de sabres, il met en place et impose des codes et des règles qui seront déclinés durant des décennies par des réalisateurs importants, comme Tsui Hark, qui s’inscriront durablement dans sa mouvance. Ce-dernier mettra d’ailleurs en scène l’un des deux remakes de Dragon Inn en 1992.

Dragon Inn

Comme souvent chez King-Hu, le récit s’ancre dans la réalité politique de son pays. Ainsi, le tyrannique eunuque Cao Shaoqin, savoureux “bad guy”, a réellement existé et marque le contexte anarchique et les conflits qui ont divisé la Chine sous la dynastie Ming. Dragon Inn fait coexister différentes groupes de personnages évoluant avec des motivations propres, qui convergeront vers la fameuse auberge du Dragon. En ce sens, Hu fait également cohabiter plusieurs genres comme le road-movie, avec les enfants de Yu Qian condamnés à l’exil, et qui vont cristalliser l’ensemble des enjeux de l’intrigue. Le cinéaste y ajoute une belle maîtrise du huis clos lors des séquences dans l’auberge, quasi théâtrales (dans le bon sens du terme), au cours desquelles l’excellent Shih Chun (véritable guerrier ici, en opposition au pur personnage lettré qu’il campera dans A Touch of Zen) a maille à partir avec les soldats à la solde de Cao Shaoqin, envoyés exterminer les rejetons de Yu Qian. Des séquences assez savoureuses, au cours desquelles King Hu fait montre de capacités plurielles dans son approche de cinéaste, soit d’un authentique don pour alimenter le suspense, mais également d’une maîtrise certaine pour les scènes de comédie.

Dragon Inn

Danse de mort enivrante

Mais Dragon Inn est avant tout un film d’action généreux en scènes d’affrontements. Celles-ci bénéficient une fois encore d’un soin tout particulier, tant le réalisateur y appose sa griffe : chorégraphies au millimètre, véritables ballets des corps en mouvements et des cadres toujours aussi rigoureusement composés. A cela s’ajoute une musique assez désarçonnante dans le genre, quasi expérimentale dans sa manière d’accompagner les combats. En dehors du contexte politique décrit dans le film, Dragon Inn reste néanmoins une pure bande d’exploitation, humble et généreuse, tant ses enjeux visent l’efficacité en premier lieu, sans s’encombrer d’oripeaux scénaristiques superfétatoires, comme pourra l’être A Touch of Zen et son traitement hautement ambitieux quatre ans plus tard.
Si Dragon Inn ne manque pas de moments mémorables, on relèvera l’ultime affrontement opposant l’eunuque peroxydé aux combattants protégeant ses cibles. Pour irréaliste qu’elle soit, la séquence, électrisante, dispense son lot d’effusions de sang et de fers croisés, dans une danse de mort enivrante qui, non content d’éblouir le spectateur, donne littéralement le tournis à l’un des personnages… Ressorti en salle le 12 août 2015 dans une version restaurée en 4K menée par le Taïwan Film Institute, il va de soit que Dragon Inn mérite urgemment d’être redécouvert…


DRAGON INN
King Hu (Taïwan – 1967)

Note : 4Genre Wu Xi pan – Interprétation Shang Kuan Ling-Feng, Shih Chun, Bai Ying, Hsu Feng – Musique Chow Lan-ping – Durée 111 minutes – Distribué en vidéo par Carlotta films.

L’histoire : Le puissant eunuque Cao Shaoqin sème la terreur parmi son peuple. La police secrète vient d’exécuter le loyal Yu Qian, précepteur du prince et ministre de la Défense, accusé à tort d’avoir aidé des étrangers. Ses trois enfants sont, eux, condamnés à l’exil hors du pays. Mais Cao Shaoqin prévoit en réalité de les exterminer en chemin : il ordonne à ses deux fidèles commandants de préparer une embuscade à l’Auberge du dragon, située près de la frontière. Cet endroit, habituellement désert en la saison, est bientôt envahi par les membres de la police secrète et par de mystérieux combattants, venus protéger les jeunes Yu…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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