[Be Kind Rewind] UTU REDUX de Geoff Murphy (1984)
Véritable oeuvre phénomène dont l’importance cinématographique dans son pays n’a d’égale que son immense succès à sa sortie en 1984, Utu de Geoff Murphy a connu un destin pour le moins chaotique. Après une projection au festival de Cannes (premier film néo-zélandais à y être présenté), et une sortie à très grand succès dans son pays d’origine (pour un budget de 3 millions de dollars, le plus important dans l’histoire du pays), le film est remonté par le producteur Don Blakeney pour une exploitation internationale. C’est dans cette version tronquée, expurgée de certaines scènes violentes et/ou choquantes, comme la décapitation du prêtre, que le film continuera d’être exploité. Jusqu’en 2010, moment où Graeme Cowley, le chef opérateur du film, découvre la copie déplorable qui sert de support à Utu, et décide, avec le réalisateur Geoff Murphy (Le Dernier survivant, Freejack, Fortress 2), de lancer une vaste opération de restauration de l’oeuvre. Ce Utu Redux, ressorti en salles en mars 2017, est un acte militant d’importance qui prend les atours d’une démarche de sauvetage à la fois d’un monument de la cinématographie néo zélandaise, autant que du caractère patrimonial que le film de Geoff Murphy a gagné au fur et à mesure des années dans son pays.
Il faut dire que Utu relate un épisode particulier et symbolique de l’histoire néo zélandaise, la lutte à la fin du XIXe siècle entre une poignée de maoris et l’envahisseur britannique. Le soulèvement est initié par le personnage de Te Wheke, ancien membre engagé dans les troupes coloniales qui se retourne contre l’ennemi étranger suite à la découverte du massacre de sa tribu. Il s’engage alors dans une croisade à l’encontre des Pakeha (les néo-zélandais d’origine européenne). Par le biais de ce personnage fort et de ce récit de vengeance, Geoff Murphy et son co-scénariste Keith Aberdein décrivent la persécution du peuple maori. C’est également et surtout une histoire de racines et de la lutte d’une culture refusant d’être ingurgitée et asservie.
La folie hallucinée…
Le personnage de Te Wheke contient en lui-même une profonde dualité, tiraillé qu’il apparaît entre son intégration chez les colonialistes et ses origines de guerrier maori, ses croyances, sa culture et une brutalité, une violence typiquement européenne, un double rôle de leader et de déserteur militaire. Utu raconte le basculement d’un personnage passé sous pavillon colonialiste et qui retrouve ses instincts guerriers pour la survie des siens. C’est évidemment avant tout une vengeance sanglante et sans concession qui s’engage pour lui et ses compagnons. Un retour aux fondamentaux du peuple maori qui se traduit par le recours au moko, tatouage traditionnel couvrant entièrement le visage. Une vengeance qui trouve son pendant avec un autre personnage, Pakeha celui-ci, qui cherche quant à lui à punir les Maoris assassins de sa femme. C’est cette confrontation, cette double soif de vengeance aux limites de la folie hallucinée, que raconte Utu.
Geoff Murphy capte une atmosphère assez unique dans les paysages néo zélandais qu’il transcende par sa caméra. Utu marque par ailleurs par ses emprunts au western, le film se révélant un digne représentant du genre. Même si sa narration trouve ses limites et arrive rapidement à tourner en rond, Utu reste un efficace et très beau film de vengeance, une curiosité à découvrir qui peut évoquer, toutes proportions gardées, le cinéma de Mel Gibson et plus particulièrement Apocalypto.
UTU REDUX
Geoff Murphy (Nouvelle Zélande – 1984)
Genre Drame historique – Interprétation Anzac Wallace, Merata Mita, Bruno Lawrence, Kelly Johnson… – Musique John Charles – Durée 109 minutes. Distribué en Blu-ray par La Rabbia (7 mars 2018).
L’histoire : En Nouvelle-Zélande, dans les années 1870. Alors que les Anglais viennent de coloniser le pays, un jeune guerrier maori se rebelle contre l’envahisseur…
– L’édition de La Rabbia –
Cette édition de La Rabbia dispose d’une image bluffante avec une colorimétrie retouchée et des contrastes saisissants. Le grain y est bien présent et, bien que fourmillant légèrement dans les scènes les plus sombres, donne une agréable sensation de redécouvrir le film tel qu’il était à sa sortie en salle. Les qualités de la superbe photo du film sont ainsi décuplées.
Au niveau sonore, le blu-ray présente une piste son anglaise de grande qualité, d’un dynamisme remarquable et ne trahissant jamais son âge. Les bruitages bénéficient d’une mise en avant qui décuple l’impact de certaines scènes (le massacre de la tribu en ouverture), tandis que la musique de John Charles, épique, est également logée à bonne enseigne.
L’édition de La Rabbia contient un seul élément en guise d’interactivité, mais il vaut le détour. Un making-of datant de 1983 réalisé par Gaylene Preston, présente des images du tournage, impressionnantes dans ce qu’elles donnent à voir, à savoir des moments pris sur le vif, notamment avec le réalisateur, Geoff Murphy en action, et continuellement à la recherche de la plus grande authenticité possible. La bande annonce du film en version restaurée est également proposée, ainsi qu’un livret de 42 pages.
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