[Be Kind Rewind] LES RENDEZ-VOUS DE SATAN de Giuliano Carnimeo (1972)


Début des années 70. Alors en pleine vague carmin profond du Giallo, des réalisateurs pas du tout spécialistes du cinéma horrifique s’essayent néanmoins au genre, assez rarement pour des raisons artistiques, mais plutôt pour des considérations évidemment mercantiles. Guiliano Carnimeo pourrait s’inscrire un peu dans les deux catégories. Bien décidé à exploiter le filon du thriller italien popularisé par Mario Bava ou encore Dario Argento, le réalisateur de westerns spaghettis émérites comme Django arrive, préparez vos cercueils (1970) ou Quand les Colts fument… On l’appelle Cimetière (1971) s’empare du genre et, sous le pseudonyme Anthony Ascott, livre un très bon représentant en 1972 avec Les rendez-vous de Satan (titre français ridicule et hors-sujet auquel on préférera évidemment l’original Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ? – Pourquoi ces étranges gouttes de sang sur le corps de Jennifer ?).

Classicisme et tentatives pertinentes
Giuliano Carnimeo illustre ici l’enquête autour d’une série de meurtres de jeunes femmes par un mystérieux assassin, dans l’entourage d’un mannequin, interprété par la magnifique et sensuelle Edwige Fenech. La comédienne deviendra une figure incontournable du Giallo, au côté du très viril et mystérieux George Hilton, le duo s’affichant au casting de L’Etrange Vice de madame Wardh (1971), Toutes les couleurs du vice (1972) tous deux réalisés par Sergio Martino et donc ce Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ?.
Le film navigue entre classicisme et tentatives pertinentes. D’un côté, le schéma général de sa progression dramatique est connu, alternant meurtres graphiques et séquences atmosphériques bien senties, un assassin masqué et ganté (de jaune !), tandis que les codes du Whodunit sont respectés à la lettre, avec une belle brochette de personnages, apparaissant comme autant de suspects potentiels. A ce titre, le film ne baigne pas dans une originalité scénaristique folle, mais ce n’est pas nécessairement ce qu’on lui demande. Marchant dans les pas de ses illustres prédécesseurs, il emprunte notamment très clairement le look du tueur à Six femmes pour l’assassin de Mario Bava.
Pour autant, Giuliano Carnimeo et ses collaborateurs ne se limitent pas à un simple exercice de photocopie et déploient quelques excellentes idées, en premier lieu une approche assez audacieuse pour l’époque de l’homosexualité qui oscille entre le cliché et le discours volontariste. Le film est également parsemé de petites touches d’humour assez peu fréquentes dans le domaine, par l’intermédiaire du duo de policiers (l’un est obsédé par sa collection de timbres, le second par son alimentation).

Surtout, Giuliano Carnimeo apporte avec Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ?, un bon aperçu de son talent de cinéaste. Il oeuvre au sein d’un cahier des charges qu’il s’approprie sans aucune difficulté et signe une solide et élégante mise en scène, fignole ses cadres, exploite au mieux les jeux de couleurs. Il exploite avec beaucoup d’à propos ses décors, plus particulièrement l’immeuble dans lequel se déroule une grande partie de l’action, avec ses appartements aux pièces plus ou moins dissimulées, qu’il filme en créant un sentiment de malaise, de confinement et d’enfermement des personnages.
Épaulé par le scénariste Ernesto Gastaldi (Le Corps et le Fouet), déjà à l’oeuvre à ses côtés sur plusieurs westerns, le directeur photo Stelvio Massi et le compositeur Bruno Nicolai, le cinéaste bénéficie d’une équipe technique de premier ordre pour réaliser ce qui restera le seul Giallo de sa carrière. Une oeuvre méconnue. Mais un coup de maître.
LES RENDEZ-VOUS DE SATAN
Giuliano Carnimeo (Italie – 1972)

Genre Giallo – Interprétation Edwige Fenech, George Hilton, Paola Quattrini, Giampiero AlbertiniFranco Agostini… – Musique Bruno Nicolai – Durée 94 minutes. Distribué par Le Chat qui fume (19 novembre 2018).
L’histoire : Deux jeunes femmes sont assassinées coup sur coup dans le même immeuble appartenant à l’architecte Andrea Antinori (George Hilton). Ce dernier, en échange d’une séance photo pour une campagne de publicité, propose à deux mannequins, Jennifer (Edwige Fenech) et Marylin (Paola Quattrini), de venir s’y installer. Tandis que Jennifer, au passé trouble, échappe de peu aux assauts du tueur, les soupçons de la police se portent sur Andrea, devenu son amant…
L’édition du Chat qui fume

Technique : ★★★★★
Bonus : ★★★☆☆
Comme à son habitude, Le Chat qui fume soigne autant les classiques qu’il réédite que les films moins connus et gagnant à être découverts. C’est le cas ici pour Les Rendez-vous de Satan, présenté pour la première fois au monde dans une copie HD stupéfiante et absolument sublime, à la définition remarquable et à la précision exemplaire. Toutes la richesse de l’image souhaitée par Giuliano Carnimeo et Stelvio Massi y sont ici exposées, tandis que les couleurs (jaune, rouge, orange) explosent à l’écran. Côté sonore, les mixages italien et français sont disponibles dans des versions DTS-HD Master Audio Mono 2.0 de très belle facture, proposant des dialogues clairs et surtout une mise en avant de l’excellente musique de Bruno Nicolai.
Niveau interactivité, trois modules permettent d’appréhender le film suivant plusieurs points de vue. Celui des comédiens George Hilton (Les Fleurs de sang – 25′) et Paola Quattrini (Marilyn – 17′), qui reviennent sur l’expérience du tournage, leur collaboration avec Giuliano Carnimeo. De son côté, Francis Barbier, du site DeVilDead.com, apporte une analyse érudite, poussée et très pertinente de l’oeuvre (Les Rendez-vous d’Edwige – 34′).
Du tout bon !
Pas encore vu non plus mais je l’ajoute à la shortlist puisqu’il est dans ma collection aussi 😉
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Un formidable Giallo. Une belle découverte. Et une image à tomber ! 😉
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