[Critique] THE PREDATOR de Shane Black

C’est fou comme l’identité d’un réalisateur peut déclencher l’euphorie autour d’un projet… Revenu au chevet du Predator, une franchise en perdition totale, Shane Black, script doctor et acteur dans le premier épisode réalisé en 1987 par John McTiernan, est perçu comme le sauveur d’une saga ayant bien trop sombré dans le caniveau pour se relever si facilement. Il faut dire que Shane Black bénéficie d’une réputation certaine auprès des cinéphiles adeptes des buddy movie des 90’s, que le bonhomme a pris soin de dorloter à l’heure du Dernier Samaritain (Tony Scott, 1991) et de la série des Armes Fatales (Richard Donner, 1987 et 1989) qu’il a scénarisé, puis quelques années plus tard de Kiss Kiss Bang Bang et The Nice Guys qu’il a pris soin de mettre en scène. Adepte des punchlines et des caractérisations burnées, Shane Black avance en territoire conquis lorsqu’il reprend en main la saga Predator
Le chef d’oeuvre sauvage indémodable de McTiernan et sa suite urbaine très honnête dirigée par Stephen Hopkins en 1990, dominent très largement un troisième épisode tardif et faiblard (qui a tout du remake inavoué), Predators signé Nimród Antal en 2010, et surtout un diptyque épouvantable composé de Alien vs. Predator (2004) réalisé par l’inénarrable Paul W. Anderson et Alien vs. Predator : Requiem (2007) vilainement torché par les frères Strause. La dépouille du chasseur rasta semblait froide lorsque Shane Black s’est penché sur son cas. Et tout le monde a applaudi des deux mains, tant il apparaissait comme le seul apte à remettre le mythe Predator sur les rails. Mais la bonne volonté ne suffisant pas, Black accouche d’un épisode qui laisse sur les rotules… pas forcément pour le meilleur…

Psychopathes tous publics…

Drôle de produit fini en effet que ce nouvel opus. Se voulant à la fois suite des deux premiers films (cités à plusieurs reprises), mais également extension de la mythologie et de l’univers créé autour de l’extraterrestre, The Predator demeure en l’état déconcertant. D’ailleurs, le film écrit par Black et son compère Fred Dekker (Monster Squad, 1987) a semble-t-il donné pas mal de sueurs froides aux costards-cravates de chez 20th Century Fox, bien embarrassés du résultat, au point de commander reshoots et remontage… Et le fait est qu’au final, The Predator est un ratage. Il faut déjà accepter l’orientation « comic-book » et le second (troisième ?) degré (trop) assumé. L’approche viscérale du Predator original et, dans une moindre mesure, de sa suite, ne trouvera pas ici de continuité. Shane Black envisage ce nouvel épisode comme une bonne grosse blague, un film d’action et de science-fiction pop-corn à la cool qui lorgnerait gentillement vers les productions Amblin avec l’introduction d’un gamin autiste qui va se révéler déterminant à l’intrigue. Le recours à une escouade de GIs fracassés, tous frappés du bocal, n’est qu’une opportunité pour Black et Dekker de noircir des pages de vannes et autres blagues. Au final : une bande de pieds nickelés aux punchlines très poussives, et dont le capital sympathie a pris le pas sur les traumas passés… La caractérisation des personnages, même pas stéréotypée, est juste affreusement bâclée, la troupe de psychopathes en puissance reste une note d’intention jamais exploitée, le personnage féminin campé par Olivia Munn n’existe pas… Même les différents Predator apparaissant à l’écran font un peu peine à voir et ne bénéficient jamais de l’aura de mystère que McTiernan avait su développer dans son film.

To be continued ?

Parodique The Predator ? On préférerait presque le penser… Mais ce qui agace le plus au final, c’est de voir Shane Black, dont le talent de scénariste semble évident, s’auto-parodier de la sorte, tirant sur les ficelles de son savoir-faire jusqu’à l’écœurement. Car le scénario est indigne du bonhomme, et en l’état ici, rien ne fonctionne réellement, ni la violence (ras le bol du sang en CGI), ni la tension (ou ça ?), ni la comédie… Quant à la mise en scène, elle est illustrative pour le meilleur et laborieusement torchée pour le pire, sans aucun point de vue. Certains passages du film apparaissent comme très gênants (l’épisode du laboratoire qui vire au Z même pas drôle) et certaines bonnes idées font pschitt (la scène du sas de décontamination à peine exploitée, le final qui rejoue l’affrontement sauvage de l’original sans lui arriver à la cheville…).
Clairement, à l’aune de l’oeuvre séminale de McTiernan, ainsi que dans la trace qu’il laissera dans la saga, The Predator ne fait pas le poids. D’une crétinerie confondante, continuellement sur la corde raide, le film s’achève dans une forme d’apothéose de n’importe quoi avec un maousse clin d’œil au film de super-héros, pied de nez de Shane Black aux studios (rappelons sa mauvaise expérience sur Iron Man 3) ? A moins que ces-derniers ne soient à l’origine de cette conclusion qui implique des suites qu’on attend (?) avec beaucoup de craintes… On aurait aimé défendre ce nouveau Predator. En l’état, c’est juste impossible.


THE PREDATOR
Shane Black (USA – 2018)

Genre Science-fiction – Interprétation Boyd Holbrook, Olivia Munn, Trevante Rhodes, Jacob Tremblay, Thomas Jane, Yvonne Strahovski… – Musique Henry Jackman – Durée 107 minutes. Distribué par 20th Century Fox (la page Facebook de l’éditeur) en DVD, Blu-Ray, Blu-Ray 4K Ultra HD, Steelbook, coffrets Predator et VOD depuis le 20 février 2019.

L’histoire : Les pires prédateurs de l’univers sont maintenant plus forts et plus intelligents que jamais, ils se sont génétiquement perfectionnés grâce à l’ADN d’autres espèces. Alors qu’un jeune garçon devient accidentellement leur cible, seul un équipage hétéroclite d’anciens soldats et un professeur de science contestataire peuvent empêcher l’extinction de la race humaine.


Chronique réalisée en partenariat avec Cinetrafic, qui propose des listes de films à voir pour ceux qui cherchent du pur divertissement et du cinéma très bon.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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