[Critique] SIMETIERRE de Kevin Kölsch et Dennis Widmyer


Roman emblématique de Stephen King à la noirceur abyssale, Simetierre a également été célébré pour sa première adaptation au grand écran réalisée par Mary Lambert en 1989. Un film devenu au fil des ans un petit classique du cinéma horrifique par son approche adulte et sans concession. La mise en chantier, trente ans plus tard, d’une nouvelle adaptation, plutôt remake de l’opus de 89 d’ailleurs, pouvait se légitimer, ne serait-ce que pour corriger les quelques défauts de son prédécesseur. Et bonne nouvelle : ce Simetierre cuvée 2019 parvient dans les grandes largeurs à gommer ces scories. Même s’il laisse des plumes sur d’autres aspects…
Pris en main par le duo Kevin Kölsch et Dennis Widmyer, responsables du remarqué Starry Eyes en 2014, le film s’offre un budget confortable et une belle ampleur cinématographique. La réalisation du duo sait se montrer digne du grand écran, au regard de l’aspect télévisuel de son modèle. Autre point fort en regard de la version 89, le casting, inégal à l’époque, beaucoup plus solide et convaincant aujourd’hui, dominé notamment par un Jason Clarke ultra crédible, au charisme et à la sensibilité indéniables.

Malsain, mortifère… La bonne ambiance !
De bons points à mettre au crédit du film de Kölsh et Widmer qui, par ailleurs, parvient à capter puis retranscrire une ambiance à la fois malsaine et fantasmagorique, teintée d’une noirceur assez prononcée dès qu’il s’agit d’évoquer la mort, le deuil, la douleur de la perte d’un enfant, et le caractère de l’inéluctabilité. Des thèmes abordés avec beaucoup de justesse et de pertinence. De son entame jusqu’au drame qui scelle le destin de la famille Creed, Simetierre joue cartes sur table et navigue assez habilement entre drame familial et récit horrifique. Si les jump-scares n’y sont pas légion, et c’est tant mieux, le film de Kölsh et Widmer parvient d’autant plus à assurer sa glissade vers l’horreur par la peinture d’une atmosphère tendue au possible. La description du cimetière animal, l’ajout d’une procession d’enfants masqués, en quelques scènes, les réalisateurs parviennent à poser les premiers jalons du dénouement mortifère à venir. On leur doit également l’évocation visuelle très réussie du cheminement des personnages de Louis Creed et de Jud Crandall dans la forêt vers le cimetière maudit, avec un décor ouvertement reconstitué en studio, lugubre à souhait, que n’aurait certainement pas renié Lucio Fulci. Peut-être moins marquants que chez Mary Lambert, les flash-backs faisant intervenir Zelda, la sœur malade de Rachel, conservent malgré tout leur efficacité et la place incontournable qu’elles peuvent occuper dans le récit depuis le roman Stephan King.

Sorties de route
Pourtant, Simetierre 2019 ne parvient pas à faire complètement oublier qu’il reste un produit de studio destiné à un public qu’il ne faut pas non plus trop brusquer. Dans la roue du succès phénoménal de Ça d’Andrés Muschietti, les producteurs n’oublient pas non plus de baliser le terrain, jusqu’à laisser passer des choix très douteux, dont on ne sait s’ils sont de leur propre chef ou issus du cerveau de scénaristes mal inspirés, voire de cinéastes un peu trop sûrs d’eux. En l’état, restent des orientations qui divergent de l’héritage King/Lambert et ne se révèlent pas les plus heureuses du film. Changer la victime centrale du film, pourquoi pas, mais ce qui apparaît comme une astuce scénaristique semble dicté par une certaine forme de frilosité face à la mort d’un enfant (pas trop jeune si possible), question que le film de Mary Lambert ne se posait pas. Par ailleurs, réaliser un suspense artificiel sur l’identité de la victime et montrer un plan en CGI du camion se retournant lors de l’accident, au sein d’une scène clé dont l’approche dramatique et émotionnelle apparaissent comme prépondérantes (et pour le coup ratées), sont pour le moins dérangeants et de véritables sorties de route. Idem pour le climax, complètement repensé et qui semble, lui aussi, dicté par une volonté de spectaculaire, hors-sujet, évoluant à des kilomètres de l’épilogue calme et mortifère du film de Mary Lambert.
Une conclusion dommageable alors que cette version 2019 de Simetierre se montrait jusqu’alors remarquable dans la progression de son récit et l’exploration de sa douloureuse descente aux enfers. Des qualités qui en font une très bonne adaptation de King, sans pour autant atteindre la personnalité propre des plus grandes réussites de ce qui constitue le sous-genre du « film adapté de King ».
SIMETIERRE
Kevin Kölsch et Dennis Widmyer (USA – 2019)

Genre Horreur – Interprétation Jason Clarke, Amy Seimetz, John Lithgow, Jeté Laurence… – Musique Christopher Young – Durée 101 minutes. Distribué par Paramount Pictures (10 avril 2019).
L’histoire : Le docteur Louis Creed, sa femme Rachel et leurs deux jeunes enfants quittent Boston pour s’installer dans une région rurale du Maine. Près de sa maison, le docteur découvre un mystérieux cimetière caché au fond des bois. Peu après, une tragédie s’abat sur lui. Creed sollicite alors l’aide d’un étrange voisin, Jud Crandall. Sans le savoir, il vient de déclencher une série d’événements tragiques qui vont donner naissance à de redoutables forces maléfiques.
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