[Critique] LES ENQUÊTES DU DÉPARTEMENT V : DOSSIER 64 de Christoffer Boe

Quatrième adaptation des romans à succès de Jussi Adler-Olsen, après Miséricorde (2013), Profanation (2014) et Delivrance (2016), Dossier 64 vient conclure la saga des Enquêtes du Département V. Une série de thrillers résolument pas drôles, plongeant dans les tréfonds obscurs du Danemark.
Pour cette ultime apparition à l’écran (du moins sous cette forme, une série TV pourrait voir le jour et trois autres romans restent à adapter), le duo d’inspecteurs Carl et Assad, sur le point de se séparer, met un point d’honneur à résoudre une dernière affaire assez sordide, tirée d’une page sombre de l’histoire du Danemark : l’internement forcé de femmes destinées à être stérilisées dans un centre spécialisé, isolé sur une île, dans les années 50. Une affaire d’Etat mettant en lumière un complot à grande échelle aux relents de racisme et d’eugénisme. Les Enquêtes du Département V constituaient jusqu’alors une série de thrillers plutôt intéressants et bien troussés, même si aucun des épisodes n’arrive à la cheville du premier, Miséricorde. Pire, le départ du réalisateur des deux opus initiaux, Mikkel Nørgaard et son chef opérateur Eric Kreiss, a considérablement affaibli un troisième chapitre un ton en-dessous. Pour le quatrième opus, la productrice de la série Louise Vesth a fait appel à Christoffer Boe, réalisateur de Beast en 2010, qui reprend le flambeau des mains d’Hans Petter Moland. Un choix qui va se révéler pertinent pour ce nouveau volet par ailleurs toujours écrit par Nikolaj Arcel, déjà à l’oeuvre sur les trois précédents et sur la saga Millenium.

Habile mais scolaire
Constante de la franchise, ce Dossier 64 est exemplaire en termes de mise en scène, tourné pour partie de nuit, le film est porté par une esthétique très soignée, une image et des cadres toujours très beaux. Christoffer Boe ne joue pas la carte de la surenchère, plutôt du classicisme, mais l’ensemble est de belle tenue. Un constat formel à l’image d’une intrigue prenante par l’imagerie qu’elle déploie et la part de mystère qui l’entoure. A ce titre, la découverte de la macabre scène derrière le mur d’un appartement (une scène brillante à tous points de vue) pose d’emblée une ambiance oppressante et glauque, et fait resurgir de lourds secrets enfouis. De même, la structure narrative du film, jouant constamment d’allers-retours entre présent et passé, est toujours clair et pertinente, brodant avec beaucoup d’habileté son canevas d’indices. Malgré toutes ces qualités, il manque un petit quelque chose à cette quatrième enquête du Département V pour se hisser à un niveau supérieur et aller tutoyer des sommets du genre comme Se7en ou Zodiac. Le côté réglé au millimètre, cadré et carré, qui empêche l’émotion d’affleurer, en est déjà peut-être un début d’explication. Ajouté à cela des personnages secondaires cantonnés à rester dans l’ombre du duo d’enquêteurs (toujours excellents Nikolaj Lie Kaas et Farès Farès au demeurant), à l’image de Rose, dont l’idylle débouche sur une révélation qui ne surprendra à peu près personne. Et c’est d’ailleurs le dernier point prêtant à débat : si le background, ses flash-backs au sein du pensionnat de jeunes femmes est prenant, que l’atmosphère mystérieuse qui s’en dégage est indéniable, les ficelles de l’intrigue se révèlent pourtant de plus en plus grosses et on voit le dénouement se dessiner un peu trop rapidement. Un dénouement qui peine par ailleurs à convaincre, à la fois exagérément bavard et paradoxalement trop expédié. Le dernier acte se révèle grossier et assez peu crédible. C’est bien dommage pour un film qui avait jusqu’alors tenu ses promesses.
On sort de ce Dossier 64 avec la satisfaction d’avoir vu un thriller de belle facture, un point final de la franchise à l’ambiance poisseuse incontestable, mais au final trop scolaire et peut-être trop sur les rails pour s’élever au niveau des pointures du genre.

LES ENQUÊTES DU DÉPARTEMENT V : DOSSIER 64
Christoffer Boe (Danemark/Allemagne – 2018)


Genre Thriller – Interprétation Nikolaj Lie Kaas, Farès Farès, Johanne Louise Schmidt… – Musique Mikkel Maltha et Anthony Lledo – Durée 118 minutes. Distribué par Wild Side (8 mai 2019).
L’histoire : Alors que le Département V est sous tension avant le départ annoncé d’Assad, partenaire de l’inspecteur Carl Mørck, ces derniers se lancent dans une nouvelle enquête qui pourrait bien être leur dernière. Suite à la découverte de trois squelettes cachés derrière la tapisserie d’un vieil appartement, les deux enquêteurs et leur assistante Rose doivent exhumer une macabre affaire datant des années 1950 : sur la petite île de Sprogø, des femmes étaient internées et stérilisées de force sous la direction du docteur Curt Wad…
L’édition de Wild Side

Technique : ★★★★★
Interactivité : ★★★☆☆
Technique
L’ambiance scandinave pluvieuse et froide est particulièrement bien restituée dans l’image élégante et magnifique de ce blu-ray à la définition on ne peut plus précise, gorgée de détails et aux couleurs contrastées. Les scènes nocturnes ne souffrent d’aucune perte de définition, avec des noirs profonds et des contrastes soignés.
Niveau son, les dialogues sont clairs et précis, bien mis en avant sur les deux pistes danoise et française en DTS-HD Master Audio 5.1. Attention néanmoins aux quelques scènes d’action (la poursuite en voiture notamment) qui lâchent les chevaux et délivrent une puissance sonore qui contraste sévèrement avec le ton plus calme du film. Pour le coup, c’est particulièrement immersif.
Interactivité
Pas mal de suppléments à se mettre sous la dent sur le disque. A commencer par un journal de tournage, module à la mode qui passe en revue les décors, les comédiens, réalisateur et producteur. Cet envers du décor est agréable mais à la pertinence relativement limitée. Pareil pour le bêtisier, assez anecdotique, tout comme les scènes coupées. L’entretien avec les deux comédiens principaux, Nikolaj Lie Kaas et Farès Farès, réalisé pour l’édition blu-ray, se révèle plus intéressant en cela qu’il est moins orienté promotionnel, et permet aux deux acteurs de s’exprimer avec davantage de latitude. Enfin, un second entretien, avec la productrice, Louise Vesth, complète la section et vient éclairer de son implication incontestable sur la saga.
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