[Critique] LES FAUVES de Vincent Mariette

Après quelques courts-métrages au ton joliment décalé, puis un premier long, Tristesse Club (2014), Vincent Mariette s’aventure dans le film de genre avec Les Fauves. Le cinéaste français n’y plonge pas la tête la première, préférant une approche plus nuancée, à la lisière du fantastique, de l’horreur et du teen-movie. Au-delà du slasher auquel le film peut faire penser dans un premier temps, Les Fauves s’oriente plutôt vers le conte fantastique hanté par les motifs de la croyance et du désir.
Un camping au beau milieu de la Dordogne, la menace d’une panthère, des disparitions, des adolescents qui se cherchent… Le décor est planté. Entre amourettes et questionnements adolescents, le mystère s’épaissit autour d’une galerie de personnages tous plus étranges les uns que les autres.

Questionner les mythes

A la manière de la série Les Revenants de Fabrice Gobert, Vincent Mariette dépeint un univers réaliste où le décalage vers le surnaturel opère par petites touches. Dans sa première partie, le film multiplie les clichés du teen-movie et du film d’horreur pour finalement mieux les contourner. C’est en tout cas l’intention que l’on devine. Pour cela, il incorpore des motifs d’étrangeté, faisant un pas de côté vers le trouble et l’ambiguïté. L’onirisme n’est pas loin… Et l’on en vient à se demander si ce qui nous est montré n’est pas la projection mentale de l’esprit du personnage principal, Laura, brillamment interprété par Lily-Rose Depp, dont la beauté diaphane fait ici merveille. La jeune héroïne est de toute évidence la grande réussite des Fauves. Laura s’ennuie dans sa condition d’adolescente, se sent en marge, à l’écart des autres, comme inadaptée aux réalités du quotidien, un état de spleen qui se révèle d’autant plus dans son envie d’explorer la fiction, par les écrits de l’écrivain Paul (Laurent Lafitte), dont elle va chercher à percer l’univers et intégrer l’intimité. Son regard biaisé sur la réalité, ses aspirations d’adolescentes qui se cherche (socialement, sexuellement) influeraient alors sur la représentation des personnages, que ce soit Paul qu’elle idéalise et rend mystérieux, ou la policière (Camille Cottin), qui ne répond pas aux codes attendus. Par l’intermédiaire de Laura, le réalisateur cherche à embrasser les croyances et à questionner les mythes qui s’opposent à la triste réalité du quotidien, et par la même, inscrire de la fiction dans le réel.

Oui, mais bon…

Cette note d’intention passionnante, Vincent Mariette la traduit à l’écran avec plus ou moins de réussite/pertinence. En détricotant les codes des genres qu’il frôle, le cinéaste donne une vraie personnalité à son film, mais peine dans le même temps à concrétiser ses ambitions, même si l’on retient volontiers quelques très beaux plans aux éclairages contrastés pouvant évoquer la plastique de La Féline de Paul Schrader (1982). L’interprétation n’est pas non plus toujours au niveau des ambitions thématiques du film, et le tempo, volontairement languissant, multipliant les dialogues, ne trouve jamais réellement son rythme, ni son équilibre. Et cette façon d’aborder le fantastique, d’évoquer une menace sans, au final, proposer une réponse en adéquation avec l’appât scénaristique que le réalisateur et auteur du film tend au nez du spectateur, laisse un goût mitigé en bouche. Celui d’une proposition volontaire et ambitieuse, mais dont la forme et la structure ne sont pas tout à fait maîtrisées. Une semi-réussite, ou un semi-échec. C’est selon… Mais un cinéaste à suivre assurément.


LES FAUVES
Vincent Mariette (France – 2018)

Genre Drame fantastique – Interprétation Lily-Rose Depp, Laurent Lafitte, Camille Cottin, Aloïse Sauvage, Baya Kasmi… – Musique Sacha Galperine et Evgueni – Durée 83 minutes. Distribué par Diaphana Edition VideoPage Facebook (en DVD et VOD le 2 juillet 2019).

L’histoire : C’est l’été, dans un camping en Dordogne, des jeunes gens disparaissent. Les rumeurs les plus folles circulent, on parle d’une panthère qui rôde… Un sentiment de danger permanent au cœur duquel s’épanouit Laura, 17 ans. La rencontre avec Paul, un écrivain aussi attirant qu’inquiétant, la bouleverse. Une relation ambiguë se noue. Jusqu’à ce qu’un prétendant de Laura disparaisse à son tour et qu’une étrange policière entre dans la danse…


Chronique réalisée en partenariat avec le site Cinétrafic qui propose le cinéma de l’an dernier avec du fantastique dedans et tous les films 2019.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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