[Be Kind Rewind] UN JUSTICIER DANS LA VILLE 1 et 2 de Michael Winner (1974/1982)


Parangon du Vigilante Movie, Un Justicier dans la ville (et ses suites) a fait couler beaucoup d’encre… Illustrant le passage à l’auto-défense de son personnage principal, le film de Michael Winner a été largement attaqué sur la moralité supposée douteuse portée par le propos du cinéaste. Une accusation qu’il est plus raisonnable de nuancer…
Quatrième collaboration entre le réalisateur britannique Michael Winner (West 11, La Sentinelle des maudits) et la star Charles Bronson (après La Colline de la terreur, Le Flingueur, 1972 et Le Cercle noir, 1973), Un Justicier dans la ville est la libre adaptation d’un roman de Brian Garfield (Death Wish), décrivant la lente descente aux enfers d’un architecte après l’assassinat de sa femme et l’agression de sa fille. Ne pouvant compter sur la justice et les forces de l’ordre pour retrouver les assassins, Paul Kersey ne voit d’autre solution que de se faire justice lui-même en allant dessouder les voyous dans les bas-fonds de New York. Filmé dans un style classique, froid et plutôt réaliste, Un Justicier dans la ville apparaît être plus qu’un film de vengeance (qu’il n’est pas réellement d’ailleurs), un véritable western urbain, où le héros sombre peu à peu dans la folie au contact du crime et de la violence. En cela, et malgré les polémiques qu’il a suscité à sa sortie, Death Wish se révèle être un film plus intelligent et moins premier degré qu’il n’apparaissait à l’époque. Décrivant une société gangrenée par l’usage des armes à feu, où la défense du profit et l’égoïsme se sont élevés en valeurs de premier plan, le film laisse entrevoir les apparats d’une critique féroce contre une société capitaliste qui n’est pas capable de protéger ses citoyens. D’un scénario simple et basique, Michael Winner (dont le regard de cinéaste britannique, extérieur aux USA, est à prendre en compte) conçoit un film présentant des thématiques sociales très ancrées dans les 70’s et qui n’ont fait qu’empirer par la suite, anticipant dans les grandes largeurs notre époque actuelle. Le film peut être vu comme une esquisse de ce qu’est en train de devenir l’Amérique.
Pourtant, contrairement à ce qui lui a été reproché, le réalisateur ne prend pas position pour son personnage. Winner ne joue jamais en faveur de l’autodéfense et s’intéresse plutôt à la progressive déshumanisation de Paul Kersey (il devient de plus en plus malade à mesure que ses sorties nocturnes s’achèvent en bain de sang), ancien objecteur de conscience, évoluant dans un milieu aisé et aveuglé par son statut de privilégié, se retrouvant confronté à une situation qu’il ne va pas savoir affronter, devenant progressivement une machine. Peu à peu, le personnage semble sombrer dans la folie, déambulant dans les rues, le métro, allant jusqu’à provoquer les agressions pour mieux dessouder les voyous. On peut même y voir la croisade d’un mort en sursis, anéanti par la perte de ses proches, qui va n’avoir de cesse de chercher à en finir avec la vie.

I’m The Law !

Succès phénoménal inattendu, Un Justicier dans la ville a également changé la carrière de Charles Bronson, le plaçant au sommet d’Hollywood. Il va pourtant falloir attendre une dizaine d’années avant qu’une suite soit mise en chantier. Toujours dirigée par Michael Winner, ce second opus déménage à Los Angeles, où Paul Kersey constate que la criminalité n’est pas moins forte qu’à New York. Cette séquelle se présente à première vue comme un remake de l’opus original, puisque Kersey, qui s’est rangé de ses expéditions punitives, voit sa vie basculer à nouveau suite à l’irruption à son domicile d’une bande de voyous qui l’agressent, tuent sa domestique et enlèvent sa fille. Il n’en faut pas plus pour que ses instincts de justicier rejaillissent. A ceci près, et c’est l’une des grandes différences avec Death Wish premier du nom, que le personnage va cette fois-ci traquer directement les cinq malfrats afin de les dessouder. En cela, ce deuxième épisode se rapproche davantage d’un film de vengeance à proprement parler, puisque le justicier aux bords de la folie qui s’attaquait au phénomène général de la criminalité d’hier laisse ici sa place à un homme conscient de ses actes, calculateur, ciblant ses proies. Presque décontracté. Un second opus qui se rapproche également du film d’action, tout en jouant à fond la carte de la surenchère. Ainsi, la scène de viol qui ouvre le film et renvoie à celle de 1974, est plus longue, plus détaillée et plus complaisante, les meurtres se révèlent plus nombreux, et les affrontements plus découpés et dénués de tout réalisme (la palme revenant à l’invraisemblable plan pour pénétrer dans l’hôpital et dessouder le dernier malfrat). Ajouté à cela une mise en image peut-être plus carrée et soignée que le précédent, Un Justicier dans la ville 2 se rapproche dès lors très nettement de la série B d’action, mais ce qu’il gagne en efficacité, le film le perd en crédibilité (le retour du flic du précédent qui se sacrifie) et en intérêt. L’auscultation quasi clinique du cas de son héros dans le premier opus paraît bien loin… Winner se montrant plus complaisant dans sa représentation de la violence en l’amenant sur le terrain du divertissement pur jus.
Après un nouveau gros carton au box-office, la série continuera son bonhomme de chemin avec des suites sombrant dans la caricature la plus totale : Le Justicier de New York, toujours par Michael Winner (1985), Le Justicier braque les dealers de Jack Lee Thompson (1987), Le Justicier : L’Ultime combat d’Allan A. Goldstein (1994). A noter que James Wan a signé en 2007 une excellente adaptation de Death Sentence de Brian Garfield et qu’Eli Roth a, quant à lui, réalisé un remake de Death Wish en 2018 avec Bruce Willis.
Un Justicier dans la ville
Un Justicier dans la ville 2

UN JUSTICIER DANS LA VILLE 1 et 2 Michael Winner (USA – 1974/1982) |
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Genre Thriller – Avec Charles Bronson, Vincent Gardiena, Hope Lange, Jill Ireland, Tony Franciosa, J.D. Cannon… – Musique Herbie Hancock et Jimmy Page – Durée 93 et 89 minutes. Distribué par Sidonis Calysta (26 octobre 2019). Synopsis : Quand il apprend la mort de sa femme, battue à mort, et le viol de sa fille, traumatisée à vie, l’architecte Paul Kersey contient sa douleur, sa colère. S’il se réfugie d’abord dans le travail, le revolver que lui offre un client texan décide de son destin. Armé, de plus en plus sûr de ses gestes, Kersey erre la nuit dans les quartiers les plus malfamés de New York, abattant tous ceux qui constituent une menace pour lui et la société… Cinq ans après avoir nettoyé les rues de New York de sa faune la moins fréquentable, Paul Kersey mène une existence paisible à Los Angeles, auprès d’une nouvelle compagne, une journaliste. Mais, à nouveau, le destin le frappe de plein fouet. Enlevée et violée par une bande de voyous, sa fille se suicide. Accablé, il retrouve un à un ses agresseurs et, de sang froid, leur applique le châtiment suprême. |
Les éditions Blu-Ray de SIDONIS CALYSTA

Technique
Gros travail de restauration sur les deux films proposés par Sidonis Calysta, avec une image à tomber par terre. D’une définition pointilleuse, particulièrement riche en détails, dotée de couleurs et de teintes tranchées, surtout dans le deuxième opus, de contrastes impeccables et d’un grain appréciable, cette édition du diptyque Un Justicier dans la ville permet tout simplement de redécouvrir les films sous un jour nouveau, pour tous ceux/celles ayant découvert les films dans de médiocres VHS ou à la télévision. Simplement magnifique !
Les deux films sont proposés avec chacun deux pistes en anglais et français DTS Master HD 2.0. Les deux versions originales sont d’excellente tenue et largement préférables, d’autant qu’elles proposent une enveloppe sonore plus ample et équilibrée que leurs homologues françaises. A noter que le premier film s’en sort mieux dans la langue de Molière, alors que la séquelle manque clairement de dynamisme et de clarté.
Interactivité
Le combo DVD/Blu-ray/digibook du premier opus propose dans un premier temps un livret Les justiciers dans la ville rédigé par l’inévitable Marc Toullec (que nous n’avons pu consulter). Pas grave néanmoins, car l’interactivité se révèle riche avec une présentation du film très inspirée de François Guérif, qui défend la position critiquée de Winner à la sortie du film, tout en pointant du doigt les zones flirtant avec la morale.
Autre morceau de choix, un très beau documentaire d’une quarantaine de minutes « Bronson un héros populaire » qui revient sur la vie de l’acteur, son enfance (témoignages d’amis de l’époque à l’appui), son engagement dans la Seconde Guerre mondiale, ses premiers pas dans le milieu artistique (peintre, puis comédien), ses premiers rôles jusqu’à la consécration des Sept mercenaires, avant une carrière en Europe, sa participation inoubliable à Il était une fois dans l’Ouest après avoir refusé la trilogie du dollars de Sergio Leone. On y découvre surtout un homme timide et renfermé, voire bouleversant dans sa relation avec sa femme, la comédienne Jill Ireland, décédée prématurément.
Pour le second opus, l’éditeur propose un supplément d’époque (qualité d’image très médiocre) dévoilant des images du tournage, pris sur le vif, avec interventions du réalisateur et de Jill Ireland. Mais le morceau de choix de l’interactivité est la présence d’un documentaire analytique réalisé par Rob Agert “Zéro Tolérance censure et autres critiques des films « vigilante »” qui revient en détail sur l’accueil véhément de la critique face au film. Dans des images d’archives télévisées, on y voit Michael Winner faire face à des critiques qui l’accusent d’irresponsabilité. Le document est totalement acquis à la cause du film, puisque Rob Agert y clame son amour pour cette suite (qu’il considère meilleure que le premier) et le défend en évoquant une oeuvre à la fois populaire, dotée d’une véritable valeur sociale et artistique. En cela, il analyse plusieurs séquences afin de démontrer l’approche artistique du réalisateur, la précision de sa mise en scène et démonte surtout les critiques acerbes de ses détracteurs. Des anecdotes intéressantes, mais on ne pourra pas s’empêcher d’y voir une charge anti-critiques quelque peu vaine et lourdingue à la longue.
J’applaudis ton texte des deux paluches !
Car le « Death Wish » inaugural, l’un des meilleurs polars américains des 70’s, n’a rien à voir avec le brûlot « fasciste » que des critiques paresseuses ont bien voulu nous vendre. Le traitement du personnage de Kersey est passionnant de bout en bout. Tu soulignes à merveille toute la complexité de cet homme ordinaire et brisé, plutôt pacifiste au départ mais rendu fou par le chaos ambiant…
La suite n’en a nullement la profondeur et la subtilité, mais demeure sacrément jouissive, surtout pour les nostalgiques de l’exploitation décomplexée de la mythique Cannon. Un film à réhabiliter, tout comme le comic style « Le Justicier de New York », un morceau de bravoure ultra fun et monstrueux (souviens-toi de l’affiche !). Même si là, on s’éloigne encore plus de l’original…
D’ailleurs, ce troisième opus est également prévu chez Sidonis. Ce qui, au passage, est aussi le cas d’un autre Bronson : le magnifique « Bagarreur » de Walter Hill…
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Je crois qu’on est bien d’accord ! 😉 et pour Death Wish 3, Charlie et sa grosse pétoire… Qu’est-ce que j’ai pu user cette VHS. Mais je crains de le revoir… Par ailleurs, Sidonis sort également Le Cercle noir, un bon petit polar « bronsonien » de Winner datant de 73, et Le Messager de la mort… beaucoup moins fréquentable…
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T’en fais pas, « Le Justicier de New York » se bonifie avec le temps ! Difficile de retrouver une folie équivalente dans le cinoche actuel… Oui, « Le Cercle Noir » est pas mal du tout, c’est un peu le « Dirty Harry » du duo Bronson/Winner. Rien à voir, effectivement, avec « Le Messager de la Mort ». J’ai le souvenir d’un thriller très mollasson… Un souhait pour finir : « L’Enfer de la Violence », enfin en blu-ray !
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