[Be Kind Rewind] UNE CRÉATURE DE RÊVE de John Hughes (1985)
Phantsam

Une Créature de rêve est le troisième film écrit et réalisé par John Hughes en 1985, véritable triomphe au box office, et surtout film culte de toute une génération. John Hughes a marqué le cinéma américain des années 80, par ses comédies adolescentes aussi drôles, décalées que sensibles et tapant droit dans le mille. Le cinéaste et scénariste américain, qui a toujours su conserver sa vision, bouclant des projets aux budgets peu conséquents, est même parvenu à développer une véritable signature cinématographique, ce qui n’est pas donné à tous les réalisateurs, infusant encore aujourd’hui, près de quarante ans après ses premières œuvres, la comédie américaine. La carrière de John Hughes semble avoir été conçue pour correspondre au terme “culte”, avec des films aussi marquants que The Breakfast Club (1985), La Folle Journée de Ferris Bueller (1986) ou Un Ticket pour deux (1987) qui ont littéralement traversé les générations. Avec Une Créature de rêve en 1985, John Hughes ne se désavoue pas, au contraire, mais passe son univers au tamis de la science-fiction, avec l’idée forte de se servir de l’argument fantastique, pour continuer à disserter sur les joies (et les petits tracas) de l’adolescence. Avec Lisa, sa femme virtuelle conçue à la carte et dans leur chambre par Gary et Wyatt, deux adolescents méchamment travaillés par leurs hormones, un peu geeks et surtout très impopulaires, Une Créature de rêve part d’un pur concept de science-fiction, empruntant à La Fiancée de Frankenstein de James Whale, implicitement cité. Le concept du film se veut un véritable fantasme de geek, avec ses écrans d’ordinateurs, ses effets en 3D Filaire, ses scanners magiques… la technologie présentée dans le film, prêtant aujourd’hui à sourire, devait, à l’époque, relever d’un émerveillement sans appel. Après le carton au box office de The Breakfast Club, Hughes peut se permettre toutes les folies visuelles en matière d’effets spéciaux, sans pour autant dénaturer le sujet de son film.

Mary Poppins Trash
Dans Une Créature de Rêve, John Hughes déploie parallèlement ses obsessions et son regard aiguisé sur l’adolescence, ses questionnements inhérents sur la jeunesse, les relations délicates avec les filles, qui ne le sont pas moins avec la famille (le jeunot Bill Paxton en grand frère militaire et abruti), et met surtout en évidence le rapport à la popularité, ainsi que l’image renvoyée aux autres, thématiques partagées autant par les ados opprimés, que par les grandes gueules du lycée (dont un Robert Downey Jr en période pré-addictions). On retrouve également une féroce critique du système américain de l’époque (guerre du Viet-Nam, Guerre froide, société de consommation… tout y passe), avec une véritable liberté de ton, qui aujourd’hui fait rêver, que l’on retrouve dans le langage fleuri de ses jeunes héros, les situations dans lesquelles ils se retrouvent plongés : gallocher une femme plus âgé, fréquenter un club pour adultes en tirant sur de gros barreaux de chaises… et surtout une grande fête intervenant à la moitié du film, sorte de revanche des deux héros, qui se transforme en épisode de grand n’importe quoi version XXL. Faisant surgir un missile nucléaire du sol de la maison, créant une tempête envoyant valdinguer filles en sous-vêtements et mobilier à travers la cheminée (!), faisant intervenir des mutants à moto (!!) dans le salon, ou transformant Bill Paxton en espèce d’étron géant, Une Créature de Rêve ne recule devant aucun défi, ni aucun délire, preuve de sa folie douce. Une liberté de ton et de contenu pourtant jamais gratuite, convergeant vers la conclusion que John Hughes souhaite donner à son film : permettre à ses héros de s’émanciper, trouver la confiance en eux, se prendre en main pour, au final, devenir de jeunes adultes. Deux ados interprétés par le duo Ilan Mitchell-Smith et Anthony Michael Hall, ce-dernier, fidèle des films de Hughes, bouffant littéralement l’écran. C’est le mannequin Kelly LeBrock qui donne brillamment corps (!!!) à Lisa, avant de repartir, telle une Mary Poppins trash, satisfaite du travail accompli. Elle reviendra néanmoins dans les années 90, tout comme Wyatt et Gary, mais dans une série télévisée cette fois, Code Lisa, sans que les comédiens, ni John Hughes ne soient impliqués dans le show. Qu’importe, Une Créature de rêve se suffit à lui-même, il a fait souffler un vent d’indépendance débridée sur le cinéma américain et n’a rien perdu de son statut de film culte…
UNE CREATURE DE REVE. De John Hughes (USA – 1985).
Genre : Comédie/Science-fiction. Scénario : John Hughes. Interprétation : Anthony Michael Hall, Kelly LeBrock, Ilan Mitchell-Smith, Bill Paxton, Suzanne Snyder, Judie Aronson, Robert Downey Jr… Musique : Ira Newborn. Durée : 91 minutes. Distribué par ESC Editions (1er juillet 2020).
L’édition DVD d’ESC Editions

TECHNIQUE. L’image du DVD n’est pas d’un niveau HD, mais s’en affranchit de très belle manière avec un rendu au grain cinéma bien présent qui permet de revoir le film dans d’excellentes conditions. Pas de défauts notables à relever, le piqué est bon, la luminosité également, faisant ressortir les couleurs vives, et les contrastes sont d’excellente tenue.
Deux pistes sonores en anglais, deux en français, à chaque fois, le choix du 5.1 ou 2.0 est proposé. Il n’y a qu’à piocher. Evidemment, le Dolby Digital 5.1 est plus pêchu, mieux équilibré et plus ample. il est donc naturellement à préférer.
INTERACTIVITE. Dans le seul réel bonus d’envergure présent sur cette édition, le journaliste et scénariste Christophe Foltzer (Écran Large) revient dans un premier temps sur la carrière de John Hughes, décrivant l’indéniable importance de son œuvre, avant de se pencher plus précisément sur Une Créature de rêve, avec anecdotes et analyses pertinentes à l’appui. De quoi découvrir le travail et l’univers de John Hughes de la plus parfaite des manières. Passionnant.
Par ailleurs, des bandes annonces et spots de l’époque, donc en qualité VHS médiocre, complètent les bonus. Anecdotique mais toujours sympa à découvrir.
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