[Critique] SCREAM de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett
A Bout de souffle...


Dix ans après l’épilogue du quatrième chapitre, la saga Scream revient sur les écrans pour un cinquième volet, qu’on n’attendait pas vraiment, mais dont la mise en chantier ne surprend pas outre mesure, histoire de souffler les 25 bougies de l’épisode original, et surtout afin de profiter de la vague actuelle de franchises ressuscitées ces derniers mois. Des œuvres marquantes des années 80/90 gaillardement déterrées pour une gigantesque opération de recyclage : Halloween, SOS Fantômes, Matrix pour ne citer qu’eux, et pour des réussites au final bien souvent inversement proportionnelles aux ambitions artistiques affichées par ces triomphes d’hier se rêvant succès d’aujourd’hui. Bref… Ghostface, Sydney Prescott, Gail Weaters and co sont donc de retour avec ce nouveau Scream, dont la réalisation est confiée aux duettistes Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (Wedding Nightmare) en lieu et place du défunt Wes Craven (le film lui est dédié). D’entrée de jeu, la question de la pertinence d’une telle entreprise (autre que pécunière) se pose plus que jamais. Et n’y allons pas par quatre chemins : cette quatrième suite constitue à la fois ce qui se fait de pire dans la saga (la série mise de côté), mais aussi la confirmation d’une certaine forme de renoncement de la part des studios et enfin un constat d’échec saisissant sur l’impasse dans laquelle se trouve la série. Ce cinquième Scream est d’une faiblesse totale, autant dans le fond que dans la forme, proposant un niveau de qualité médiocre à tous les étages. A la fois suite, remake et reboot (on ne sait plus très bien), le film est coscénarisé par le duo James Vanderbilt (attention au grand écart fulgurant entre Zodiac de Fincher, Basic de McTiernan d’un côté et les purges White House Down, Independance Day : Resurgence de l’autre) et Guy Busick (la série Castle Rock) avec l’intervention très lointaine de Kevin Williamson, créateur de la saga Scream.


A côté de la plaque
Cette nouvelle version est en fait un retour aux sources, puisqu’on y retrouve la même construction que le premier opus, avec des scènes parfois similaires et les mêmes lieux revisités. Le film s’ouvre ainsi sur une séquence répliquant la tétanisante et célèbre scène ou Drew Barrymore se fait assassiner, en jouant plus ou moins subtilement sur les attentes du spectateur. Une approche de mise en parallèle qui se déclinera tout au long du film. Mais la comparaison fait mal à ce Scream 2022. Prendre de la hauteur et déconstruire un genre est un exercice à l’équilibre difficile que l’original (et les deux suivants à un niveau moindre) avait brillamment relevé grâce à une mise en scène et un ton adéquats. Scream version 2022 échoue à raccrocher les wagons et à donner un semblant de consistance à ce qui, au final, constitue une vague resucée du premier opus, dont les aspects slasher/méta auraient été poussés à fond, sans donner l’impression que ses auteurs comprennent réellement l’objet de l’opération. Car ce qui fonctionnait dans le Scream inaugural de 1996, à savoir un astucieux cocktail entre le slasher, le concept de mise en abyme agrémenté d’une réflexion sur les règles du genre énoncées par les personnages eux-mêmes, apparaissait à l’époque comme un exercice novateur et rafraichissant. Aujourd’hui, le méta est devenu un effet de mode pour scénaristes feignants et opportunistes et se trouve utilisé ici comme un argument appuyé au forceps. Alors qu’ils étaient particulièrement attendus sur le sujet, les auteurs ne proposent strictement rien de neuf, si ce n’est une vague et superficielle mise à jour du concept de la saga, intégrant tout un pan du cinéma horrifique de ces dernières années, citant avec une pointe de dédain des films horrifiques catégorisés « Elevated Genre », de Mister Babadook (Jennifer Kent) à Jordan Peel. Ce nouveau Scream finit par s’emmêler les pinceaux dans sa tentative d’analyse du genre, complexifiant inutilement son intrigue, les motivations des uns et des autres devenant rapidement indigeste et incompréhensible. Un commentaire sur l’évolution du cinéma d’horreur absolument pas à la hauteur des attentes, et qui parvient, cerise sur le gâteau, à proposer un positionnement idéologique encore plus tendancieux. Le film surfe sur cette désagréable tendance actuelle qu’ont les studios de caresser les fans dans le sens du poil, les plaçant sur un piédestal, flattant leur toute puissance en se basant sur leurs attentes pour modeler le film selon leurs désidératas, ce qui correspond à la logique nauséabonde actuellement développée par les studios (Marvel en tête). Une absence de prise de risque agaçante, motivée par le désir de concevoir un produit de consommation standard et surtout pas susceptible d’ébranler le confort du fan. [ATTENTION SPOILERS : une approche opportuniste et cynique qui se retrouve jusque dans la justification des deux tueurs, deux fans effarouchés de la saga Stab qui refusent que leur série de films préférée dérive et décide de la corriger eux-mêmes en proposant leur propre version – FIN DU SPOILER].


Une équation insoluble…
Mais Scream 2022 est-il au moins un bon slasher ? Même pas. En termes de mise en scène, les premiers opus impressionnaient par leur maîtrise de l’espace et la gestion de la tension. Le propos méta infusait et dictait la réalisation de Craven, lui permettant d’illustrer brillamment le concept du film dans le film, ce qui n’est jamais le cas ici, les deux réalisateurs peinent à gérer un suspense bien souvent artificiel et vain, avec des effets répétitifs, étirées, parvenant à désamorcer leurs propres jump-scares (ces artifices des portes ouvertes obstruant le cadre puis refermées sans qu’aucun tueur ne surgisse usées jusqu’à la corde). Tout juste pourra-t-on lui accorder des effets particulièrement graphiques violents et gores, Scream 2022 empile ses scènes-chocs entre deux tunnels dialogués autour de la culpabilité potentielle des uns et des autres. Une narration mécanique et sans surprise au final. Clairement, la mythologie Scream aurait mieux fait de rester endormie, plutôt que d’offrir une résurrection aussi affligeante, pointant d’ailleurs les limites de la saga et de son concept de base. Naviguer entre tradition du slasher post-moderne, tout en poursuivant et adaptant le discours méta du genre tel que la saga l’avait initié, sans faire dans la redite mais en gardant suffisamment de confort pour que le spectateur s’y retrouve : telle est l’équation à bien trop d’inconnues de ce nouveau chapitre qui tombe dans l’ensemble des pièges qu’il s’est lui-même tendu. Invraisemblable, incompréhensible, inconsistant et d’une vacuité abyssale, Scream cinquième du nom fait mal à la franchise et au cinéma d’horreur dans son ensemble.
SCREAM. De Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (USA – 2022).
Genre : Horreur/Slasher. Scénario : James Vanderbilt et Guy Busick. Interprétation : Melissa Barrera, Jenna Ortega, David Arquette, Neve Campbell, Courteney Cox, Jack Quaid… Musique : Brian Tyler. Durée : 114 minutes. Distribué par Paramount Pictures (12 janvier 2022).
Ah merde… la bande annonce était pourtant alléchante en montrant la manière dont les nouvelles technologies, la domotique, etc… pouvaient venir « pimenter » la sauce…
Bon, bah… le SCRE4M était déjà pour moi le Scream de trop et la série avait montré qu’on pouvait même tomber plus bas… je n’imaginais qu’il y avait encore un étage en dessous de tout ça…
Je me contenterai de pirater celui-là quand il tombera par pure curiosité.
Et de revoir Scream 1 avec un plaisir chaque fois renouvelé
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Ce nouveau Scream concentre tout ce que je déteste dans le cinéma actuel, et particulièrement dans le ciné de genre. Mais fais-toi ton avis 😉
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C’est mon intention mais je suis rarement en désaccord avec toi sur ce genre de films…
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