[Be Kind Rewind] FRISSONS D’HORREUR d’Armando Crispino (1975)

Alerte Canicule !

Lorsque Frissons d’horreur débarque sur les écrans en 1975, le giallo arrive en bout de course et entame une lente décrépitude qualitative. Le genre, dont Mario Bava et Dario Argento ont apporté les lettres de noblesse, aura encore quelques quelques pépites et monuments à offrir (Les Frissons de l’angoisse de Dario Argento, Le Venin de la peur de Lucio Fulci, La Maison aux fenêtres qui rient de Pupi Avati), mais le meilleur est clairement derrière et le thriller italien commence à sérieusement tirer la langue. Largement essoré, désormais représenté par de pâles démarcations et copies sans grand intérêt, le giallo doit se réinventer, ce que comprend fort bien le réalisateur Armando Crispino, cinéaste italien à la carrière plutôt brève et marquée par quelques comédies érotiques. Avec ce nouveau projet, trois ans après un premier thriller Overtime (1972), le réalisateur affiche des velléités cinématographiques dépassant le simple exercice de reproduction d’une formule à succès. Egalement auteur du scénario de Frissons d’horreur, au côté de Lucio Battistrada, il joue volontiers des codes et attentes du genre tout en s’octroyant la possibilité de développer des pistes narratives audacieuses, sortant son film des sentiers battus. Frissons d’horreur (Macchie solari en VO, littéralement Tâches solaires) s’inscrit d’ailleurs dans la lignée des giallos solaires et lumineux, où l’horreur frappe en plein jour.

Too hot to live…

Comme tout bon giallo qui se respecte, Frissons d’horreur s’attache à décrire une série de morts intervenant dans la ville de Rome. Des disparitions qui seraient, à première vue, des suicides. Crispino et Battistrada s’appuient sur un constat étonnant et réel pour bâtir leur intrigue : le nombre conséquent de suicides à Rome au mois d’août, consécutifs aux effets étranges provoqués par la chaleur et du soleil. L’ouverture du film illustre d’ailleurs cette hypothèse en dévoilant une vague de mises à mort, intervenant toutes sous un soleil écrasant. Une orientation maline afin d’attirer l’attention du spectateur vers cette cause quasi surnaturelle, à grand renfort d’images de l’astre solaire en fusion, comme pour mieux lier leur influence sur les actes commis. Une drôle d’entrée en matière, qui offre déjà une proposition peu banale à l’amateur de giallo, qui désarçonne et surprend jusqu’au personnage principal interprété par Mimsy Farmer (Le Parfum de la Dame en noir, La Traque). Simona est une jeune légiste officiant dans une morgue rapidement débordée par l’accumulation de corps. Mais elle présente également de sérieux troubles psychologiques, confrontée à des visions pour le moins étranges associant sexe et mort. Crispino joue de la désorientation de son héroïne, tout en plongeant en parallèle le spectateur dans un véritable labyrinthe mental. Frissons d’horreur baigne dans une atmosphère putride, liant sexe et morbidité, les deux étant intimement liés. Simona affiche de gros problèmes avec l’acte sexuel, ses relations avec son père sont pour le moins tendancieuses. Les désirs charnels contrariés de la jeune femme se heurtent à des représentations graphiques brutales de la mort (les photographies de cadavres exposées, le musée de cire), créant une atmosphère malsaine qui reste le principal atout de ce giallo à la coloration très particulière, qui n’oublie pas de greffer une intrigue policière plus classique autour de ces obsessions déviantes. Frissons d’horreur déploie progressivement sa toile, multipliant les suspects potentiels (dont l’héroïne elle-même) et les fausses pistes, pour un giallo moins marquant pour ses meurtres que par son atmosphère poisseuse assez unique. Le signe d’une œuvre qui interpelle.

Note : 3.5 sur 5.

FRISSONS D’HORREUR (Macchie solari). D’Armando Crispino (Italie – 1975).
Genre : Giallo. Scénario : Lucio Battistrada et Armando Crispino. Interprétation : Mimsy Farmer, Barry Primus, Ray Lovelock, Carlo Cataneo, Angela Goodwin, Gaby Wagner, Massimo Serato… Musique : Ennio Morricone. Durée : 101 minutes. Disponible en Blu-Ray chez Le Chat qui Fume (15 avril 2022).

L’histoire : Rome, années 1970 – La capitale italienne subit un été caniculaire et une vague de suicides inexplicable. Ce climat anxiogène a des effets néfastes sur Simona Sanna, jeune légiste à la morgue. Surmenée, elle commence à être victime d’hallucinations. Dans le même temps, ses rapports avec son petit ami Edgardo Fiorini, photographe, se dégradent. C’est alors qu’elle rencontre Paul Lenox, un prêtre persuadé que sa sœur ne s’est pas suicidée comme on le lui affirme. Simona accepte de l’aider dans ses investigations.


L’édition Blu-ray du Chat qui Fume

TECHNIQUE. Le Blu-ray du Chat qui Fume s’appuie sur une image restaurée offrant un rendu visuel assez exemplaire, à la douce granulation si appréciable et proposant des contrastes bien gérés et une définition remarquable.
Cette édition réunie les doublages italien et français mixés en DTS HD Master Audio 2.0. Le premier s’en sort mieux que le second, avec un rendu globalement très satisfaisant.

Note : 3.5 sur 5.

INTERACTIVITE. Encore une belle proposition d’interactivité autour du film proposée par l’éditeur. A commencer par une intervention de Jean-François Rauger, directeur de la programmation à la Cinémathèque française et grand amateur de giallos, qui évoque la pertinence du film dans un module intitulé « L’autopsie de Frissons d’horreur » (22′). On retrouve également deux segments donnant cette fois la parole à Francesco Crispino, fils du réalisateur du film, qui revient d’un côté sur les différentes versions du scénario (Les dossiers de l’autopsie – 10′), puis sur le film et la carrière de son père (Meurtres au soleil – 38′).

Note : 4 sur 5.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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