[Critique] SPIRITWALKER de Yoon Jae-geun

Volte/Face

Nouveau rejeton du cinéma d’action coréen, Spiritwalker de Yoon Jae-geun marie action, thriller et science-fiction pour un résultat imparfait mais qui dépote furieusement. Un film typique de la production de Corée du Sud.
Bye bye Hollywood et son cinéma de genre phagocyté par la frilosité de producteurs préférant jouer de la photocopieuse javellisée plutôt que de prendre le moindre risque. Le cinéma de divertissement décomplexé de qualité se trouve du côté de la Corée du Sud (voire même du cinéma indien pour les plus aventureux encore). On le sait depuis quelques années maintenant, mais c’est un fait qui se vérifie encore actuellement, jours après jours, films après films. Spiritwalker, second long-métrage du réalisateur et comédien Yoon Jae-geun (Heartbeat, 2010), en est une nouvelle belle illustration. Le film part d’un postulat pour le moins excitant et prometteur : l’esprit d’un homme change de corps toutes les douze heures, sans qu’il sache le pourquoi du comment, si ce n’est qu’il doit esquiver une tripotée d’hommes de mains lancés à ses trousses. Avec son concept nolanien en diable (la prise de tête en moins), Spiritwalker s’avère un très chouette thriller sur la perte d’identité, couplé à un formidable roller-coaster, doté de scènes d’action d’une brutalité inouïe et revigorante, qui plus est remarquablement chorégraphiées. On peut le dire, ce Spiritwalker tabasse bien comme il faut, flatte la rétine à de nombreux moments, bref, fait du bien par où il passe. Cette histoire de voleur de corps malgré lui est d’une efficacité assez notable, tout au moins dans sa première partie, alors que les éléments nébuleux de l’intrigue se mettent en place, que les personnages à priori sans lien apparent se rapprochent, souvent à base de torgnoles, pour finalement dévoiler les tenants et aboutissants de l’intrigue. On ne va pourtant pas survendre une histoire qui cherche un peu trop à gonfler une explication tarabiscotée, dont on se fiche finalement pas mal. 

Oh Bravo !

Car si le film assume clairement son concept de base, on ne peut cacher que la résolution n’est pas à la hauteur. Le film y affiche ses limites lorsqu’il faut commencer à apporter un semblant de réponse aux dingueries exposées jusqu’alors. La légitimité de son postulat science-fictionnel ne vole pas (très) haut et l’intrigue ne constitue au final qu’une classique histoire de ripoux mille fois vue, avec une explication du phénomène de “voyage psychique” pour le moins tirée par les cheveux. Cependant, Yoon Jae-geun a bien compris que l’intérêt de son film réside avant toute autre chose dans ses affrontements musclés et ses scènes d’action redoutables d’efficacité. Et pour cela, le cinéaste a recours à une mise en scène à l’avenant, ne reculant devant aucun effet de caméra virevoltante, marquant ses personnages à la culotte (on songe à l’esthétique vidéoludique et plus particulièrement aux Third Person Shooter), quelques effets visuels nolaniens encore (Inception es-tu là ?) un peu tape-à-l’oeil mais sacrément gourmands. Spiritwalker s’avère une belle surprise, film d’une générosité indéniable qui peut confiner à la naïveté par moments (ces plans innombrables sur les reflets pour ne pas perdre le spectateur et bien lui faire comprendre que le héros a changé de corps), mais d’une efficacité telle qu’on lui pardonne ses quelques errements narratifs (on se fiche un peu beaucoup des motivations des uns et des autres au sein d’une intrigue complexifiée artificiellement) et une durée peut-être un poil exagérée. La seconde partie du film est, en ce sens, un peu moins emballante, jusqu’à un affrontement final qui réveille brutalement comme un shoot d’adrénaline bienvenu.
Shooté avec virtuosité, baignant dans des éclairages signifiants, Spiritwalker affiche une tenue formelle insolente et dispose de suffisamment atouts dans sa manche pour enfoncer sans trop forcer une grosse partie de la production du genre américaine actuelle, avec un savoir-faire incontestable. On ne l’avait pas vu venir, on est finalement bien content de l’avoir découvert !

Note : 3.5 sur 5.

SPIRITWALKER (Yucheitalja). De Yoon Jae-geun (Corée du Sud – 2020).
Genre : Action/Science-fiction. Scénario : Yoon Jae-geun. Interprétation : Yoon Kyesang, Lim Ji-yeon, Park Yong-woo, Allen Chan, Hong Gi-jun, Lee Sung-Wook… Musique : Kang Nene. Durée : 109 minutes. Distribué en vidéo par HK Vidéo (17 novembre 2022).


L’édition Blu-ray de HK Vidéo

TECHNIQUE. HK Vidéo ne s’embarrasse pas de chichi et livre une copie absolument splendide, basée sur une définition chirurgicale, un piqué ultra pointu et des couleurs qui tabassent. Le film brille par ses qualités visuelles (notamment sa superbe photographie) qui sont ici magnifiés. Niveau sonore également, cette édition envoie du lourd, avec deux pistes en DTS-HD Master Audio 5.1, qui mettent à contribution les différents canaux à votre disposition. Ça pétarade sévère et ça le fait dans un souci de spatialisation assez remarquable. Boum Badaboum !

Note : 4.5 sur 5.

INETRACTIVITE. Bon là, en revanche, on est au raz-des-pâquerettes avec un making-of ultra-court que l’on pourrait facilement rebaptiser : “outil-promotionnel-sans-grand-intérêt-où-tout-le-monde-il-est-beau-et-gentil”. S’ajoutent à cela les bande-annonces des sorties actuelles de l’éditeur.

Note : 1.5 sur 5.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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