[Livre] MAD… MA VIE de Jean-Pierre Putters
L'Evangile selon JPP...

J.P.P. Des initiales qui font rêver… Combien de jeunes (et moins jeunes) cinéphiles ont façonné une bonne partie de leur culture cinématographique aux côtés de Jean-Pierre Putters… Créateur du fanzine, puis de la revue dédiée au cinéma fantastique Mad Movies, JPP, c’est une certaine idée du milieu de la presse, une approche particulière du cinéma, une connivence avec le lecteur et une écriture faite de jeux de mots au style inimitable. Fort de 130 numéros de Mad, de plusieurs ouvrages cultes et aujourd’hui épuisés consacrés aux Craignos Monsters et autres Affiches du Ghana, d’une implication dans l’organisation d’un festival du Super 8, de la gestion de la boutique Movies 2 000, d’un investissement dans la production de films (Time Demon, Theatre Bizarre…), JPP c’est un univers que l’homme raconte en tous points dans cette biographie intitulée « Mad… Ma vie », sortie aux éditions Rouge Profond.
Au sein de cet imposant pavé de près de 230 pages, bardé de photos et autres iconographies pas forcément inédites pour l’habitué de la revue, mais toujours pertinentes et amusantes (les légendes sont évidemment « JPPesques » !), Jean-Pierre Putters relate l’aventure Mad Movies et se raconte également, sa trajectoire personnelle étant intimement liée à celle de la revue. La première partie de Mad… Ma vie est consacrée plus étroitement à la vie du petit Jean-Pierre, l’enfance, les déambulations dans les rues parisiennes et les premiers émois cinématographiques dans les petites salles de quartier, aujourd’hui disparues, proposant des double programmes de films d’exploitation… Le service militaire, le premier emploi de pâtissier (aaaaah les macarons de Movies 2 000…), et enfin, la création de Mad Movies. Rien d’extraordinaire dans le cheminement du jeune JPP, si ce n’est le style d’écriture immédiatement reconnaissable de cet amoureux des calembours, contrepèterie et autres jeux de mots de toute sorte. Et c’est avec une délectation sincère que l’on parcourt cette première partie, comme un hors d’oeuvre avant d’entamer le plat principal : la naissance du magazine.

Les invités… et les absents
C’est au sein de sa deuxième moitié, que Mad… Ma vie entre réellement dans le vif du sujet. Comment, à la fin des années 70, un autodidacte trouve le courage de coucher sur des pages tirée en ronéo sa passion du cinéma fantastique, et comment il sue sang et eau pour distribuer le résultat de son labeur. Cette seconde partie de l’ouvrage se découpe ainsi en plusieurs segments. Tout d’abord une entrée de « chapitre » dans laquelle JPP développe un aspect particulier de l’aventure Mad (la technique artisanale des débuts, l’état de la presse cinéma en France, les festivals de cinéma…), avant d’explorer chacun des 130 numéros auxquels il a participé en tant que rédacteur en chef, avant la revente du magasine. Pour chaque exemplaire, JPP rappelle les sujets abordés, les films chroniqués, les interviews réalisées… prenant bien soin de livrer au passage une foultitude d’anecdotes, souvent drôles, toujours intéressantes. Les rédacteurs y sont évidemment conviés : les piliers du début Marc Toullec, Vincent Guignebert, Didier Allouch… mais également ceux ayant participé à l’aventure en cours de route François Cognard, Damien Granger, Fathi Bediar… jusqu’à l’équipe rédactionnelle actuelle Fausto Fasulo, Alexandre Poncet, Laurent Duroche… Tous ont droit à leur tribune, espace de parole leur permettant d’évoquer en quoi Mad a eu une influence déterminante sur leur vie personnelle, rappelant au passage leur place au sein du magazine, en quoi celui-ci a nourri leur parcours de cinéphile et leur amour du cinéma fantastique, etc… Et on remarquera au passage l’absence de certains grands noms du magazine, comme Rafik Djoumi, Stéphane Moïssakis ou encore Arnaud Bordas, qui ont tant apporté à la revue, mais dont le silence est assourdissant et triste au sein de ces pages…

Coquillettes et camping-cars
Evidemment, quand on aime Mad Movies et son illustre créateur, difficile de voir les défauts de l’ouvrage, mais il y en a. Tout d’abord une maquette qui ne met pas toujours bien en valeur les documents visuels. Et puisque l’on parle de la forme, un aspect un peu trop répétitif et mécanique de l’enchaînement des chapitres, un peu routinier et manquant quelque peu de folie, un peu dommageable en regard de la personnalité ouvertement libre et anarchique de son auteur… Quelques coquilles de ci de là parsèment également le livre, mais rien qui ne vienne contrarier la lecture de cet imposant et généreux volume. Un must pour tous les amateurs de cinéma fantastique, pour les curieux désirant découvrir un point de vue à part sur le monde de la presse, pour les adorateurs de Mad Movies évidemment, ou tout simplement pour les fans de son génial créateur. C’est bien simple, Jean-Pierre Putters a une plume tellement jouissive et addictive, qu’il nous vendrait un magazine de camping-cars sans avoir à forcer son talent…
MAD… MA VIE ! De Jean-Pierre Putters.
225 pages. Paru aux éditions Rouge Profond. 29 euros.

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