[Critique] LES YEUX DE JULIA de Guillem Morales
Double vision
Second long-métrage de Guillem Morales après El habitante incierto sorti en 2004, Les Yeux de Julia a été produit sous le haut patronage de Guillermo del Toro et coécrit par Oriol Paulo (réalisateur ensuite du très réussi El Cuerpo). Le projet emboîte le pas de la vague des films fantastiques espagnols de ces dernières années, à grand renfort de personnages mystérieux et fantomatiques, d’êtres chers perdus et d’héroïnes tentant de faire la lumière sur des secrets enfouis, dans la foulée du très réussi L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona, déjà produit par Guillermo del Toro, et qui était un digne représentant de ces bandes fantastiques plutôt bien troussées, mais commençant sérieusement à tourner en rond… En cela, la première qualité du film de Guillem Morales est de donner à croire que l’on est en terrain balisé, ce qui n’est pas faux sous certains aspects, avant de s’en éloigner en bifurquant vers un autre style, moins ibérique : le giallo. Après une première séquence très réussie instillant déjà une angoisse sourde, jouant à merveille sur l’utilisation de la lumière et surtout de l’obscurité, le film perd quelque peu en efficacité tout au long de séquences d’exposition un peu longuettes, et laissant craindre un énième film de fantôme…
L’héritage du giallo
Heureusement, Morales associe donc à son récit une tonalité particulière héritée du giallo. La présence du tueur, son modus operandi ainsi que sa représentation en caméra subjective, apportent un piquant particulier, une hybridation plutôt intéressante. Autre bon point, la mise en scène du cinéaste espagnol, intelligente et pensée en fonction de son sujet, est au service de son histoire et du handicap de son personnage principal. [ATTENTION : Spoilers !] Quand celui-ci perd la vue, le cinéaste place le sa caméra et le spectateur à hauteur de Julia, insistant sur les bruits, la bande-son, et surtout en occultant le visage des personnages évoluant autour d’elle. Un parti-pris osé et d’une efficacité redoutable, puisque le spectateur n’a plus d’avance sur Julia et ressent ce qui arrive à l’écran avec la même angoisse [Fin du SPOILER].
Pourtant, le film n’est pas exempt de défauts. Certaines parties du récit surlignent ce qu’elles veulent faire passer, Morales étend ainsi inutilement certaines scènes, ce qui déséquilibre la narration. De la même manière, certains passages manquent singulièrement d’articulations logiques, à titre d’exemple, quand Julia s’immisce dans l’intimité des vestiaires dans lesquels de jeunes femmes souffrant de cécité parlent de sa soeur, le cinéaste parvient à proposer un moment fort, contrebalancé quelques instants plus tard par une poursuite dans de sombres coursives d’un inconnu que Julia prend pour le tueur. Le raccourci scénaristique ne fonctionne plus, créant un déséquilibre…
Strabisme divergent…
Dernière scorie, la manie de proposer des personnages exprimant leurs sentiments avec tant d’emphase que cela en devient grotesque, une tare déjà constatée dans nombre de productions espagnols. A ce titre, et même si l’interprétation des principaux personnages est plutôt juste, Belén Rueda, belle quinquagénaire espagnole, y est superbement mise en valeur, les scènes de dialogue avec son mari sonnent faux, confinant même à un grotesque infini lors d’une séquence finale tout simplement embarrassante… Le fameux « je vois tout l’univers dans tes yeux… » montre bien que les cinéastes espagnols n’ont aucune limites, et c’est bien dommage… Mais il serait dommage de s’arrêter là dessus, tant Les Yeux de Julia, film inégal, mais projet de cinéma hybride, est constitué de fulgurances passionnantes. Rien que pour cela, le film est hautement recommandable.
LES YEUX DE JULIA
Guillem Morales (Espagne – 2010)
Genre Thriller – Interprétation Belén Rueda, Lluis Homar, Pablo Derqui… – Musique Fernando Velázquez et Gustavo Gini – Durée 120 minutes. Disponible en DVD chez Universal.
L’histoire : Sara, jeune femme souffrant d’un dégénérescence maculaire, est retrouvée pendue chez elle. Sa soeur Julia, qui souffre des même symptômes, ne croit pas au suicide et va tenter de percer le secret des circonstances de la mort de sa soeur, découvrant l’existence d’un compagnon mystérieux…
Greaat read thank you
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Thanks !
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