[Critique] THE LORDS OF SALEM de Rob Zombie
I Put a spell on you...

Tout d’abord, une précision technique. Le cinquième film de Rob Zombie s’est fait attendre… Et cela risque de durer. Prévu pour sortir en 2012, The Lords of Salem n’aura droit dans le meilleur des cas, qu’à une édition en vidéo chez nous autres Français, amateurs de bons films qui filent droit. C’est fort dommage pour les malchanceux qui n’ont pas pu découvrir le film sur grand écran lors des festivals… Bref…
Dire que le projet The Lords of Salem a fait saliver une bonne partie des amateurs de cinéma fantastique est un euphémisme. Rob Zombie n’est pas homme à se laisser dicter sa démarche artistique, ni à reproduire façon carbone ses succès passés. En parallèle d’une carrière musicale bien énervée, il nous pond en 2003 une Maison des 1000 morts, qui revisite le film d’horreur avec une frénésie visuelle jubilatoire. Pour The Devil’s Rejects, c’est vers le road-movie teinté de western que le cinéaste-musicien nous entraîne. Changement de braquet en 2007 puisqu’il s’attaque avec pas mal de culot au cultissime Halloween de John Carpenter pour un brillant remake… ainsi que pour sa suite quelques années plus tard, là encore une démarche de séquelle que l’on n’avait pas vu venir, pour un résultat… honnie par les uns, célébrée par les autres, et en tout cas remarquable du point de vue de l’intégrité artistique. Quand Zombie expose son envie de s’attaquer à un film de sorcellerie, il sort de plusieurs déconvenues liées à des projets inaboutis (un remake de The Blob, Tyrannosaurus Rex) ou des oeuvres n’ayant pas rencontré le succès escompté (le film d’animation The Haunted World Of El Superbeasto). Pas de quoi attaquer sa fibre d’amoureux du cinéma fantastique, puisqu’il réalise une nouvelle fois avec The Lords of Salem, une oeuvre à la fois très différente et pourtant ultra maîtrisée.
Atmosphérique
Le style cinématographique “Rob Zombie” reste insaisissable. Loin des fulgurances visuelles frénétiques de sa Maison des 1000 morts, du pamphlet anarchique et ultra brutal de Devil’s Reject, de la violence psychologique et viscérale de ses Halloween, Zombie propose avec ce nouveau film un pur récit d’ambiance. Atmosphérique au possible, The Lords of Salem décrit le retour d’une confrérie de sorcières autour d’une animatrice de radio, Heidi, jouée par Sheri Moon Zombie, dont le quotidien va peu à peu basculer dans l’horreur alors que la jeune femme reçoit un étrange disque dont les psalmodies lugubres semblent provenir de l’au-delà… Rob Zombie prend son projet à bras le corps, et décide d’employer une mise en scène bien plus feutrée que lors de ses précédentes réalisations. Un récit d’atmosphère, on l’a déjà dit, que Robert Bartleh Cummings (de son vrai nom) entend bien dérouler en soignant ses cadres, à l’aide de lents mouvements d’appareils s’insinuant au sein des couloirs de l’étrange immeuble dans lequel prend place l’essentiel de l’action. Un style qui n’est pas sans rappeler les grands films de la trilogie paranoïaque de Roman Polanski que sont Répulsion, Le Locataire et Rosemary’s Baby. Zombie prend également soin de ménager quelques scènes de frousses, jouant sur les intrusions dans le cadre, une méthode classique, mais toujours efficace lorsqu’elle s’insinue au sein d’une ambiance soignée.
Quête initiatique
C’est une sorte de quête initiatique qui commence pour Heidi, personnage passif qui va subir les attaques psychologiques répétées des sorcières, jusqu’à une dernière partie de film très conceptuelle et surréaliste dans son approche. Un choix artistique que certains pourront reprocher à Zombie, tant la narration, point litigieux d’un film dont le scénario n’évolue que très peu en une heure trois quart de temps, devient nébuleuse et avant tout visuelle alors que le dénouement approche. Avant tout film de la sensation, The Lords of Salem brille d’une mise en scène ambitieuse et assumée et d’une direction d’acteur remarquable. Le retour au premier plan des illustres Bruce Davison (X-Men), Meg Foster (Invasion Los Angeles), Dee Wallace (Hurlements) ou encore Ken Foree (Zombie), loin de jouer les utilités, sert avant tout et brillamment le propos d’un film au casting quatre étoiles. Le tout enrobé une fois encore d’une bande-son superbe et en phase directe avec le projet souhaité par le cinéaste, dominée par les compositions étranges de John 5, acolyte musical de Zombie, et plusieurs morceaux envoûtants, dont le Venus in Furs du Velvet Underground.
Avec ce cinquième film, Rob Zombie s’emploie à développer une nouvelle facette de son identité cinématographique. Et réalise l’un des films les plus hypnotisant de ces dernières années, doté d’une imagerie liée à la sorcellerie qui pourrait bien en faire l’une des œuvres définitives sur le sujet…
THE LORDS OF SALEM. De Rob Zombie (USA – 2012)
Genre : Fantastique. Scénario : Rob Zombie. Interprétation : Sheri Moon Zombie, Bruce Davison, Meg Foster, Ken Foree, Dee Wallace… Musique : John 5 et Griffin Boice. Durée : 101 minutes. Sortie en DVD et Blu-Ray chez Seven Sept.
L’histoire : Alors qu’elle passe un vinyle à l’antenne de la radio pour laquelle elle travaille, Heidi réveille un groupe de sorcières tuées au XVIIème siècle à Salem et ayant juré de revenir se venger…
J’aime bien le film mais je suis loin de partager ton enthousiasme… La dernière demi-heure est franchement bancale et un poil agaçante dans ses inserts clipesques.
Première fois qu’un film de Rob Zombie me déçoit…
J’aimeJ’aime
Je comprends ton agacement pour cette fin de film en mode « trip psychédélique auteurisant »… Mais j’adhère totalement au projet dans son ensemble, et à cette volonté de rendre une copie si sérieuse et aboutie en terme d’ambiance… Et c’est un scandale qu’un tel film ne sorte pas en salles…
J’aimeJ’aime