[Série TV] BLACK MIRROR (Saisons 1 et 2) de Charlie Brooker

BLACK MIRROR

BLACK MIRROR

Relever et mettre en avant l’audace des séries télévisées britanniques devient aujourd’hui aussi évident que de souligner la grande frilosité de leurs homologues françaises. Dans l’histoire de la petite lucarne, des shows comme The Avengers (Chapeau Melon et Bottes de cuir), Docteur Who, Les Sentinelles de l’air ou plus récemment Dead Set et Sherlock, viennent alimenter l’impressionnante liste de créations audacieuses et surtout variées des auteurs anglais pour le petit écran. Loin des poncifs et autres effets de mode (il y en a, évidemment, mais dans une part bien plus faible que dans notre beau pays qui en fait la base même de la plupart de ses créations télévisées, Canal + mis à part), les séries anglaises ont toujours su se renouveler, défricher des terrains peu connus ou loin des idées préconçues, bref, faire don d’une bonne part de culot pour façonner des œuvres explorant tous les genres possibles et imaginables. Et le fantastique, l’horreur et l’anticipation y tiennent heureusement une place prépondérante. Aujourd’hui, une série comme Black Mirror ajoute assez brillamment sa pierre à l’édifice de l’incroyable folie créatrice de nos voisins d’outre-Manche.

BLACK MIRROR

Noir comme l’image

Mais on n’est pas là non plus pour dresser un historique des séries TV anglaises. Black Mirror, qui nous concerne aujourd’hui, est une très courte anthologie d’anticipation composée de trois épisodes d’un peu plus de quarante minutes par saison. Un drôle de format, mais qui convient pour le moment assez bien à l’univers dépeint. Un cadre et une approche au travers desquels les auteurs donnent à voir un avenir proche bien qu’indéfini, une société dans laquelle la technologie aura pris une place importante, si ce n’est prépondérante, dans la vie des citoyens, formatant à leur insu toute leur existence. Le Black Mirror du titre fait allusion à l’écran dans un sens très général. Il est en effet question du pouvoir intrusif grandissant et néfaste de la dépendance des images. Qu’elles alimentent la soif insatiable d’internet, de ses réseaux sociaux et autres sites de partages de vidéos pour faire chanter un premier Ministre… qu’elles donnent l’illusion d’un dépassement de soi et d’un enrichissement par le truchement d’une activité physique à des pantins lobotomisés dans un état semi léthargique en les abreuvant de programmes lénifiants et racoleurs… ou qu’elles révèlent des aspects très détaillés de la vie privée d’un couple grâce à un astucieux concept d’implant rétinien permettant de consulter à loisirs ses propres souvenir, Black Mirror regorge de concepts passionnants.
La grande réussite de la série de Charlie Brooker (dans sa première saison en tout cas), est d’avoir réussi un amalgame parfait entre des concepts futuristes toujours impeccablement retranscris à l’écran grâce à des effets visuels globalement discrets mais d’une efficacité redoutable, et un contexte toujours solidement ancré dans une réalité tangible (une spécialité des meilleures séries anglaises). La réflexion engendrée par chacun des épisodes est continuellement ambitieuse dans son propos, souvent ultra-crédible et toujours passionnante. Le tout alimenté par une enveloppe formelle simple mais inspirée et une interprétation générale à la hauteur (avec des guests sympathiques comme Rupert Everett, Jason Flemyng ou encore Michael Smiley, vu chez Ben Wheatley). On sent que les scénaristes ne reculent devant rien pour faire passer leurs idées à l’écran, ils croient dur comme fer en leurs concepts, et se donnent les moyens de retranscrire à l’image leurs idées les plus conceptuelles et futuristes, sans pour autant bénéficier de budgets démesurés. Pas d’effets spéciaux dans tous les sens, envahissants et superflus, juste quelques SFX assez discrets et toujours « à hauteur d’homme ». A ce titre, l’épisode Quinze millions de mérites (saison 1 épisode 2), qui se veut graphiquement à la fois minimaliste et pourtant ultra technologique avec cet environnement aliénant bardé d’écrans, est représentatif d’un style équilibriste utilisé sur les deux premières saisons.

BLACK MIRROR

Technologie et sentiments

Si le premier épisode L’Hymne National et son récit de chantage à l’image sur fond de discours sur les médias, de propagation de l’info sur les réseaux sociaux, de pouvoir de l’opinion, pourrait se dérouler de nos jours, Arrêt sur image, qui conclut la première saison en apothéose, bascule dans l’anticipation technologique et quasi « cyberpunk » avec son histoire de puce greffée à l’organisme, couplée à un implant rétinien permettant d’accéder aux souvenirs d’une personne. Une technologie employée aux dépens d’un couple qui va se déchirer. Ce segment apparaît comme le meilleur épisode de la série pour le moment. Au final, et à bien y regarder, l’intelligence du show est de faire croire au téléspectateur qu’il va assister à une série malaxant les plus grands thème de l’anticipation, alors que le trait commun des six épisodes déjà diffusés reste de manière assez paradoxale l’être humain. C’est l’homme qui est au centre de tout. Les « artifices » futuristes employés dans Black Mirror ne restent que ce qu’ils sont : des procédés et engins technologiques uniquement destinés à questionner l’humain et ses sentiments. Un défi remporté haut la main à l’issue des trois épisodes de la première saison, qui tutoie l’excellence.
Malheureusement, la deuxième livraison ne renouvelle pas totalement la gageure. Basée sur des concepts toujours forts (l’humain reconstitué en synthétique après la mort – Bientôt de retour, une chasse à l’homme sur fond de télé-réalité – La Chasse et la vampirisation d’un personnage aussi artificiel que médiatique – Le show de Waldo), la saison 2 peine pourtant à retrouver l’efficacité et la pertinence de la précédente. Et cela, en dépit d’une interprétation toujours solide, et d’une foi apparemment inébranlable dans l’entreprise. Un aspect essentiel qui renforce malgré tout la sympathie et le respect que l’on peut avoir pour cette série passionnante qu’est Black Mirror (en attendant la saison 3). Sont forts ces Rosbifs !…


BLACK MIRROR
Charlie Brooker (Royaume-Uni – 2011)

Saison 1 :                       Saison 2 : 

Note : 4.5Note : 3

Genre Anticipation – Interprétation Rory Kinnear, Lindsay Duncan, Daniel Kaluuya, Tobby Kebbell, Jodie Whittaker, Hayley Atwell, Lenora Crichlow, Daniel Rigby… – Musique Martin Phipps, Stuart Earl, Stephen McKeon – Durée 150 et 135 minutes.

L’histoire : Cette série de science-fiction nous plonge dans un monde où les gens doivent créer leur propre énergie pour survivre, porter des implants électroniques, et plus encore. La saison 2 de cette série d’anthologie s’intéresse au sombre parcours d’un accro aux réseaux sociaux, d’une femme participant à une téléréalité « réelle », et bien plus.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

3 Comments on [Série TV] BLACK MIRROR (Saisons 1 et 2) de Charlie Brooker

  1. J’ai justement vu le 1er épisode jeudi passé sur France 4 (une autre blogueur m’ayant prévenu de la diffusion).

    Le 1er épisode n’est pas de la science-fiction en soi, c’est possible actuellement. Ce qui m’a impressionné, c’est que la fin laisse vraiment à réfléchir sur le sens de ce qu’on a vu. Et l’épisode frappe assez juste, par exemple sur le voyeurisme: beaucoup le critiquent, mais tous regardent ce moment « historique ». Au niveau du ton et de ce réalisme, je trouve « Black Mirror » impressionnant. Je suis curieux de voir ce que donnent les prochains épisodes.

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    • Exact. le premier épisode est presque un thriller contemporain, plutôt qu’un récit d’anticipation. C’est une excellente introduction à la série, très intelligemment écrite et jouée. Dès le 2e épisode, tu verras, le côté anticipation est plus présent. Pareil pour le 3e qui reste mon préféré…

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  2. Je ne connaissais pas du tout et je dois dire qu’elle donne très envie. Je suis très curieuse de voir ce que donne cette série. 🙂

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