[Critique] VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES de Luc Besson
Perdu dans l'espace...


Le cinéma de Luc Besson est depuis bien longtemps l’un des plus clivant de la planète cinéphile. Pas de demi-mesure en ce qui le concerne, on adore ou on déteste. Le réalisateur de Lucy a pour lui de ne pas provoquer l’indifférence, de s’attacher la sympathie d’une grande partie du public et de s’attirer les foudres des spectateurs n’appréciant que modérément le dilettantisme scénaristique de la plupart de ses films… Bref… On ne va pas refaire l’histoire, mais force est de constater qu’on ne peut décemment pas attaquer le visionnage de Valérian et la cité des mille planètes sans arrière-pensée. Mais vu qu’on est sérieux, il est normal de tenter de se doter de la neutralité la plus aiguë possible en entrant dans la salle…
Adapté de la bande dessinée de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin, Valérian et la cité des mille planètes est une nouvelle incursion de Besson dans le genre de la science-fiction, longtemps après Le Dernier combat (1983), que beaucoup considèrent (à juste titre) comme son meilleur film, Le cinquième élément (1997), qui s’inspirait déjà notablement du travail de Mézières et Christin, et, dans une moindre mesure, sa trilogie Arthur et les Minimoys (2006/2009/2010) et Lucy (2014). Ici, Besson s’attaque directement aux aventures de Valérian et Laureline, agents spatio-temporels, engagés dans une mission de routine qui prendra peu à peu des atours beaucoup plus importants pour la survie d’un peuple extraterrestre menacé d’extermination. Pour les besoins de son adaptation, Besson scénariste s’inspire du volume L’ambassadeur des ombres (1975) de la BD. Projet pharaonique dans le cadre du cinéma français, avec ses presque 200 millions de budget, le film, intégralement tourné en studio dans l’Hexagone, est clairement un blockbuster de tout premier plan destiné à séduire les publics du monde entier. C’est également un risque financier certain pour EuropaCorp, la société de Besson, qui joue gros sur ce projet. Quelques semaines après sa sortie, Valérian… peine à rattraper sa mise de départ, les résultats au box-office sont loin des espérances, même si le marché chinois reste à conquérir… Toutes ces données contextuelles pour en arriver maintenant au plus important : que vaut le film ?

Dans les vieux pots…
N’y allons pas par quatre chemins : Valérian et la cité des mille planètes est un incommensurable gâchis. Un film-somme qui condense en 140 minutes toutes les qualités du cinéaste Luc Besson et tous ses défauts rédhibitoires. Pourtant, Valérian… débute assez bien, sur les notes du Space Oddity de Bowie, il se permet une introduction assez bien vue, puis une longue séquence dans laquelle un peuple extraterrestre nous est présenté, uniquement par le vecteur du visuel et de la mise en scène, puisque la langue parlée reste inconnue. Besson semble avoir réfléchi cette première partie du film en purs termes cinématographiques, et c’est déjà une bonne surprise. Quand il le veut, le cinéaste sait y faire pour raconter une histoire en termes visuels, et il le démontre. Une bonne impression qui se prolonge avec la mise en place des personnages principaux, Valerian et Laureline, incarnés respectivement par Dane DeHaan et Cara Delevingne. Les premiers pas à l’écran des deux agents sont ultra spectaculaires lors d’une mission d’infiltration très enthousiasmante avec ses niveaux de réalités imbriqués, mis en image de manière ludique, claire et lisible par Besson (la 3D, sans être extraordinaire, est efficace). Même s’il n’invente rien et pompe à droite à gauche, que ce soit en terme de réalisation, d’interprétation et d’enjeux scénaristiques, ce Valérian… débute sous les meilleures auspices, et on prend un véritable plaisir à suivre la première heure du film, excellent blockbuster spectaculaire et gratifiant pour l’œil, ce qui permet de passer outre les éternels tics d’écriture de Besson, à l’image d’une certaine propension à un humour assez lourd et beauf.

Les zinzins de l’espace
Sauf que… Luc Besson ne peut se départir de ses (mauvaises) idées destinées à flatter le spectateur en lui tapant dans le dos. Passe encore les apparitions de ses amis réalisateurs (Olivier Mégaton, Louis Leterrier… Benoît Jaquot (?)) dans la scène d’introduction, le caméo d’Alain Chabat dans une séquence sous-marine pompant allègrement La Menace fantôme (1999). Mais le pire reste à venir avec l’irruption de la chanteuse Rihanna, dont la participation a été largement étalée sur les réseaux sociaux, qui met en lumière les habitudes les plus agaçantes du cinéaste. Et fait plonger par la même occasion le film vers la médiocrité la plus totale… Cette scène de cabaret transformiste littéralement interminable et ridicule, arrive comme un cheveu sur la soupe, comme un miroir à la séquence d’opéra du Cinquième élément, et destinée de toute évidence à vendre une star de plus dans le film. Une sous-intrigue inutile et gadget, qui, après réflexion, apparaît comme un élément charnière, pivot, une sorte de balise à partir de laquelle tout Valérian… s’écroule. Jamais le film, qui prend dès lors l’eau de toutes parts, ne s’en relèvera. L’intrigue principale peine à revenir sur les rails et devient de moins en moins accrocheuse, les enjeux de plus en plus incompréhensibles, les décors qui se résument à un aller-retour entre un hangar et une salle de contrôle (les deux cadrés très serrés) témoignent d’un manque total d’inspiration de Besson, trahissant même une démission de haut vol du réalisateur. Le film s’enlise désespérément dans la médiocrité la plus crasse et les fautes de goût, un constat d’autant plus regrettable que l’heure qui a précédé avait engagé de solides fondations. Comment peut-on déraper à ce point sans même chercher à redresser la barre… La question reste ouverte. Mais en l’état, Valérian et la cité des mille planètes n’est pas une purge absolument honteuse, proposant même quelques beaux moments dans sa première partie, pour se rétamer totalement ensuite. En tous les cas, le film ne fait pas avancer le cas Besson, cinéaste doté d’un potentiel évident, mais scénariste d’une paresse incroyable et s’adonnant à une facilité et un manque d’ambition intellectuelle condamnables. Et surtout, rêvant probablement avec Valérian… de s’établir au côté des mastodontes du blockbuster de science-fiction que peuvent être James Cameron ou encore Steven Spielberg, cinéastes remettant continuellement en question leur travail, Luc Besson est au contraire, un réalisateur qui n’avance pas…

VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES. De Luc Besson (France – 2017).
Genre : Science-fiction. Scénario : Luc Besson, d’après les bandes dessinées de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières. Interprétation : Dane DeHaan, Cara Delevingne, Clive Owen, Rihanna, Ethan Hawke… Musique : Alexandre Desplat. Durée : 138 minutes. Distribué par EuropaCorp.
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