[Critique] A BEAUTIFUL DAY de Lynne Ramsay

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Le Taxi Driver du XXIe siècle ? Vraiment ? C’est du moins ce que scande le quatrième film de la réalisatrice britannique Lynne Ramsay (Ratcatcher, 1999). Le film pousse même ses références jusqu’à se dire héritier de Drive de Nicolas Winding Refn. Bon, autant casser les pots tout de suite, je n’ai vu qu’une des deux œuvres que ce film prend comme témoins (désolé Taxi Driver, une autre fois peut-être). Alors je ne sais pas où ce film a voulu m’emmener, mais il a plus ou moins réussi. Force est de constater que pendant la projection, le souvenir de Drive n’est pas loin, mais l’ambiance est toute autre. Mais j’en oublie les politesses….

A Beautiful Day narre l’histoire de Joe, campé par un Joachim Phoenix en ébullition, qui sert d’homme de main et va très vite se démarquer par sa brutalité. Il sera chargé de retrouver Nina, la fille d’un sénateur en campagne avant de se rendre compte du traquenard dans lequel il est tombé.

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Brutal mais pas que…

Une ruelle sombre, un homme imposant avançant lentement dans l’ombre et n’épargnant personne sur son passage, pas de doute, Joe est bel et bien dans la place. Le film démarre par une séquence violente et sombre qui conforte amplement l’idée que l’on se fait du long-métrage. Mais très vite, on découvre l’autre facette du personnage principal. Alors qu’il semble cruel, sauvage et inamical en toute circonstance, Joe a la particularité de vivre encore chez sa mère vieillissante. Se dévoile ainsi la facette “sensible”, douce et attentionnée du personnage. Il rigole gentiment à une blague de sa mère, s’occupe bien d’elle et reste même un peu avec elle pour qu’elle s’endorme paisiblement. Ces moments de vie tout simples et pleins de tendresse contrastent énormément avec les séquences de violences externes. Au final, il est comme un gros nounours tout gentil, mais qu’il ne vaut mieux pas énerver lorsqu’il a un marteau dans les mains.

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Traumatisme infantile refoulé

Vite rattrapé par la réalité, le film dépeint pourtant un personnage central en proie à d’énormes doutes, notamment existentiels. Sous forme de flashbacks furtifs et autres visions sur son passé, le personnage de Joe se dévoile petit à petit. Le barbu semble tourmenté à la fois par son passé de militaire, lui ayant fait voir des choses horribles, mais aussi par son enfance. En effet, dans ses souvenirs, la violence est omniprésente. Entre son père féroce et sa façon de se calmer… disons originale (il décompte 30 secondes la tête enfoncée dans un sac plastique), il paraît logique que les chocs vécus enfant soient toujours présents pour lui. Le film met le doigt sur quelque chose et s’y enfonce sans retenue. Le traumatisme de Joe s’accentue tout au long du film, rendant son “désir” de suicide de plus en plus certain à chaque fois. Trois scènes illustrent bien cette évolution et ce sentiment qui sommeille en lui, toutes placées à des endroits stratégiques du film. Le fait est qu’on ne sait jamais s’il joue avec lui-même ou bien si ses désirs de mutilation sont réels. La carrure et la facette sombre de Joe rendent le doute possible. Il faut dire que dans ce film, Joe, avec sa barbe, ses cheveux longs et ses cicatrices sur tout le corps, incarne quasiment une figure christique. Il impose ainsi une force dans chaque plan et semble intouchable. Il reste que ces scènes de situations étrangement dérangeantes fonctionnent bien et apportent du piment à un scénario qui nous mène en bateau !

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Entre humanité douce et brutalité crue

Au-delà de l’aspect psychologique et émotionnel de Joe, le film reste dur et brutal tout du long. Les scènes d’actions et d’assaut offrent une mise en scène qui se démarque du reste du film avec des caméras de surveillance alternant les plans fixes très rapidement. On a à peine le temps de suivre l’avancée de Joe qui se livre à chaque fois à une violence crue, mais pas surexploitée par la cinéaste britannique. Le juste-milieu est là ! (attention, le film reste quand même très violent, mon propos n’est pas de minimiser cette brutalité, mais de montrer pourquoi l’expérience du film va plus loin que de la dureté gratuite).
Dans A Beautiful Day, Lynn Ramsay a su varier parfaitement entre la brutalité crue et l’humanité simple et douce. Le film sait se poser et prendre le temps d’apprécier les choses simples et les gestes attentionnés du personnage de Joe. Les plans de la nature en cinémascope en sont le parfait exemple. Véritable bulle d’air dans un tourbillon de cruauté, ces scènes appellent Joe au calme, mais aussi et surtout à la réflexion. Que cela soit avec sa mère ou avec Nina, Joe sait se montrer réconfortant et attentif. Un peu comme s’il était investi d’une mission de protection ou qu’il avait besoin de se sentir utile à quelqu’un. Finalement, vers la fin, le film se cristallise beaucoup autour du personnage de Nina, la fille du sénateur, qui est en fait l’élément perturbateur du film.

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Libération salvatrice ?

Le film laisse volontairement beaucoup de zones d’ombre, libres à l’interprétation, rendant la fin du film sujet à débat. Pour ma part, j’ai vécu la fin de A Beautiful Day comme une libération, dans tous les sens du terme ! Joe et Nina sont totalement libres, libérés de leurs rôles, de leurs chaînes et de leurs destins. Ayant chacun vécus des grands tourments étant enfant, ils peuvent se comprendre sans même se parler. Pourtant, alors que la vie s’offre à eux, aucun ne sait quoi faire. Ce vide existentiel à la fois inquiétant et enthousiasmant conclut assez bien le film qui nous laisse sur le titre français “it’s a beautiful day” qui sonne ici comme un appel à ne pas se prendre la tête, oublier et avancer.
Au final, alors qu’on pense savoir où il nous mène, le film prend une direction totalement inattendue et bien vue, portant ainsi son propos à bout de bras. Ne sombrant pas dans les clichés, A Beautiful Day nous prend de court par moment sans non plus éblouir par sa surprise !

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A BEAUTIFUL DAY.
Lynne Ramsay (France, Grande-Bretagne – 2017)

3-5Genre Thriller  – Interprétation Joaquin Phoenix, Ekaterina Samsonov, Alessandro Nivola, Alex Manette, John Doman… Musique Jonny Greenwood – Durée 90 minutes – Distribué par SND.

L’histoire : La fille d’un sénateur disparaît. Joe, un vétéran brutal et torturé, se lance à sa recherche. Confronté à un déferlement de vengeance et de corruption, il est entraîné malgré lui dans une spirale de violence…

Par François Hamelin

Rédacteur sur Obsession B. « S’il ne devait y avoir qu’une règle pour me séduire ?… Surprenez moi ! » Voilà comment caractériser ma passion pour le cinéma ! Des films indépendants aux thrillers sombres en passant par les films de science fiction purs et durs et les polars sous acides. C’est simple, tout ce qui a de l’intérêt m’intéresse ! Sur Obsession B, je viendrais parler des pépites comme des blockbusters. Si j’avais un film de chevet ça serait THE THING de John Carpenter, pour m’évader je lance SWISS ARMY MAN sans tarder, j’ai failli arrêter l’école après avoir vu BATTLE ROYALE et oui, j’ai pleuré devant JODOROWSKY’S DUNE !
Contact : fohamelin@gmail.com

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