[Série TV] THE FRANKENSTEIN CHRONICLES (Saison 2) de Benjamin Ross
Jeux de pouvoirs


La première saison de The Frankenstein Chronicles était apparue comme une très bonne surprise. La série développée par Benjamin Ross parvenait en seulement six épisodes de 45 minutes chacun à s’imprégner du célèbre roman de Mary Shelley, sans en être une simple adaptation, pour en retranscrire l’ambiance si particulière, au sein d’une Angleterre victorienne aux quartiers misérables. Davantage axée sur une enquête policière que sur un récit purement fantastique, cette première saison s’achevait sur une fin très ouverte, le personnage principal apparaissant à la croisée des chemins.
La seconde saison, elle aussi constituée de six épisodes, suit toujours l’inspecteur John Marlott, considérablement marqué par les événements qui ont précédé et interné dans un hôpital psychiatrique. Bien qu’ayant changé de statut à la fin de la première saison, John Marlott poursuit son enquête dans les bas-fonds boueux d’un Londres grisâtre où la peste règne et décime la population la plus modeste. Sa soif de vengeance a pris le dessus sur la mélancolie qui le caractérisait dans la première saison. C’est en quelque sorte le leitmotiv de cette deuxième fournée d’épisodes, qui sonde encore davantage la noirceur de l’âme des protagonistes. Cette deuxième saison apparaît en effet comme plus sombre et assumant plus frontalement sa dimension fantastique, qui conserve malgré tout son caractère de suggestion. Les meurtres d’enfants ont cédé la place aux assassinats de religieux. L’enquête menée en parallèle par l’agent Nightingale et John Marlott, met progressivement un lumière un complot, sans que l’on sache précisément qui tire les ficelles. C’est l’une des réussites de cette saison 2 et de la série dans son ensemble : parvenir à maintenir un voile de mystère tout en disséminant des indices suffisamment parlant pour commencer à proposer un début de piste.

Mort et (re-)Création
On commence dès lors à mieux comprendre où veulent en venir les auteurs de la série, comment ils se servent du mythe ultra célébré de Frankenstein, de ce qu’il représente dans l’inconscient collectif, afin de mieux explorer le contexte de la société anglaise de l’époque victorienne, en tissant des liens avec toutes ses composantes. Une période autant marquée par la misère du peuple, et l’omniprésence de la criminalité et des maladies, que par la soif de connaissance quasi insolente des nantis, rendu fous par l’idée d’immortalité. Religieux, hommes de science, aristocratie et petit peuple, journalistes… Tout n’est que luttes et oppositions dans The Frankenstein Chronicles, jeux de pouvoirs et d’influence, notamment entre les forces de police et les guetteurs de la paroisse, tout ce beau monde forme un vaste puzzle dans lequel se débattent John Marlott, l’agent de police Nightingale, le journaliste Boz, la couturière Esther Rose, l’énigmatique Frederick Dipple et l’obscur Daniel Hervey.
La mort plane constamment au-dessus des personnages, la frontière entre vie et mort est des plus ténue, des thématiques explorées avec beaucoup d’à propos, tout comme celle de la création, qu’elle soit de l’homme (ou la femme) fait de chair et de sang, ou de l’être artificiel, représenté par les automates de Frédérick Dipple, il y a quelque chose de fascinant dans l’observation de cette volonté de création (qui rejoint à ce niveau l’œuvre originelle de Mary Shelley), et son rapport au pouvoir : « Le pouvoir souille tout ce qu’il touche et l’obéissance fait des hommes des esclaves et de l’organisme humain un automate » relève un personnage féminin. Car ici, il ne s’agit pas uniquement de surpasser Dieu, mais bien aussi de surpasser l’homme, par la condition féminine.
Cette saison 2 de The Frankenstein Chronicles boucle donc son histoire avec intelligence (il ne devrait pas y avoir de troisième saison à première vue) et vient confirmer qu’il s’agit là d’une réappropriation intelligente et efficace du mythe de Frankenstein. Sur la forme, la série est très classique, mais le résultat est particulièrement soigné. Certes, on pourra reprocher à la série un rythme loin d’être trépidant, et une tendance à quelque peu traîner la patte dans l’avancée de sa narration. Mais ce serait fermer les yeux sur une œuvre fondamentalement honnête, excellemment interprétée et dont l’atmosphère envoûtante fait tout le sel.

THE FRANKENSTEIN CHRONICLES (Saison 2). De Benjamin Ross (Royaume-Uni – 2017).
Genre : Fantastique. Scénario : Michael Robert Johnson, Paul Tomalin, Glenn Patterson, Colin Carberry. Interprétation : Sean Bean, Tom Ward, Richie Campbell, Ed Stoppard, Vanessa Kirby… Musique : Harry Escott et Roger Goula Sarda. Durée : 261 minutes. Distribué en coffret DVD par Koba Films (27 avril 2018).
Tu m’as convaincu, je vais m’y coller 😉
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