[Be Kind Rewind] LES VIKINGS de Richard Fleischer (1958)

Grand film d’aventure, divertissement de haute volée, film parfait… Les qualificatifs ne manquent pas à l’heure d’évaluer Les Vikings de Richard Fleischer, sorti en 1958. Des qualificatifs toujours recevables plus de cinquante ans après, mais qui prennent encore davantage de valeur si l’on place le film à l’aune du cinéma actuel. Tous les codes du grand cinéma hollywoodien « d’époque » sont ici exploités à leur pleine mesure, à une période où l’on savait savamment doser et équilibrer au sein d’une même oeuvre des genres aussi différents que le cinéma d’aventure et d’action, la fresque historique, le romantisme… sans tomber dans la démesure et l’indigestion. Loin des considérations du style « C’était mieux avant… », force est de constater que Les Vikings évoque ce que le cinéma hollywoodien populaire avait de meilleur à proposer à l’aube des 60’s, alliance idéale entre souffle épique, divertissement de haute volée et casting quatre étoiles…
Le projet Les Vikings est d’abord porté par l’acteur et producteur Kirk Douglas, alors au sommet de sa popularité, puisqu’il vient d’enchaîner des œuvres aussi marquantes que La Vie passionnée de Vincent Van Gogh de Vincente Minnelli et Georges Cukor (1956) et Les Sentiers de la Gloire de Stanley Kubrick (1957). La star souhaite renouer avec Richard Fleischer, le réalisateur qui l’avait auparavant dirigé dans Vingt Mille Lieues sous les mers (1954), en lui confiant les rênes du projet. Richard Fleischer, un cinéaste à l’imposante carrière où des monuments reconnus comme Les Inconnus dans la ville (1955), L’Etrangleur de Boston (1968), Le Voyage Fantastique (1966) ou encore Soleil Vert (1973) côtoient d’invraisemblables nanars tels Conan le Destructeur (1984) ou Kalidor, la légende du Talisman (1985). Les deux hommes se retrouvent donc pour l’adaptation du roman d’Edison Marshall évoquant la confrontation entre le peuple anglais et les assaillants Vikings au large des côtes britanniques. Une bonne dose de savoir-faire assurée derrière la caméra, et un plateau pour le moins glamour et talentueux devant l’objectif puisque Kirk Douglas donne la réplique à Tony Curtis, Janet Leigh ou encore Ernest Borgnine. Un casting XXL à la hauteur d’un projet ambitieux.

Lettres de noblesse

Au-delà d’une intrigue mêlant des ressorts scénaristiques assez classiques (la princesse enlevée, le descendant du trône illégitime, l’évasion, la vengeance), l’une des grandes forces des Vikings est sa capacité à retranscrire de manière aussi précise que possible l’environnement vikings et les us et coutumes du peuple de guerriers scandinaves, qui n’avaient pas, jusqu’alors, eu les honneurs d’une transcription digne de ce nom sur grand écran. Une volonté que l’on le doit en grande partie à Richard Fleischer. Le cinéaste ayant pris un soin tout particulier à se documenter de manière approfondie sur le sujet, un travail aboutissant à une série de scènes à la véracité et à la personnalité indéniables.
L’apport du cinéaste ne s’arrête évidemment pas là. Le réalisateur de L’Étrangleur de Boston signe une mise en scène somptueuse, composant des plans renvoyant à de véritables œuvres picturales, tirant le meilleur partie de décors naturels vastes et magnifiques, des fjords de Lim en Croatie au Château de Fort la Latte en Bretagne pour un final épique au possible. L’exploitation des couleurs et de la profondeur de champ donnent une amplitude rarement vue à l’écran pour l’époque, grâce au travail de Jack Cardiff (Le Narcisse noir de Michael Powell, 1947) à la photographie.
Avec ce film, Richard Fleischer redonne ses lettres de noblesse au peuple Viking, représentant au détour d’une poignée de scènes d’anthologie toute la sauvagerie mais aussi la complexité de ces guerriers du Nord, ayant recours à une violence graphique discrète mais au pouvoir de suggestion éloquent (on y crève des yeux, tranche des mains), au même titre qu’un érotisme latent, des personnages ambivalents et plus éloignés de la caricature stéréotypée que l’on pourrait attendre. Bref, toutes les composantes d’un grand et beau film de cinéma d’aventure. Les Vikings traverse les époques et n’a (quasiment) pas pris une ride.


LES VIKINGS
Richard Fleischer (USA – 1958)

Genre Aventure – Interprétation Kirk Douglas, Tony Curtis, Janeth Leigh, Ernest Borgnine… – Musique Mario Nascimbene – Durée 116 minutes. Distribué par Rimini Editions (4 décembre 2018).

L’histoire : Au Xe siècle, les Vikings sèment la terreur le long des côtes anglaises. Au cours d’une attaque, le chef viking Ragnar tue le roi d’Angleterre et viole la reine. De ce viol naîtra Eric, qui sera capturé par les vikings et élevé comme un esclave, dans le village où vivent son père et son demi-frère, Einar. Ignorant leur lien de parenté, Eric et Einar se vouent une haine farouche.


Le Blu-ray de Rimini Editions

Technique : ★★★★☆
Bonus : ★★★★☆

Déjà disponible dans des versions DVD et Blu-ray allant du médiocre au correct, Les Vikings bénéficie aujourd’hui avec l’édition concoctée par Rimini d’un écrin absolument fantastique et inespéré pour (re)découvrir le film. Tirée d’un nouveau master HD, l’image est somptueuse, dotée d’un grain relativement prononcé, d’un piqué précis et de couleurs et contrastes éclatants, magnifiant les décors et superbes paysages naturels dans lesquels le film a été tourné, cette édition est un délice visuel. On pourra certes trouver à redire sur de menus défauts liés à certaines séquences pas des plus simples à retravailler il faut reconnaître, comme la fuite nocturne sur les eaux et la traversée du brouillard, qui présentent quelques flous et imperfections, tandis que certaines tâches parsèment l’image de temps à autre, mais il serait malhonnête de s’y attarder et de s’en offusquer à l’aune de la qualité générale de l’incroyable tenue visuelle proposée par cette édition.
Le son a semble-t-il donné lieu également à un gros travail de restauration. Les deux pistes, anglaise et française, sont présentées en DTS HD Master Audio 2.0 et ne manquent pas de dynamisme. La musique composée par Mario Nascimbene y trouve une belle ampleur.
Au-delà du rendu technique, cette édition est surtout marquée par un contenu éditorial abondant et pertinent. On trouve dans les bonus, plusieurs interviews d’époque des principaux acteurs du projet : deux entretiens avec le réalisateur Richard Fleischer (28′ et 26′) et une interview télévisée de Kirk Douglas (6′). Des documents rares et essentiels qui éclairent sur la conception du film, la longue préparation qu’a nécessité le projet, le tout illustré par quantité de photos d’époque.
Autre porte d’entrée dans la conception du film, les souvenirs et anecdotes des deux fils de Richard Fleischer, Bruce et Mark, qui ont fréquenté le tournage. Ces-derniers rédigent par ailleurs la préface de l’ouvrage « L’énigme Richard Fleisher », retour thématique de plus de 160 pages sur la carrière du réalisateur par Christophe Chavdia. Un ouvrage passionnant qui revient évidemment dans une très large partie sur le film, chaînon essentiel dans le parcours du cinéaste. Un ajout incontournable pour une édition en béton armé, qui permet d’approfondir comme il se doit l’oeuvre d’un cinéaste trop souvent réduit au statut d’honnête artisan.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

2 Comments on [Be Kind Rewind] LES VIKINGS de Richard Fleischer (1958)

  1. J’adore ce film… j’ai le fameux BR, pas encore regardé mais ça ne saurait tarder… Ton papier a relancé l’envie 😉

    Aimé par 1 personne

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