[Be Kind Rewind] SONATINE, MÉLODIE MORTELLE de Takeshi Kitano (1993)
Dirty Aniki


Après A Scene at the Sea sorti en 1991, Kitano revient au récit de yakuza, au polar comme il en a le secret avec Sonatine, Mélodie mortelle en 1993. Quatrième réalisation donc, et premier chef d’oeuvre du cinéaste.
Avec Sonatine, Kitano revient au film de yakuza. Il dépeint une guerre des gangs sanglante, où deux camps rivaux s’opposent. Il y interprète Murakawa, un personne brutal dans la droite lignée de ses précédents, mais littéralement lassé de sa condition de yakuza. Alors que le récit promet un affrontement entre les deux clans, Kitano se joue des codes du genre et envoie ses gangsters dans une planque au bord de la plage. Exit les fusillades et la violence. Le réalisateur s’amuse à filmer les longues journées d’oisiveté de ses gangsters à creuser des trous dans le sable, à s’envoyer des feux d’artifices ou à mimer des sumos. On comprend dès lors que les personnages sont le cœur réel du récit “kitanien”, la base et le moteur de ses films. L’envers du décor de ces soldats du crime organisé…

Harmonie et chaos
Magnifié par des plans de plus en plus précis et esthétiques, au sein d’une mise en scène accordant davantage de place aux mouvements de caméra, Sonatine croise en permanence violence et innocence, ou comment jouer avec un revolver chargé, s’adonner à une bataille de feux d’artifice en y incluant une fois encore un flingue. Porté tour à tour par les silences, et par la sublime musique de Joe Hisaishi (compositeur avec lequel Kitano collaborera à sept reprises), Sonatine est le récit d’une rédemption. Celle de son gangster fatigué, qui passera évidemment pas la vengeance, le sang, et le sacrifice. Avec ce quatrième film, Kitano raconte à peu près toujours la même histoire, où la contemplation et l’attente ont la part belle, où les personnages s’échappent d’une réalité triste et agressive par un retour à l’innocence et à l’enfance, et dans laquelle perce toujours ce romantisme, cette pointe de mélancolie sourde. Mais où la violence se rappelle aux personnages et leur revient toujours brutalement, tel le frisbee qu’ils s’échinent à essayer de viser…
A la fois attendue et pourtant toujours surprenante, cette superbe mélodie mortelle poursuit l’exploration de Kitano pour les contradictions : harmonie et chaos, violence et romantisme. Sonatine a également l’inestimable mérite d’annoncer Hana-Bi (1997), l’opus kitanien le plus célébré à ce jour. A juste titre…
SONATINE, MÉLODIE MORTELLE. De Takeshi Kitano (Japon – 1993).
Genre : Policier. Scénario : Takeshi Kitano. Interprétation : Takeshi Kitano, Aya Kokumai, Tetsu Watanabe, Masanobu Katsumura… Musique : Joe Hisaichi. Durée : 93 minutes. Distribué par Wild Side (21 novembre 2018).
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