[Be Kind Rewind) LE BAL DE L’HORREUR de Paul Lynch (1980)
Panique sur le dancefloor

Auréolée du succès de Halloween de John Carpenter (1978), Jamie Lee Curtis s’est rapidement retrouvée étiquetée actrice de films d’horreur, entamant alors une carrière de Scream Queen dont elle saura s’extraire par la suite. Au début des années 80, alors que le slasher commence à se faire une place dans le cœur des spectateurs (et des producteurs/financiers) et à enregistrer un succès fulgurant, la fille de Janeth Leigh est la vedette du Monstre du Train de Roger Spottiswoode (1980), et enchaîne la même année avec Le Bal de l’Horreur de Paul Lynch.
Production canadienne, Prom Night (en VO) est le prototype du slasher de série, comme en sortiront des brouettes entières dans la décennie suivante, cochant toutes les cases des impondérables inhérents au genre qui commençaient à se dessiner : un trauma initial, un mystérieux tueur masqué, une histoire de vengeance, un groupe de jeunes pourchassés et éliminés les uns après les autres, un poil de nudité… Alors que ces caractéristiques n’apparaissaient pas encore tout à fait comme des stéréotypes, Le Bal de l’Horreur va participer à l’entreprise d’uniformisation du slasher, en respectant à la lettre son cahier des charges sans y apporter le minimum de substance qui fera la différence des réussites du genre, au hasard : Happy Birthday to Me, Bloody Bird et plus tard Scream et Cold Prey. Car n’y allons pas par quatre chemins : sans être un mauvais film en soit, Prom Night reste une tentative plutôt médiocre qui a marqué les esprits pour les mauvaises raisons.

Stand By Me
Le film démarre pourtant bien avec une scène présentant l’incontournable drame originel qui va nouer le cœur de l’intrigue (et assurer la motivation principale du tueur). Une introduction plutôt inconfortable sur les bords voyant une fillette mourir dans un lieu désaffecté sous les yeux d’une bande de gosses, dont la culpabilité va être gardée secrète. Un malaise initial prégnant qui déborde sur un traumatisme bien compréhensible des parents en deuil… avant de s’évaporer assez rapidement. Quelques années plus tard, le tueur débarque pour trucider les membres du groupe d’enfants devenus adolescents.
Le Britannique Paul Lynch (Humongous – 1982) et son scénariste William Gray (L’Enfant du Diable de Peter Medak et Philiadelphia Experiment de Stewart Raffill) prennent le temps d’évoquer les conséquences du drame, entre séances psychanalytiques pour la mère éplorée, et jeunes gens ayant décidé de tourner la page du drame. Une exposition qui occupe une bonne heure de métrage pas bien passionnante, il faut le reconnaître, mais marquante néanmoins par l’ajout d’inserts sur le tueur, présenté sur un mode giallesque assez séduisant. C’est dans la dernière demi-heure, alors que le bal de promo du titre débute enfin, que la machine s’emballe et que le massacre arrive. S’ensuivent quelques scènes de traque sympathiques (partie de cache-cache dans le garage et les vestiaires) mettant en lumière un tueur assez maladroit au demeurant mais foncièrement intraitable. Ce qui donne lieu à quelques meurtres bien craspec (bien que peu originaux), avec en point d’orgue une tête tranchée du plus bel effet. A noter un érotisme très discret, juste présent histoire de cocher la case…

Prom Night Fever
Le Bal de l’Horreur est surtout resté dans les mémoires pour sa longue scène de danse disco dans laquelle Jamie Lee Curtis et son partenaire se déhanchent dans le plus pur style Saturday Night Fever (sorti en 1977). Une séquence de plusieurs minutes désarçonnante par son incongruité et sa durée, comme une capsule WTF venant, paradoxalement, apporter un semblant d’originalité au film, même si on peut surtout y voir l’ambition de s’accrocher au carton disco avec John Travolta. Dès lors, difficile de ne pas considérer ce Bal de l’Horreur comme une série B opportuniste, à l’image de ses nombreux descendants d’un genre marqué par la médiocrité générale et la facilité, toujours d’actualité aujourd’hui. Jamie Lee Curtis n’y trouve pas son meilleur rôle, loin de là, même si son déhanché marque les esprits. Tout comme la présence de Leslie Nielsen, sérieux comme un pape, interpelle de manière involontaire…
Assez fade et guère emballant dans l’ensemble, récitant les codes du genre sans grande inspiration, ce slasher anecdotique conserve pourtant un petit cachet « vintage » qui peut laisser germer une certaine forme d’indulgence dans l’esprit du spectateur d’aujourd’hui. D’autant plus que l’ignoble remake commis en 2008 par Nelson McCormick, ferait presque regretter l’original…
LE BAL DE L’HORREUR (Prom Night). De Paul Lynch (Canada – 1980).
Genre : Horreur/slasher. Scénario : William Gray. Interprétation : Jamie Lee Curtis, Casey Stevens, Michael Tough, Leslie Nielsen, Anne-Marie Martin… Musique : Paul Zaza et Carl Zittrer. Durée 90 minutes. Distribué par Rimini Editions (9 septembre 2019).
L’édition Blu-ray de RIMINI


TECHNIQUE. Après Happy Birthday To Me, excellent slasher paru dans une édition admirable, Rimini poursuit son entreprise de dépoussiérage des films d’horreur des 80’s. Grâce lui en soit rendu ! Car Le Bal de l’Horreur n’avait, jusqu’alors, pas eu les honneurs des supports DVD et Blu-Ray en France et le voilà distribué dans un packaging soigné regroupant les deux supports, accompagné d’un livret de 20 pages, « Dancing Queen », concocté par l’inévitable Marc Toullec (Mad Movies).
Niveau image, l’éditeur propose une très belle copie, à la définition solide et aux couleurs bien tranchées, baignée dans un halo vaporeux propre aux productions de l’époque (on pense à Carrie de Brian De Palma). Si le piqué n’est pas non plus mémorable, l’image reste de très belle facture, avec un grain bien présent. Côté sonore, là aussi, la restauration fait des miracles, avec des pistes en version originale et française très dynamiques, propres, et dotées d’un équilibrage correct entre dialogues et ambiance sonore.
INTERACTIVITE. Niveau bonus, Rimini a fait les choses bien en proposant des modules déjà parus sur des précédentes éditions américaines, s’assurant ainsi une interactivité bien fournie. Un Making of (41′) donnant la parole au réalisateur, au scénariste et à une partie du casting permet une plongée intéressante dans les arcanes de la conception du film, même si on peut déplorer l’absence remarquée de Jamie Lee Curtis. L’interview du scénariste William Gray (20′) dispose en revanche de son lot d’anecdotes croustillantes, Gray n’ayant aucun garde-fou et portant un regard à la fois tendre mais sans concession sur le film et sa contribution personnelle. A cela s’ajoutent des scènes inédites ajoutées pour la diffusion TV aux USA (11′), quelques images du tournage (6′), une galerie photos et éléments marketing (6′), quelques spots TV et le Film annonce, soit une édition remplie à ras bord, à laquelle s’ajoute le livret de Marc Toullec, revenant lui-aussi sur le projet, le tournage et le genre du slasher. Une édition incontournable, qui se hisse qualitativement parlant bien au-dessus du film.
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