[Be Kind Rewind] L’ETOILE DU SILENCE de Kurt Maetzig (1960)


Dans la course à l’espace entre Américains et Soviétiques, le cinéma avait son mot à dire dans les années 50/60. L’Etoile du silence, sorti en 1960, fait partie des films de cette belle époque qui étaient destinés à émerveiller le spectateur, autant qu’à lui envoyer quelques messages bien sentis… Coproduction germano-polonaise, L’Étoile du silence atterrit sur les écrans à un moment charnière de la conquête spatiale, alors que le satellite Spoutnik et Youri Gagarine viennent d’être envoyés dans l’espace, quelques années avant que Neil Armstrong ne pose un pied sur la Lune et alors que les productions cinématographiques du genre fleurissent aussi bien à Hollywood que dans les Pays de l’Est. Inspiré d’un roman de Stanislas Lem, le film réalisé par Kurt Maetzig se monte sous l’égide de la Deutsche Film AG (DEFA), studio allemand ayant 700 longs-métrages à son actif de 1946 à 1990. L’Etoile du silence s’inscrit dans cette vague d’oeuvres cherchant à traduire à l’écran cette féroce compétition à l’espace, tout en témoignant par extension des peurs et tensions liées à la guerre froide, apposant sur le film un discours à l’idéologie communiste évidente. L’intrigue débute avec la découverte sur Terre d’un artefact extraterrestre comportant un message menaçant provenant de Vénus. Une première partie servant de longue mise en place, essentiellement destinée à présenter les enjeux et les différents membres de l’équipage cosmopolite qui va se former pour se rendre sur Vénus, composé de scientifiques issus de nationalités et d’ethnies différentes. Relativement bavard, le film compense pourtant son manque de spectaculaire (dans un premier temps) par une volonté de faire exister ses personnages, et d’y associer des interactions pertinentes entre eux. C’est une fois arrivé sur Vénus que L’Etoile du silence décolle réellement et s’embarque vers un véritable film d’exploration spatiale avec ses dangers inhérents à l’inconnu. Et en cela, on ne peut qu’être assez admiratif du travail sur les effets spéciaux : incrustations, juxtapositions, miniatures, séquences lues à l’envers… Les effets sont nombreux et variés, brillamment conçus et exécutés, et offrent une réelle plus-value au film, un point d’orgue qui peut être perçu comme un aboutissement et lui conférant une tenue visuelle de tout premier plan lors des scènes sur Vénus.

Fraternité vs Menace rouge
Mais au-delà de ses qualités plastiques, c’est dans son discours que L’Étoile du silence marque l’esprit et notamment dans son optimisme profond, associé à une approche fraternelle assez surprenante pour l’époque. Une posture qui se situe ouvertement à l’encontre de l’individualisme patriotique régissant alors la course à l’espace… tandis que de son côté, le cinéma de science-fiction américain n’aura de cesse de s’afficher en cinéma “de la peur” en proposant des métaphores plus ou moins lourdaudes sur la “menace rouge” du communisme… Au hasard : The Blob d’Irvin S. Yeaworth Jr. en 1958. A contrario, ici, chacun doit apporter sa pierre à l’édifice en vue de la réussite de la mission. De toute évidence, le danger ne vient plus des blocs ennemis mais plutôt d’un belligérant commun (et extraterrestre), même s’il faut prendre en compte les réticences des autorités américaines à envoyer leur champion, présenté comme un homme de conviction et qui n’hésite pas à aller à l’encontre de la volonté des décideurs de son pays. La fin du film enfonce un peu plus le clou avec la scène du retour sur Terre, où les survivants et les témoins se donnent tous la main pour honorer la mémoire des sacrifiés, le tout s’accompagnant d’un discours sur les dangers du nucléaire, que d’aucuns pourront trouver naïf, mais qui a le mérite d’être assumé.
Malgré son rythme peu élevé, il se dégage un charme certain de ce film aux effets visuels très convaincants, de quoi satisfaire les amateurs de SF qui disposent avec L’Étoile du silence d’une belle curiosité à découvrir, pour son discours optimiste à contre-courant et sa vision de la conquête de l’espace à la fois généreuse et à l’imaginaire débridé.
L’ETOILE DU SILENCE Kurt Maetzig (Allemagne de l’Est/Pologne – 1960) |
---|
Genre Science Fiction – Avec Gȕnther Simon, Yoko Tani, Oldrich Lukes, Ignacy Machowski, Julius Ongewe… – Musique Andrzej Markowski – Durée 89 minutes. Distribué par Artus Films (2 juin 2020). Synopsis : Un élément d’origine inconnue, découvert après un tremblement de terre, attire l’attention des scientifiques. Il s’agit d’une bande magnétique en provenance de la planète Vénus comportant un message hostile à l’égard des habitants de la Terre. Une équipe de savants appartenant aux principales nations du monde est envoyée vers la planète mystérieuse pour aller à la rencontre du peuple vénusien. Mais, à peine débarqués, les spationautes découvrent un monde dévasté. |
L’édition DVD d’ARTUS FILMS

Technique
Cette édition DVD conçue par Artus Films se base sur une remasterisation en 2K et se révèle très propre en termes d’image. Malgré des couleurs qui ont tendance à fluctuer de temps à autres, la définition du film reste assez remarquable avec un très beau piqué et une absence de défauts notable pour une œuvre de cette époque.
Jolie dynamique également sur les deux pistes son proposées en Dolby Digital 2.0. Avec des dialogues clairs et bien tranchés par rapport à l’environnement sonore général et la musique d’Andrzej Markowski. A noter que la version française se révèle beaucoup plus puissante au niveau des dialogues, ce qui provoque un décalage un peu étrange avec l’environnement sonore.

Interactivité
Dans les bonus, Christian Lucas de la chaîne YouTube “Ciné Forever Vidéo” propose une présentation du film, “L’étoile rouge du silence”. Il évoque notamment l’historique et les caractéristiques de la DEFA (Deutsche Film AG), et ce n’est pas un luxe pour bien comprendre le contexte dans lequel a été produit le film. Sont également rapidement abordés le tournage, les comédiens et les grandes thématiques du film. Efficace et très instructif. L’interactivité est complétée par un diaporama d’affiches et de photos du film et du tournage, et des bandes-annonces des films présents dans la collection “SF Vintage” de l’éditeur.
Je l’ai acheté lors de sa sortie chez Artus avec son petit frère… et toujours pas regardés…
C’est décidé je saute le pas très bientôt
J’aimeAimé par 1 personne