[Critique] FREE GUY de Shawn Levy
La grande Aventure Neuneu...

Brinquebalé entre sa première fenêtre de tir programmée initialement en juillet 2020, jusqu’à sa véritable sortie en août 2021, Free Guy a fait les frais de la pandémie mondiale du Covid. Le film réalisé par Shawn Levy sous pavillon 20th Century Fox et passé sous giron Disney, nous rejoue l’éternelle rengaine du personnage fictif qui s’émancipe de sa condition. Pour l’originalité, on repassera…
L’histoire de Free Guy est coscénarisée par Zak Penn (en duo avec Matt Lieberman), un élément pas anodin dans ce qu’il dit du projet. Penn est en effet l’auteur en 1993 du script de Last Action Hero, merveille de film d’action avec Arnold Schwarzenegger, jouant habilement de la mise en abyme de l’univers du cinéma et transcendé par la mise en scène de John McTiernan. Visiblement fasciné par les concepts méta, et après plusieurs contributions assez peu mémorables (Inspecteur Gadget, Elektra, X-Men : L’Affrontement final), Penn récidive avec l’adaptation du Ready Player One de Spielberg en 2018. Quoi qu’on qu’on pense du bonhomme, la subtilité n’est pas nécessairement son principal atout (à un X-Men 2 près…) Visiblement considéré à Hollywood comme un spécialiste de la lecture à double sens des univers geeko-vidéoludiques, le voilà donc à travailler sur ce Free Guy destiné à remettre en selle un Shawn Levy aux abonnés absents depuis un Real Steel ayant fait illusion en 2011, mais surtout auteur de la saga La Nuit au Musée et de la série Stranger Things… Et là, si on compte bien, ça fait deux raisons d’avoir peur pour la subtilité de ce nouveau film, vitrine d’un Ryan Reynolds en roue libre. L’interprète de Deadpool (subtilité toujours…) endosse la chemisette d’un personnage non joueur dans un jeu vidéo en monde (plus ou moins) ouvert, largement inspiré de la saga GTA, qui revit perpétuellement la même journée, le sourire aux lèvres, donnant le change aux avatars des joueurs bien réels qui se défoulent dans l’univers du soft. Sauf qu’un jour, il découvre un élément qui lui ouvre les yeux sur sa condition, de laquelle il décide de s’émanciper… L’argument du personnage évoluant sur des rails dans un univers parallèle/fictif sans en avoir conscience, qui décide du jour au lendemain de briser les règles pour tenter de développer sa fibre humaine, voilà un refrain qui ne sonne pas comme la première des nouveautés, ne serait-ce qu’au cinéma. On pourrait citer à des degrés divers The Truman Show, Matrix, Les Mondes de Ralph, La Grande Aventure Lego pour certains exemples récents. Sur le papier, dire que Free Guy arrive après la bataille n’est pas exagéré. Et concrètement, le sentiment est confirmé. Shawn Levy et ses scénaristes ont-ils quelque chose de plus à ajouter sur ce canevas usé jusqu’à la corde ? Bof… La réponse est non.


Mais quelle audace…
Free Guy propose de l’action et encore de l’action, filmée avec virtuosité certes, mais dépourvue d’une âme et d’un réel projet de mise en scène (regarde ma caméra assistée par ordinateur qui virevolte en plan séquence devant mon immense fond vert…) Mais Free Guy est également une comédie jonchée de blagues d’une gênance sans nom, marquée par le cabotinage incessant de Ryan Reynolds, à l’aise dans sa zone de confort de protagoniste lunaire et niais au possible, et accompagné de seconds rôles stéréotypés ou non développés (Taika Waititi en roue libre, Jodie Comer qui se démène mais qui n’a rien à jouer) et de clins d’œil appuyés aux geeks et autres univers vidéoludiques. Sans parler des coup de coudes à Disney et ses univers partagés (Avengers avec caméo de Captain America, le sabre laser de Star Wars, le tout accompagné des thèmes musicaux qui vont bien), car on est bien chez Disney et il s’agirait de le surligner… Du détail, certes… Sans parler du message envoyé par le film : « il vaut mieux vivre l’esprit éveillé et libre, débarrassé de ses carcans, plutôt que dans un univers régi et codifié (abrutissant ?) ». Venant d’une œuvre produite par la Fox, reprise en main par le studio aux grandes oreilles qui place ses productions sous la toute puissance d’un cahier des charges verrouillé jusqu’à la nausée, la douille est quand même puissante et le cynisme à un niveau assez phénoménal. Là où La Grande Aventure Lego, sur un sujet similaire, multipliait les audaces tant visuelles que narratives (avec un basculement dans la réalité qui retournait complètement le film et faisait sournoisement imploser la logique mercantile de la boîte à briques), dans Free Guy, tout est prévisible et prémâché à l’avance, surexpliqué par les dialogues pour faire passer une profondeur qui n’existe pas, et sans l’once d’un début de pertinence ou de plus-value par rapport à ce qui a déjà été fait en mieux ailleurs. Ca se voudrait plus intelligent que ça ne l’est, mais au final, Free Guy n’est que bruyant et abrutissant. Youplaboum !
FREE GUY. De Shawn Levy (USA – 2021).
Genre : Humour/Action. Scénario : Matt Lieberman et Zak Penn. Interprétation : Ryan Reynolds, Jodie Comer, Joe Keery, Lil Rel Howery, Utkarsh Ambudkar, Taika Waititi… Musique : Christophe Beck. Durée : 115 minutes. Disponible chez 20th Century Studios (page Facebook et page Twitter) en Blu-Ray, Blu-Ray 4K UHD, DVD et VOD le 10 décembre 2021, et en Achat digital le 9 décembre 2021.
L’histoire : Un employé de banque, découvrant un jour qu’il n’est en fait qu’un personnage d’arrière-plan dans un jeu vidéo en ligne, décide de devenir le héros de sa propre histoire, quitte à la réécrire.

L’édition Blu-ray de 20th Century Studios
TECHNIQUE. Rien à dire sur la qualité d’image de cette édition qui s’impose comme assez éblouissante. C’est précis, net, coloré et sans anomalies particulières. En termes sonores, là aussi c’est puissant, les versions VO et VF envoient du très lourd. Cette édition joue la carte de la démonstration technique de haute volée. C’est déjà ça…

INTERACTIVITE. La section bonus de cette édition est relativement fournie, réunissant une poignée de scènes supprimées ou prolongées, un bêtisier, un module intitulé « Dude vs. Guy » se focalisant sur le dédoublement du personnage de Ryan Reynolds. Puis deux segments évoquant les rôles de Jodie Comer « La création de Molotovgirl » et Taika Waititi « Voici le monde de Taika ». Enfin un making of d’une quinzaine de minutes « Bienvenue à Free City » et quelques bandes annonces. Si la quantité est là, la proposition reste très sommaire et terriblement en surface.
Retrouvez la fiche du film sur le site Cinetrafic.
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