[Be Kind Rewind] LA MAISON DE LA TERREUR de Lamberto Bava (1983)

La musique adoucit les meurtres

Dans l’ombre de Mario Bava, un père devenu au fil des années une référence majeure du film de genre transalpin, son rejeton Lamberto n’a jamais eu une reconnaissance comparable. Il faut dire qu’il ne boxe pas tout à fait dans la même catégorie. Formaliste génial et précurseur, Mario Bava (La Baie Sanglante, Six Femmes pour l’Assassin, Le Masque du Démon, Les Trois Visages de la Peur… N’en jetez plus !) a légué à son fils un goût inébranlable pour le cinéma d’horreur et fantastique. Ce qui n’est déjà pas si mal. Assistant réalisateur sur les films de son père (notamment Opération Peur, Danger : Diabolik ou encore La Maison de l’Exorcisme), Lamberto est passé à la réalisation pour le cinéma avec Baiser Macabre en 1980. Il est surtout célèbre pour son diptyque Démons (1985 et 1987) ou encore la saga cheapos La Caverne de la Rose d’Or pour la télévision. Lamberto Bava n’a jamais réellement été pris au sérieux, souffrant de la comparaison et du poids artistique écrasant de son paternel. Pourtant, s’ils restent mineures, ses films restent l’œuvre d’un véritable artisan du cinéma bis et méritent qu’on y redécouvre quelques subtilités. Avec La Maison de la Terreur sorti en 1983, Bava fils signait son deuxième long-métrage et premier giallo. Un film d’horreur tourné à l’économie, dans un lieu quasi unique, une villa labyrinthique (appartenant au producteur) dans laquelle le cinéaste et ses scénaristes enferment le comédien Andrea Occhipinti (L’Eventreur de New York), qui interprète un compositeur de musiques de films, devant créer une partition pour accompagner le montage d’un film d’horreur réalisé par l’une de ses amies. Cet isolement dans la demeure située dans la banlieue de Rome va être perturbé par l’irruption de plusieurs femmes, proches ou inconnues du jeune compositeur, alors qu’un assassin rode et semble vouloir trucider tout ce qui passe… La Maison de la Terreur se déroule essentiellement en huis-clos, avec un tueur giallesque au possible (armes blanches, strangulation, vue subjective et visage caché, fétichisme) et une bonne dose de Whodunit. Lamberto Bava déploie déjà dans cette deuxième réalisation, un sens de l’espace assez surprenant. Le film est posé, jamais hystérique, bien au contraire, son rythme languissant, associé à sa durée de plus de 100 minutes, en font une œuvre qui prend son temps. Un peu trop peut-être, puisque l’intrigue n’évite pas la redite, les longs allers-retours dans les couloirs de la villa, les invraisemblances et réactions improbables des personnages… L’excellente musique de Guido et Maurizio De Angelis, avec son inévitable thème récurrent, fonctionne à merveille dans l’ambiance particulière qui se dégage de ce thriller.

Pulsions Méta

Talentueux, Lamberto Bava aurait aimé l’être, ambitieux, le cinéaste italien l’était certainement. Il ne se contente pas de reproduire des recettes déjà éprouvées, mais ajoute une dimension réflexive à son ouvrage. A l’image de Démons, qui se déroulait dans une salle de cinéma et faisait jaillir les personnages de l’écran dans la réalité, il place déjà dans cette deuxième réalisation un aspect « méta » en questionnant assez rapidement les rapports du film dans le film. Une mise en abîme assez succincte, mais qui a le mérite d’exister et constitue surtout des articulations plutôt bien vues pour son scénario. Ainsi, la scène qui ouvre le film en pré-générique, mystérieuse et angoissante, se révèle être la création sur laquelle va devoir travailler le personnage principal. De même, la musique fonctionne sur deux plans : à la fois comme bande originale du film, mais aussi de la fiction, puisqu’elle se confond avec la partition composée par le héros, embrassant astucieusement les scènes de suspense qui se déroulent en parallèle, dans un mouvement intradiégétique jouant autant sur la réalité pour le spectateur que sur celle de la fiction. Les meurtres se révèlent plutôt gores et craspec, mais sans extravagance. On y retrouve des références évidentes au cinéma de Dario Argento (auprès duquel Bava collabora sur Inferno et Ténèbres), ainsi qu’à Brian De Palma. On a surtout la joie d’apercevoir dans un second rôle Michele Soavi, réalisateur de La Secte, Sanctuaire et Dellamorte Dellamore, qui officie également ici comme assistant réalisateur. Et de noter la présence de Valeria Cavalli (Mother of Tears) et Anny Papa (Le Grand Alligator).
Maladroit par instants, techniquement pas toujours très sûr et un poil trop long, La Maison de la Terreur reste néanmoins un fascinant thriller horrifique, un film à redécouvrir pour son ambiance oppressante et ses meurtres bien craspecs.

Note : 3 sur 5.

LA MAISON DE LA TERREUR. De Lamberto Bava (Italie – 1983).
Genre : Horreur. Scénario : Elisa Briganti et Dardano Sacchetti. Interprétation : Andrea Occhipinti, Anny Papa, Fabiola Toledo, Michele Soavi, Valeria Cavalli, Stanko Molnar, Lara Naszinsky… Musique : Guido De Angelis et Maurizio De Angelis. Durée : 106 minutes. Disponible en Blu-Ray chez Le Chat qui Fume (15 février 2022).

L’histoire : Engagé afin de composer la musique d’un film d’horreur, Bruno emménage dans une vaste villa, dans la banlieue de Rome, dont le propriétaire est Tony Rendina, un ami d’enfance. Très vite, Bruno réalise que la maison est le cadre de faits étranges et inexplicables. Il fait bientôt la connaissance de Katia, une voisine, laquelle est sauvagement assassinée à l’arme blanche dans le jardin bordant la propriété. Un tueur rôde dans les parages, et le cauchemar ne fait que commencer.


L’édition Blu-ray du Chat qui Fume

TECHNIQUE. Le Chat qui Fume nous habitue, blu-ray après blu-ray, à un niveau qualitatif toujours élevé, que ce soit pour un classique ou un film de l’ombre. La Maison de la Terreur se place dans la seconde catégorie, mais n’en demeure pas moins une belle démonstration du soin technique accordé par l’éditeur. Alors certes, l’image n’est pas la plus clinquante que l’on ait pu voirces derniers temps, mais ce thriller horrifique du début des années 80 passe sans problème l’épreuve du temps avec cette copie HD. Quelques défauts subsistent à l’écran, mais le grain prononcé et la définition font oublier les quelques scories de l’image.
Côté sonore, cette édition propose le film en Français et Italien DTS-HD MA 2.0 mono. C’est très bon en version originale, un peu moins brillant pour le doublage français.

Note : 3.5 sur 5.

INTERACTIVITE. Débutons par une habitude qui devient très appréciable chez l’éditeur : celle de proposer dans son packaging un CD de 16 titres des meilleurs morceaux de Guido De Angelis et Maurizio De Angelis, compositeurs de la bande-originale du film. Du pain béni pour nos esgourdes jamais rassasiées… Sinon, côté bonus à proprement parler, cette édition nous propose un entretien avec Lamberto Bava « L’Escalier de la Mort » (16′), dans lequel le cinéaste revient sur le film, ses origines (au départ une mini-série télévisée finalement transformée en film de cinéma), le tournage et tout ce qui tourne autour de sa conception. Avec « Bienvenue à la maison » (21′), la parole est donnée au scénariste Dardano Sacchetti, tandis que « Dans une maison vide » (17′) tend le micro au chef opérateur Gianlorenzo Battaglia, qui évoque son travail sur l’image et les conditions de tournage du film. Enfin, une bande-annonce clôt cette section.

Note : 4.5 sur 5.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

1 Comment on [Be Kind Rewind] LA MAISON DE LA TERREUR de Lamberto Bava (1983)

  1. Son meilleur film reste sans aucun doute possible Macabro, un film qui me parait plus ambitieux, maitrisé et malaisant que le reste de son « oeuvre ». Ceci dit, celui que tu chroniques ici est tout aussi honorable mais moins original dans mon souvenir, plus formaté. J’attends de revoir Démons 1&2 avec les BR de Carlotta pour me refaire une idée mais j’en garde un souvenir plus nanardesque, certes sympatoches, mais un poil surestimés. Et son Apocalypse dans l’océan en revanche est un Z d’un ennui mortel… Et je n’ai pas vu les autres. Je ne doute pas qu’ils seront édités tôt ou tard.
    Bon évidemment, c’est difficile d’exister dans l’ombre d’un génie comme son papa quand on est juste un artisan appliqué mais sans réel grand talent…

    Aimé par 1 personne

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