[Critique] DEDALES de Bogdan George Apetri

Un homme en colère

Ce n’est pas tous les jours que l’on a l’opportunité de découvrir un film de genre roumain. Dédales de Bogdan George Apetri (à ne pas confondre avec le film homonyme de René Manzor sorti en 2003) est le deuxième opus d’une trilogie imaginée par le réalisateur et scénariste après Unidentified en 2020. Ce nouveau thriller âpre qui a fait la tournée des festivals, notamment en compétition à la Mostra de Venise 2021, affirme une vraie personnalité. On y suit une jeune fille de 19 ans qui quitte en cachette son monastère pour régler une affaire urgente en ville. Sur le chemin du retour, une mauvaise rencontre fait basculer son destin. L’inspecteur de police en charge de l’enquête met un point d’honneur à arrêter le coupable, quitte à dépasser les limites légales… Usant d’un ton à la fois réaliste, au plus près de l’humain, qui par instants vacille vers les frontières du film de genre et plus particulièrement du film noir, Dédales est, contrairement à ce que laisse entendre son titre français (Miracol en VO), assez loin du film ayant pour objet de perdre le spectateur dans des intrigues à tiroirs. Bogdan George Apetri brode certes une intrigue de thriller « à l’américaine » (le cinéaste vit entre la Roumanie et les USA, où il enseigne la mise en scène), qui brille par sa grande linéarité, mais sa capacité à s’approprier un genre ultra-codifié reste remarquable. Et c’est cette sensibilité qui rend Dédales si particulier.

Maelstrom mental

Dédales est clairement scindé en deux parties, une première centrée sur la jeune fille, personnage fragile et visiblement en perte de repères, amenée à faire des rencontres pas toujours très enthousiasmantes. La seconde se concentre sur l’enquête de police, avec cette fois, ce personnage de flic irascible, exagérément investi dans cette affaire. On comprendra les raisons de cette attitude forcée au détour d’une superbe scène à la portée émotionnelle tangible. Pour les besoins du film, Bogdan George Apetri fait des choix forts de mise en scène. Si on n’est pas dans de l’audace pure, la volonté de filmer uniquement à l’aide de longs plans séquences crée un effet de proximité avec les personnages et surtout, a pour effet de développer et d’étendre la temporalité du récit. Un dialogue dans un lieu unique voit la dimension dramatique de la scène gagner en consistance grâce à l’excellent jeu des comédiens et à la pertinence du procédé, tout en impliquant encore davantage le spectateur. La scène centrale du film, moment terrible autour duquel tout bascule, est à cet égard signifiante. A l’aide d’un long panoramique circulaire, Bogdan George Apetri décrit l’inéluctabilité, mais aussi l’isolement de Cristina face à son bourreau. Le réalisateur dilate le temps, mais choisi également de le tordre, dans une séquence finale remarquable, où l’inspecteur confronte son suspect sur le lieu du crime, et au cours de laquelle Bogdan George Apetri donne à son plan séquence une portée quasi métaphysique en formant une sorte de boucle temporelle et mentale, plongeant ainsi dans la psyché d’un des personnages, une approche totalement inattendue qui vient cueillir le spectateur. Mise en scène, jeu des comédiens, tout concourt à faire de Dédales un film au pouvoir hypnotique évident.
Au sein de sa trilogie, dont chaque film reste autonome dans son intrigue, Bogdan George Apetri tisse un univers dont les lieux et personnages, les tenants et aboutissants se répondent d’un film à l’autre. Les protagonistes de Dédales sont déjà présents, sous les traits des mêmes comédiens, dans Unidentified, mais en rôles secondaires, dans les environs d’un même village de Roumanie. Un jeu d’échos qui doit se confirmer dans le troisième volet que l’on attend avec impatience.

Note : 4 sur 5.

DEDALES. De Bogdan George Apetri (Roumanie/République Tchèque/Lettonie – 2021).
Genre : Thriller. Scénario : Bogdan George Apetri. Interprétation : Ioana Bugarin, Emanuel Pârvu, Cezar Antal, Ovidiu Crisan, Valeriu Andriuta, Valentin Popescu… Durée : 118 minutes. Distribué en DVD et VOD par Arizone Distribution (7 décembre 2022).


L’édition DVD d’Arizona Distribution

TECHNIQUE. Cette édition DVD bénéficie d’un rendu technique assez irréprochable. On n’est pas dans la qualité HD, mais l’image reste d’excellente qualité, avec une très belle définition, des contrastes et des couleurs au top. La seule piste son proposée, en version originale Dolby Digital 5.1, est elle aussi particulièrement convaincante.

Note : 3.5 sur 5.

INTERACTIVITE. Cette édition ne propose aucun bonus à proprement parler sur le film. Pour autant, saluons le geste de l’éditeur qui ajoute sur un second disque rien moins que le premier film de la trilogie, Unidentified, un choix éditorial à souligner et qui permet ainsi au spectateur de se plonger un peu plus dans les méandres du cinéma de Bogdan George Apetri et de mieux comprendre les tenants et aboutissants de cette trilogie.

Note : 4 sur 5.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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